Notre perception du monde est bornée. Nous ne voyons pas dans l’ultrarouge lointain, nous n’entendons pas les ultrasons et nous ne percevons pas les ondes que nous restituent radio, téléphone et télévision. Pourquoi tout ce qui nous entoure devrait-il être accessible par l’intuition même après que nos sens ont été appareillés par des instruments qui en compensent les carences ? N’est-ce pas une prétention excessive, ou du moins, une extrapolation sans fondement de l’expérience ordinaire ? Il est possible que nos capacités cognitives aient été sélectionnées au cours de l’évolution de façon qu’elles soient accordées à celles de nos sens. Dans ce cas, elles seraient bornées, au même titre que ceux-ci.
Penser la complexité et même jouer avec elle (le jeu d’échecs) n’est pas neuf. Toutefois, la complexité a changé de statut dans la seconde moitié du XXe siècle, ce à quoi les travaux menés par Edgar Morin depuis les années 1970 ont contribué13. Les notions de hasard et d’incertitude mises en avant par la physique, ainsi que les questions d’incomplétude et de non-cohérence des systèmes axiomatiques issues des mathématiques nouvelles, ont beaucoup influencé la réflexion scientifique et philosophique, sans vraiment prendre à bras-le-corps la question de la complexité.
Il importe de souligner que cela vaut pour les sciences humaines et sociales, même si le consensus est plus difficile à construire qu’en physique ou en biologie par exemple. S’agissant des objets ordinaires, il s’agit donc bien de rassembler, sur ceux qui nous paraissent les plus importants, une somme de savoirs structurés, validés, et partageables. De la même manière, la méthode à suivre a vocation à produire du consensus. Celui-ci peut ne pas être atteint. Dans ce cas, une pluralité de points de vue raisonnés subsiste.
Au renoncement, au catastrophisme, on peut préférer une forme d’espoir constructif. N’est-il pas important, aujourd’hui, de voir différemment ? N’est-on pas en droit de faire des propositions qui, toutes ambitieuses qu’elles soient, peuvent parfaitement s’ancrer dans la réalité ? De fait, il me semble qu’il est grand temps de donner à l’altruisme la place qui lui revient. Est-ce faisable ? Peut-être. Au minimum, la question mérite d’être discutée. C’est l’objet de cet essai.
La connaissance de tous les gènes d’un organisme fournit une première base. À partir de quoi, il reste à analyser leur expression, les protéines dont ils dirigent la synthèse, leurs fonctions, et le monde des interactions entre les uns et les autres. Dès le début des années 2000, ces approches commencèrent à produire des résultats. On utilise souvent des réseaux, à deux dimensions ou plus, comme mode de représentation des systèmes complexes.
TOUS CONNAISSENT LA TAPISSERIE DE BAYEUX, QUI EN EST LE HÉROS ?