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3,56

sur 214 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ma deuxième lecture d'un roman de Kourkov, ce magnifique écrivain ukrainien resté au pays malgré cette guerre insensée et terrible que fait, à l'Ukraine, la Russie de Poutine.
Et ceci après avoir apprécié le burlesque, l'humour et le cynisme de L'ami du défunt, et en attendant de lire Les abeilles grises et le pingouin.

Laitier de nuit, ce n'est pas la vie nocturne d'une coopérative laitière ordinaire, ici, le lait qui est collecté est d'origine humaine, et sert, comme pour tout lactarium, à aider les femmes en difficulté d'allaitement de leur progéniture, mais aussi à d'autres usages moins orthodoxes (et sans rapport avec la religion, quoique…)

J'ai beaucoup aimé ce récit choral, dans lequel se superposent les trois histoires de 3 couples vivant à Kiev ou dans les environs, et autour desquels tournent plusieurs personnages hauts en couleur, histoires qui ont plusieurs accroches communes, mais pourtant les protagonistes de ces histoires ne se rencontrent jamais, sauf, à la fin du roman, certains d'entre eux.
Au début, c'est parfois difficile de s'y retrouver, et d'ailleurs aussi ça doit aussi le cas pour l'auteur, puisque j'ai débusqué une erreur de prénom, à vous de trouver la page. Et d'ailleurs, il écrit avec malice :
« Ainsi la présente histoire avait-elle commencé un nuit d'hiver pour se poursuivre jusqu'à ce jour. Mais nous n'en connaissons pour le moment que le début. le temps que vous la lisiez jusqu'à la fin, son dénouement n'en sera plus que le milieu. Il est impossible de suivre les histoires, une vie n'y suffirait pas. Mais au moins sait-on une chose: par quoi tout a commencé. »
Mais, en réalité, et très vite, on s'y fait, et on suit sans problème les aventures de Dima et Valia, de Sermion et Veronika, et enfin celle d'Irina et de son inénarrable mère Choura, auquelle se joint plus tard le gentil Yegor. Et puis une incroyable galerie de personnages, dont un chat, en fait deux.

Je ne raconte pas ces histoires, mais sachez que c'est burlesque, absurde, mêlé de fantastique, mais que tout le récit nous livre une description sans concession de la vie d'une capitale, Kiev, et de l'Ukraine, à une époque post-soviétique, post- révolution « orange « mais avant les événements de la grande contestation de 2014, et de cette funeste guerre de 2022.
Un monde gagné par la corruption et les magouilles de toutes sortes, avec quelques-uns démesurément riches et le reste, une population très pauvre.
Mais où l'on perçoit une immense solidarité entre les gens.
Et un éloge de la nuit, je n'en dis pas plus.

Un récit très touchant, on sent que l'auteur a de l'empathie pour ses personnages qu'ils rend profondément attachants.

Un récit au lait, au lait.
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Ночной молочник
Traduction : Paul Lequesne

Se risquer dans le monde d'Andreï Kourkov, c'est un peu comme si, dans une impulsion similaire à celle d'Alice, on suivait le fameux Lapin blanc s'engouffrant en quatrième vitesse dans son terrier magique. Bien sûr, l'univers dépeint par l'écrivain ukrainien n'a pas, en apparence, grand chose à voir avec celui de Lewis Carroll. Mais ce n'est là, répétons-le, qu'apparence.

Insoucieux d'un monde victorien qu'il n'appréciait pas particulièrement, un monde plein d'interdits et de non-dits, l'Anglais rêveur, qui ne trouvait d'autre exutoire que dans l'absolu des mathématiques, a façonné de toutes pièces un récit hautement onirique et poétique, peuplé de petites filles désobéissantes et aventureuses, d'adultes complètement à la masse ou alors tournés en ridicule et de créatures fantasmagoriques issus des comptines de la nursery ou, tel l'inoubliable Jabberwock, de son propre imaginaire échevelé. Chez Carroll, la Reine de Coeur, devant qui tout le monde tremble et pourtant à qui tout le monde désobéit, ne rêve que de couper les têtes, y compris celle d'une enfant comme Alice, tandis que, derrière le Miroir, les Reines rouge et blanche se révèlent infiniment poseuses et superficielles. Bref, si le rêve est bien là, il peut très vite virer au cauchemar - ce qu'ont très bien compris les créateurs du jeu vidéo "Alice Madness Return" par exemple ou un créateur de génie comme Tim Burton.

Chez Kourkov, né un siècle et près de trente ans plus tard que Carroll, non dans un Empire monarchiste en plein essor mais dans un empire communiste et athée déjà sur le déclin, le choix pour l'écrivain reste le même : ou bien un récit réaliste où la tragédie l'emportera, ou bien un récit louchant fortement vers l'onirisme sans gommer pour autant les ombres du paysage, et usant en outre des ficelles léguées à l'imagination par le développement antérieur de mouvements littéraires et poétiques comme le surréalisme. Les motivations aussi sont les mêmes : échapper à un univers oppressant, le recréer en dénonçant par l'excès tout ce qui, dans ce monde imposé, va de travers.

Si la mélancolie slave affecte - ou rehausse, c'est selon - le binôme du "Pingouin", Kourkov la laisse carrément tomber dans "Laitier de Nuit". Il faut dire qu'il a changé d'animal-héros puisqu'il a choisi pour ce livre un chat de gouttière dénommé Mourik (un clin d'oeil au célébrissime Chat du Cheshire ? Wink ) qu'il pousse même la malice jusqu'à doubler pour les besoins de l'intrigue. Or, le symbolisme du chat est évidemment bien différent de celui du pingouin : plus riche pour nos contrées que la banquise ne recouvre pas encore et aussi plus mystérieux, pour ne pas dire plus occulte.

Pour les amoureux des chats - dont je suis - je précise que, en dépit de ce que le lecteur (et le maître de Mourik lui-même) en pensent à certains moments délicats de l'histoire, il n'arrive absolument rien à Mourik et à son acolyte, que l'on retrouve tous les deux en excellente forme à la fin du roman, en train de se partager de l'esturgeon. Toutes les morts enregistrée dans "Laitier de nuit" ne concerne que cette espèce irrémédiablement vouée au Mal et à l'Incohérence, la seule capable de tuer pour le plaisir ou pour l'argent : la race humaine. Car un doute demeure sur le sort réservé au chien-pisteur du maître-chien Dima, porté disparu corps et bien à un certain moment mais sur l'heureuse survie duquel on peut s'interroger.

Quant à l'histoire elle-même ...

En gros, sachez que Dima et deux bagagistes de l'aéroport de Kiev repèrent une valise contenant sans doute de la drogue. Dans l'espoir de se faire un peu d'argent - les salaires en Ukraine ne sont pas des plus élevés - ils escamotent donc la petite valise noire qui, ouverte, révèle toute une collection d'ampoules recelant non de la poudre mais un liquide. Invité à absorber le contenu de l'une des ampoules, Mourik, le chat bien-aimé de Dima et de son épouse, décède. En tous cas, il ne respire plus et son coeur ne bat plus. Afin de ne pas faire de peine à sa femme, Dima se débarrasse comme il peut du cadavre de son chat. Et, le chagrin de son épouse ne se calmant pas, il se procure même une sorte de jumeau de Mourik. Sa femme, Valia, tombe dans le piège et est toute heureuse d'avoir retrouvé son Mourik. Seulement, au bout de quelques semaines, retour du vrai Mourik à la porte de le maison. Maigre, affamé, pelé et suffisamment plein de courage pour se jeter sur le pittbull que le voisin aime à expédier faire ses besoins dans le jardin de Dima. Pas de doute : c'est bien Mourik, revenu d'entre les morts. Mais est-il vraiment mort ce jour-là, après avoir bu la drogue inconnue ? ...

A cette intrigue centrale déjà plutôt délirante, s'ajoutent les mésaventures d'Irina, fille-mère qui vend son trop-plein de lait maternel à un mystérieux organisme de Kiev, les interrogations perplexes d'un garde du corps convaincu de somnambulisme et les allées et venues très agitées de la veuve d'un pharmacien qui tient à conserver le cadavre de son mari, momifié, dans son salon. (Précisons que le pharmacien travaillait, pour le compte de mystérieux commanditaires, sur toutes sortes d'expériences, dont la création d'une drogue destinée à rendre - peut-être - plus courageux.) le tout avance, recule, s'entremêle, comme dans une espèce de polka frappée de folie mais le lecteur, bien loin de juger l'ensemble impossible ou lassant, se cramponne et veut à tous prix savoir où et comment tous ces agités finiront par trouver la clef de leurs interrogations et, pour certains, de leurs actes.

L'humour, un humour jubilatoire et chaleureux, domine l'intégralité du récit, même dans ses instants les plus sombres ou les plus périlleux - réponse de Kourkov à la maléfique Reine de Coeur de Carroll. Pour vous glisser plus ou moins timidement dans l'univers d'Andreï Kourkov, "Laitier de Nuit" constitue une porte d'entrée de première qualité. Ce n'est peut-être pas un "grand" roman mais, dans sa folie apparente et avec sa tendresse ironique, il témoigne bien des problèmes rencontrés par la société ukrainienne après l'effondrement de l'URSS et de sa tentative pour survivre, vaille que vaille. Car, sous la loufoquerie de l'histoire, courent toujours des hommes de main capables d'intimider, voire de liquider un tel ou un tel pour de l'argent. A l'ombre du totalitarisme déchu, dont l'énorme statue déboulonnée traîne encore à terre, fleurissent non pas une mais plusieurs organisations mafieuses, auxquelles les politiciens eux-mêmes sont susceptibles d'appartenir ...

"Laitier de Nuit" : un très agréable moment de lecture. A renouveler avec d'autres romans de son auteur, Andreï Kourkov.
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Il s'en passe de belles, la nuit, dans le centre de Kiev. Et les chats n'y sont pas gris, mais vengeurs masqués défendant la veuve et l'orphelin. Ceci n'est qu'une des innombrables péripéties de Laitier de nuit, qui nous réconcilie avec Andreï Kourkov dont l'ultime roman en date, le dernier amour du président, manquait singulièrement de piquant et de fantaisie. Laitier de nuit, avec sa construction chorale (une dizaine de personnages principaux se partagent la vedette, se croisant à l'occasion) est très ambitieux avec un mélange d'absurde (façon Paasilinna), traité avec un ton pince sans rire, et de réalisme ironique qui peint sans aménité une Ukraine gangrenée par la concussion et la corruption à tous les étages. Ce livre est d'une jubilation constante, avec ses héros hauts en couleur, très portés pour la plupart sur la gnôle à l'ortie, et leurs aventures improbables, qui les mènent de l'affliction à l'euphorie, en une fraction de seconde. de la littérature très riche mais saine, qui ne risque pas d'indisposer le lecteur consentant, pour peu qu'il ait prévu une bonne bouteille de gnôle à l'ortie à portée de main. L'ivresse qu'il connaîtra alors sera un doux mélange entre les effets de l'alcool et ceux de ce roman épique qui cavale sur plus de 400 pages sans oublier de décrire l'essentiel : la dérision de notre condition humaine.
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"Laitier de nuit" est une satire de la société ukrainienne où règnent la corruption et le désordre. C'est humoristique et déjanté.

L'auteur nous présente plusieurs couples, de classes sociales différentes qui vont finir par se croiser.
Irina, une jeune mère célibataire, vend son lait pour pouvoir manger à sa faim.
Dima est maitre-chien à l'aéroport ; son chien flaire une valise étrangement remplie d'ampoules suspectes qui seront testées sur son chat. Valia sa femme, cherche désespérément son chat.
Le pharmacien-chercheur du quartier a été assassiné.
Semion, agent de sécurité, fait de bizarres sorties nocturnes. Veronika s'inquiète et se confie à la pharmacienne devenue veuve.

Tragi-comiques, les courts chapitres racontent des tranches de vie surréalistes, des petits trafics, un peu d'alcoolisme et de politique, mais souvent une profonde humanité. Un roman à rebondissement très agréable à lire (sauf quelques longueurs vers le milieu).
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Un très belle découverte : fable jubilatoire et fantasque, "Laitier de nuit" nous entraîne en Ukraine, auprès de personnages décalés.
Lien : http://lecturissime.over-blo..
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Le titre du dernier livre de Andreï Kourkov fait un clin d'oeil à Portier de nuit. Je ne vais pas vous gâcher le plaisir de la lecture, la découverte des nombreux personnages comme de l'intrigue (trop facile, vous n'avez qu'à lire la quatrième de couverture si vous voulez en savoir plus…!). Bref, je ne vous dis rien…!

Une fois de plus, Kourkov nous plonge dans un univers totalement délirant (mais la réalité est-elle si différente de ce qu'il écrit…?), le tout à la sauce ukrainienne. Si vous avez aimé le pingouin et son ambiance décalée, attachante, pas de doute, vous êtes bon pour plonger le nez dans Laitier de nuit. À vos risques et périls…!
Lien : http://www.urbanbike.com/ind..
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