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Critique de Bookycooky


Andreï Kourkov dans son nouveau roman Les abeilles grises, paru récemment, raconte la guerre, celle qui sévit depuis bientôt huit ans, dans le Donbass, entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses soutenus par Moscou. Une guerre, qui malgré 14 000 morts, rangée dans la catégorie des « conflits gelés », au gré de cessez-le-feu constamment remis en question et de pourparlers enlisés. Or c'est ici, dit Kourkov que réside « le grand tournant » de l'agression russe, dans cette région « désertée par l'élite, une partie ayant rejoint la Russie, l'autre l'Ukraine ». Donc nous sommes en plein actualité, que j'aurais préféré de loin qu'il s'agisse d'une fiction vu la gravité de la situation actuelle.

Sergueïtch et Pachka, deux « ennemis d'enfance » qui ne s'appréciaient guère en temps de paix vivent à Mala Starogradivka, dans la zone grise, sur la ligne de front. le reste ayant déserté, étant les seuls à maintenir la vie dans le village, ils se rabibochent pour ne pas succomber à la solitude et l'angoisse. le premier ex-inspecteur de la sécurité est apiculteur, l'autre, profession buveur de vodka à plein temps muni d'une pelisse spéciale poches vodka et comme devise de vie « Fumer, c'est sa santé détruire ! Boire, c'est son âme réjouir ! » 😁
Kourkov avec son humour désarmant habituel, et une grande humanité nous raconte le désespoir et l'absurdité de ces deux vies parmi les champs creusés de trous d'obus mais semés de fleurs sauvages ou de sarrasin, les maisons abandonnées, où bombes et obus peuvent pleuvoir à n'importe quel moment sans raison et où le temps est vivant que par le biais d'un réveille matin. Grâce à La Littérature, il nous réchauffe le coeur malgré la grisaille des circonstances et du décor ( réels !) avec ses deux bonhommes à l'humanité encore intacte qui besognent entre abeilles, pots de miel, thé brulant, petits trafics de vodkas et de saucissons, inversant les plaques de leurs rues Lénine et Chevtchenko* . L'ensemble agrémenté de détails sophistiqués comme le ratafia bu dans un verre en forme de soulier au fin talon de cristal, le chaussurier fabriqué maison, des personnages touchants dont le Petro le soldat ukrainien aux attentions particulières , l'épicière Galia, ET d' un voyage en Crimée pour faire prendre l'air aux abeilles, ces abeilles desquelles les humains auraient tant à apprendre au sujet de l'ordre et de l'égalité. Ce livre où Kourkov met les femmes et les abeilles à l'honneur dans un monde d'hommes et de guerre est doux et savoureux comme le miel ! J'ai adoré ! Et surtout , surtout , lisez le très vite !

« Debout au bord d'un précipice,
courbé par la tristesse,
soudain je réalise :
le monde entier n'est qu'un poème . »

(Leonid Kisselev poète russe et ukrainien. Rimbaud kiévien, mort à l'âge de 22 ans, dans les années 1960.)

"l'abeille est le seul animal à achever une société parfaite". 


* Chevtchenko est la personnalité qui compte le plus de statues à son effigie dans le monde, juste derrière Jésus-Christ. Il est pourtant tout à fait inconnu du grand public en dehors de l'Ukraine et de sa diaspora. Taras Chevtchenko est le peintre et poète qui a prophétisé la liberté de l'Ukraine contre l'empire russe au XIXe siècle. Il continue d'être une icône populaire de la résistance à l'oppression, aussi bien en 2014 lors de la révolution de Maïdan qu'aujourd'hui face à la menace russe en train de se réaliser.
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