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EAN : 9782251200170
176 pages
Les Belles Lettres (15/09/2012)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Il s'agit ici de ce que Walter Benjamin appelait, dans un compte rendu qu'il fit à l'époque de l'ouvrage, une "contribution à la sociologie des employés", d'un style et d'une méthode bien différents cependant. L'auteur circonscrit d'abord son objet d'étude par les données statistiques et les premières études de spécialistes ; puis il mène en dix semaines une enquête de terrain à Berlin : il étudie minutieusement les conditions d'habitat, de transport et de travail (... >Voir plus
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critiques presse (1)
LaViedesIdees
05 mai 2014
Le lecteur français redécouvre aujourd’hui certains aspects de l’œuvre de Kracauer qui permettent de mieux situer son entreprise sociologique. Un retour précis sur l’histoire de la réception du texte Les Employés par Adorno, Bloch et Benjamin apporte un éclairage à l’élan vers le réel opéré par l’observateur satiriste.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Berlin est aujourd'hui une ville marquée par la culture des employés ; c'est-à-dire par une culture faite par les employés, pour des employés, et que ceux-ci, pour la plupart, tiennent pour une culture. Ce n'est qu'à Berlin, où les attaches aux origines et à la terre sont si refoulées que les sorties de week-end ont pu devenir tellement à la mode, que la vie des employés se laisse appréhender dans sa réalité. Pour une large part, cette réalité est celle de Berlin même.

Se laisse-t-elle dépeindre dans un reportage ordinaire? Depuis quelques années, le reportage jouit en Allemagne d'une faveur suprême parmi toutes les autres formes de représentation, car il est seul capable, pense-t-on, de saisir la vie dans sa spontanéité. Les écrivains n'ont pas de plus hautes ambition que de faire du reportage ; reproduire ce que l'on a observé, voilà ce qui compte aujourd'hui. Il y a une sorte de fringale d'immédiateté, qui est sans doute la conséquence de la malnutrition dont est responsable l'idéalisme allemand. Au caractère abstrait de la pensée idéaliste, incapable de s'approcher de la réalité par quelque médiation que ce soit, on oppose la manifestation spontanée de l'exigence concrète que serait le reportage. Mais un reportage, qui dans le meilleur des cas parvient à offrir une reproduction de ce qui existe, ne suffit pas à le rendre présent. Le reportage était une réaction légitime contre l'idéalisme ; rien de plus. Car il ne fait que s'égarer dans la vie que ce dernier manque tout à fait, et qui échappe à l'un comme à l'autre. Cent reportages sur une usine sont impuissants à restituer la réalité de l'usine, ils sont et restent pour l'éternité cent instantanés de l'usine. La réalité est une construction. Certes, la vie ne peut apparaître qu'à partir d'observations. Mais elle n'est nullement contenue dans les séries d'observations plus ou moins aléatoires des reportages, on ne la trouve que dans la mosaïque que constituent des observations particulières au fur et à mesure que l'on appréhende leur teneur. Le reportage donne une photographie de la vie ; l'image de la vie, quand à elle, c'est une mosaïque de ce genre qui nous l'offrirait.
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"Chacun sera placé dans le poste qu'il est le mieux apte à occuper en fonction de ses capacités, de ses connaissances, de ses qualités psychiques et physiques, bref en fonction des caractéristiques particulières de sa personnalité tout entière. La bonne personne à la bonne place ! " Ces formules sont empruntées à une circulaire administrative de la société en commandite O. à la fin de l'année 1927, et visent à préparer le personnel salarié aux tests d'aptitude concoctés à leur intention. La personnalité tout entière, la bonne personne et la bonne place : ces termes empruntés au registre d'une philosophie idéaliste surannée pourraient faire croire que ces tests, entre-temps mis en oeuvre, avaient pour but une véritable sélection des personnes. Mais ni dans l'entreprise O., ni dans aucune autre, la plupart des employés n'accomplissent de tâches qui requièrent une personnalité, ni même les caractéristique particulières d'une personnalité, encore moins "la bonne personne"! Les postes ne sont justement pas des professions qui correspondraient à des prétendues personnalités, ce sont des postes qui dans l'entreprise sont définis en fonction des exigences du processus de production et de distribution. Ce n'est que dans les strates supérieures de la hiérarchie sociale qu'apparaît la véritable personnalité, laquelle n'est certainement plus exposée à la pression des tests. Les tests d'aptitude peuvent tout au plus montrer si les employer sont plus particulièrement indiqués pour certains postes. Standardiste ou sténotypiste, telle est la question. Une indication qui n'est pas sans importance, car elle prouve que les tests subis dans l'entreprise servent davantage les intérêts de cette dernière que ceux de "la bonne personne". C'est ce que laisse entendre la circulaire administrative dans un passage qui subordonne tout changement de poste aux résultats des testes : "Une augmentation ou diminution de salaire n'intervient que si l'employé concerné est déplacé sur un poste d'un rang plus ou moins élevé." Sans doute l'épanouissement de la personnalité ne compte-t-il plus guère pour la suite.
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"Puisque le travail ne procure plus aujourd'hui aucun plaisir, me dit le dirigeant d'un syndicat "libre" d'employés, il faut proposer aux gens des apports extérieurs." C'est aussi la conclusion à laquelle arrive l'article déjà cité "Vers la joie au travail" de la revue du GdA (n°9, 1929), où l'on peut lire : "Cependant les possibilités de donner au travail une signification spirituelle et de rendre l'activité des travailleurs plus intéressante, de façon qu'ils y trouvent une satisfaction personnelle, restent limitées. Il faut donc rechercher les moyens de remédier à la misère spirituelle de la masse des salariés." Ces remèdes, ce sont par exemple l'art, la science, la radio et bien entendu le sport. Cependant, à considérer l'idée que la misère engendrée par l'activité professionnelle serait moins profonde si l'on proposait aux employés d'occuper leur temps libre avec des contenus riches en valeur, on voit qu'elle n'est nullement sans inconvénients. Cela reviendrait à disposer, comme autour d'un troupeau contaminé, un cordon sanitaire autour du travail mécanisé. Or celui-ci ne se laisse pas circonscrire comme une épidémie, son influence s'exerce sur les hommes jusque dans les moments qu'ils consacrent à autre chose, et occuperait-il cinq heures seulement au lieu de huit, cela n'en ferait nullement une fonction détachable qu'il suffirait de mettre entre parenthèses. Pour en réduire les effets pernicieux, il faudrait que la conscience, au lieu de se détourner du travail mécanisé, le prenne en compte.
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L'ouvrier de base, que tant de petits employés regardent de si haut, leur est souvent supérieur non seulement sur le plan matériel mais aussi existentiel. Sa vie de prolétaire conscient se déroule sous l'abri des concepts du marxisme vulgaire, qui lui disent au moins ce qu'on attend de lui. Il est vrai qu'aujourd'hui cet abri a son toit percé de toutes parts.
La masse des employés se distingue du prolétairiat ouvrier par le fait qu'elle se trouve spirituellement sans abri. Elle ne peut pour le moment trouver le chemin qui la conduirait chez les camarades, et la demeure des concepts et des sentiments bourgeois, où elle résidait, n'est plus que ruines, car l'évolution économique en a sapé les fondements. Elle ne dispose actuellement d'aucune doctrine vers laquelle se tourner, d'aucun but qu'elle puisse interroger. Elle vit donc dans la crainte de se tourner vers quoi que ce soit, et de pousser l'interrogation jusqu'à ses dernières conséquences.
Cette vie, qui ne mérite ce nom qu'au sens le plus restreint, rien ne la caractérise mieux que la façon dont lui apparaît ce qu'elle considère comme la valeur suprême. Ce n'est pas un contenu, c'est un éclat. On ne l'atteint pas par le recueillement, mais par la distraction. "Si les gens sortent tant, me dit un employé de mes connaissances, c'est bien parce que chez eux tout est misérable et qu'ils ont besoin d'un peu d'éclat."
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Le traitement mensuel, le travail qu'on appelle intellectuel, et quelques autres caractéristiques mineures du même genre, voilà ce qui garantit à une grande partie de la population qu'elle mène une existence bourgeoise, alors qu'en réalité elle n'a plus rien de bourgeois. Cela correspond bien au phénomène relevé par Marx, selon lequel la superstructure ne s'ajuste que très lentement à l'évolution de l'infrastructure imposée par les forces productives. La position de ces couches sociales dans le système économique a changé, mais elles ont gardé une conception de la vie qui est celle des classe moyennes. Elles nourrissent une fausse conscience. Elles restent attachées à des différences qui ne font que jeter la confusion sur leur situation ; elles professent un individualisme qui n'aurait effectivement un sens que si elles étaient encore constituées d'individus capables de décider de leur destin. Même lorsqu'elles luttent en tant que salariés au sein des syndicats et à leurs côtés pour améliorer leur condition, leur être réel est largement déterminé par la situation meilleure qu'elles ont connue auparavant. Elles sont hantées par un mode de vie bourgeois qui a disparu. Peut-être contient-il des forces qui exigent à bon droit de survivre. Mais elles ne survivent aujourd'hui que dans un état d'inertie, sans entrer dans un rapport dialectique avec l'état de choses actuel, et elles minent ainsi elle-mêmes la légitimité de leur propre maintien.
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La notion de « flux de la vie » chez Kracauer : entre philosophie et théorie du film -
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