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Citations sur Tragédie à l'Everest (59)

Installé sur le toit du monde, un pied en Chine, un pied au Népal, j'essuyai la glace qui s'était formé sur mon masque à oxygène, me recroquevillai pour me protéger du vent et contemplai distraitement l'immense Tibet. Avec une conscience affaiblie et détachée, je comprenais que j'avais devant moi un paysage spectaculaire. Pendant de nombreux mois, j'avais imaginé ce moment et anticipé l'émotion qu'il provoquerait. Mais maintenant, alors que je me tenais vraiment au sommet de l'Everest, je n'avais même plus la force de m'en soucier.
C'était au début de l'après-midi du 10 mai 1996. Je n'avais pas dormi depuis cinquante-sept heures. La seule nourriture que j'avais réussi à avaler se réduisait à un bol de potage soluble et à une poignée de cacahuètes enrobées de chocolat. Une toux violente, qui durait depuis des semaines, transformait chacune de mes respirations en épreuve douloureuse. A 8848 mètres, dans la troposphère, l'oxygène était si raréfié que mes aptitudes mentales étaient ramenées à celles d'un enfant attardé. Dans ces conditions, je sentais que j'avais froid, que j'étais fatigué, et rien d'autre.
J'étais arrivé au sommet quelques minutes après Anatoli Boukreev, un guide russe qui travaillait pour une expédition américaine, et juste devant Andy Harris, guide de l'équipe néo-zélandaise à laquelle j'appartenais. Je connaissais à peine Boukreev, mais en revanche j'avais appris à apprécier Harris au cours des semaines précédentes. Je pris rapidement quelques photos des deux hommes puis je me retournai et commençai à redescendre. A ma montre, il était 13 h 17. J'avais passé moins de cinq minutes sur le toit du monde.
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Sur onze kilomètres, le chemin montait et descendait parmi les pierres instables de la moraine latérale du glacier de Khumbu, ensuite il descendait sur le glacier lui-même. Scories, graviers et rocs de granit couvraient la glace mais, par endroits, la piste traversait une parcelle de glacier propre, une surface gelée et translucide qui brillait comme de l'acier poli. La glace qui fondait produisait en surface et en sous-sol un ruissellement furieux d'innombrables petits cours d'eau dont le grondement spectral résonnait dans tout le corps du glacier.
Au milieu de l'après-midi, nous parvînmes à un bizarre alignement d'aiguilles de glace dont la plus haute atteignait trente mètres. Il portait le nom d'"allée des Fantômes". Façonnée par le soleil, ces aiguilles donnaient une ombre turquoise et l'on pouvait distinguer à perte de vue leurs pointes recourbées comme des dents de requin. Helen, qui était passée par là d'innombrables fois, nous annonça que le but était proche.
Trois kilomètres plus loin, le glacier s'orientait brusquement vers l'est. Nous montâmes jusqu'au faîte d'une longue pente et là, étendue devant nous, nous aperçûmes une agglomération bigarrée de dômes en nylon. Plus de trois cents tentes logeaient les grimpeurs et les sherpas de quatorze expéditions sur un sol de glace parsemé de rocs. Il nous fallut vingt minutes pour trouver nos quartiers dans ce vaste campement. Pendant que nous franchissions la dernière pente, Rob descendit vers nous pour nous saluer avec un grand sourire : " Bienvenue au camp de base de l'Everest ! "
L'altimètre de ma montre indiquait 5365 mètres.
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Pendant un moment, ça avait été un peu difficile, mais en fin de compte le but était atteint. Magnifique.
Il me faudrait de nombreuse heures pour apprendre que -magnifique" n'était certainement pas le terme adéquat et que dix-neuf hommes et femmes étaient bloqués dans la montagne par la tempête, luttant de toutes leurs forces pour rester en vie.
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" Il y a des gens qui font de grands rêves, d'autres de petits rêves, mais le plus important, c'est de ne jamais cesser de rêver."
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Dans l'expédition de Hall, parmi les six grimpeurs qui atteignirent le sommet, deux seulement - Mike Groom et moi - en sont revenus. Quatre camarades, avec lesquels j'avais ri et vomi, et longuement parlé, avaient perdu la vie. Par mes actes - ou leur absence - j'avais joué un rôle direct dans la mort d'Andy Haris. Et pendant que Yasuko Namba s'éteignait sur le Col Sud, j'étais à trois cents mètres de là, blotti dans ma tente, sans imaginer une seconde sa lutte pour survivre. Je ne pensais qu'à ma propre sécurité. Ce genre de chose laisse dans l'esprit une marque qui ne s'efface pas en quelques mois de chagrin et d'auto-accusation.
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Le bouddhisme, tel qu'il est pratiqué dans les hautes vallées du Khumbu, a un parfum nettement animiste : les Sherpas vénèrent un mélange confus de divinités et d'esprits qui sont supposés habiter les défilés, les rivières et les sommets de la région. Et ils considèrent qu'il est d'une importance cruciale de rendre un juste hommage à chacun d'eux afin de pouvoir traverser sans encombre cette contrée pleine d'embûches.
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Quand le glacier bougeait, les crevasses pouvaient se resserrer et plier les échelles comme des cure-dents; à d'autres moments, une crevasse pouvait, en s'agrandissant, laisser l'échelle osciller au-dessus du vide.
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Je me méfie des résumés, de tout raccourci temporel, de toute prétention à maîtriser ce que l'on rapporte. Je pense que quelqu'un qui prétend comprendre mais conserve manifestement son calme, que quelqu'un qui prétend écrire avec émotion mais se souvient en toute tranquillité, est un imbécile ou un menteur.
Harold Brodkey, "Manipulations"
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"Il est très difficile de faire faire demi-tour à quelqu'un près du sommet", indique Guy Cotter, qui est monté au sommet avec Hall en 1992 et faisait partie de son expédition de 1995 lors de la première tentative de Hansen. "Si un client voit que le sommet est proche, il voudra absolument y aller, il vous rira au nez et continuera." Comme Peter Lev, un guide américain chevronné, le déclara à "Climbing" [un magazine américain] après la tragédie : "Nous croyons que les gens nous paient pour prendre les bonnes décisions, mais en réalité, ils paient pour aller au sommet."
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La part de souffrance par rapport au plaisir ressenti était bien plus grande que sur n'importe quelle autre montagne où j'avais pu aller. J'en vins ainsi à comprendre que l'escalade de l'Everest consistait avant à supporter la souffrance .
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