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Critique de kathel


J'avais beaucoup aimé L'an prochain à Tbilissi, le recueil de nouvelles de Sana Krasikov, aussi n'ai-je pas hésité à postuler pour lire ce premier roman, sur lequel l'auteure a travaillé une dizaine d'années, et qui n'est pas autobiographique, mais inspiré par la vie de certaines de ses connaissances.
Dans les années 30, Florence Fein, jeune juive idéaliste parlant russe, travaille pour le gouvernement américain en tant qu'interprète. Une histoire d'amour, ainsi que l'image idéalisée qu'elle se fait de l'URSS, la poussent à quitter sa famille, et partir d'abord à Moscou puis à Magnitogorsk, une ville minière éloignée de tout. Elle va rester en Union Soviétique. Malgré les difficultés, la répression, elle semble ne jamais avoir perdu de vue cette image idéale, même lorsque son entourage la pousse à retourner aux États-Unis, bien des années plus tard. En 2008, son fils Julian, qui conçoit des navires brise-glaces, doit se rendre à Moscou pour des négociations qui s'annoncent compliquées.
Il m'a été utile au début d'écrire une petite chronologie des faits, parce qu'entre 1934 et 2008, il se passe beaucoup de choses dans cette famille, un certain nombre de départs et de retours, et le roman fait aussi des allers et retours, mais finalement, avec les dates en début de chapitres (sous forme de visas, c'est original et amusant), il n'est pas compliqué de s'y retrouver.
J'ajoute qu'un roman qui laisse des questions en suspens dès les premières pages, j'aime vraiment ça, à condition que le rythme suive, et c'est ici le cas.

Roman imposant sans être compliqué, il se singularise par ses narrateurs différents. Julian exprime lui-même ses tribulations dans la Russie de Poutine, et Florence est racontée à la troisième personne, sans que cela la rende plus lointaine, mais au contraire lui donne un vrai statut d'héroïne romanesque, embourbée dans l'Union soviétique stalinienne. La Florence que son fils a connue (retrouvée, en réalité, mais c'est une partie de l'histoire qu'il vaut mieux ne pas dévoiler) n'a jamais renoncé à défendre ses idéaux de jeunesse, et n'a jamais non plus répondu à nombre de questions que Julian se posait. Aussi montre-t-il un grand intérêt pour le dossier du KGB de sa mère qu'il va pouvoir enfin consulter. Florence serait à elle seule un superbe personnage de roman, du genre qu'on n'oublie pas, mais avoir ajouté les histoires de son fils et son petit-fils prolonge largement l'intérêt, et fait réfléchir aux répercussions de certains choix radicaux, sur les générations suivantes.

J'ai beaucoup aimé également les portraits des personnages secondaires, souvent acides, et tracés en quelques mots bien choisis, j'y ai retrouvé l'art des descriptions déployé par l'auteure dans ses nouvelles.
Le roman permet aussi d'aborder des aspects historiques passionnants, et que je ne connaissais pas, je l'avoue : l'abandon par leur propre gouvernement de milliers de juifs américains installés en URSS, et, plus tard, la répression stalinienne contre le Comité antifasciste juif, et la « Nuit des poètes assassinés ».
Cette lecture qui m'a enchantée devrait plaire, me semble-t-il, à ceux qui ont aimé Nathan Hill et ses Fantômes du vieux pays et, comme pour ce roman, vous allez peut-être le laisser passer maintenant, trop de sollicitations, trop de tentations, et tout, et tout, mais vous y reviendrez plus tard, je n'en doute pas !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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