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Critique de oblo


Györgi Korim est archiviste, il a quarante-quatre ans et vit à deux cent kilomètres au sud de Budapest. Un jour, il découvre un manuscrit qui se révèle pour lui extraordinaire, et qu'il lui faut absolument non seulement partager avec le monde, mais plus encore offrir à ce texte l'éternité qu'il mérite. Pour cela, Korim se dit qu'il doit le faire au centre du monde, New York donc, pour enfin livrer au monde et aux hommes cette histoire de quatre hommes – ou quatre anges – qui errent à travers l'espace et le temps à la recherche d'une paix durable. Mais, parce qu'ils sont plongés dans l'histoire humaine, leur quête est infinie et vouée à l'échec puisque l'auteur de ce manuscrit « avait envoyé les quatre hommes dans le monde réel, dans l'Histoire, c'est-à-dire dans l'état de guerre permanent … ».

Sans cesse revient alors, dans le récit, la figure quasi satanique de Mastemann, annonciateur de la mort à venir qui se réjouit de la destinée inéluctable de l'humanité, condamnée à chercher l'affrontement, le combat, la guerre, même quand elle semble vivre dans un paradis terrestre. Sa présence – celle de Mastemann – intrigue, effraie et attire en même temps. Toutefois, il est sans cesse oublié par les quatre hommes ou anges – appelés Kasser, Falke, Bengazza et Toot – qui parcourent donc le monde à la poursuite des symboles du génie humain, de cette capacité fondamentale et essentielle à créer le beau.

Korim est ébahi par la poésie de ce texte. Plus encore, il a le sentiment que le transmettre et l'offrir à l'humanité est une obligation pour lui. En cela il est un prophète improvisé, réceptacle du message d'un dieu absent qu'il faut porter au monde. Mais Korim n'a rien d'un prophète : il fait à tous ceux qu'il croise l'impression d'être un homme étrange, qui évoque toute sa vie à qui veut l'entendre, et même à qui ne veut pas, qui intrigue par son apparence qui hésite entre celle du clochard et celle du comptable de province, qui suscite aussi bien l'indifférence que la sympathie.

Dans sa volonté de révéler ce message, Korim parle sans cesse. En cela l'écriture de Krasznahorkai tente de rendre ce débit ininterrompu par des phrases longues de plusieurs pages, entrecoupées de virgules, dans lesquelles les dialogues s'insèrent sans guillemets ni tirets, et dans lesquelles l'on passe sans transition du récit des actions de Korim à la relation du manuscrit. de la même façon, pour Korim, dans sa volonté de tout dire, il s'agit aussi de se faire comprendre. Or, Korim ne parle que le hongrois, guère audible dans cette vaste tour de Babel qu'est le monde et qu'est New York. Les tentatives pour Korim de se faire comprendre – user notamment d'un guide de conversation – sont relativement inutiles ; du moins existent-elles.

Ainsi Guerre et guerre apparaît comme une sorte de refuge littéraire et poétique d'un monde sans cesse assailli par la puissance terrifiante de la violence et de l'argent – thèmes liés dans l'Histoire –, lequel monde n'est finalement que la répétition ubuesque du triste état de l'humanité. le livre est-il un avertissement ? La mise en mot de la déchéance empêchera-t-elle cette dernière ? Rien n'est, évidemment, moins sûr.
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