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EAN : 9782366244427
96 pages
Cambourakis (04/09/2019)
4.15/5   65 notes
Résumé :
Lorsqu’il reçoit, de la part d’une énigmatique fondation, une invitation à se rendre en Estrémadure afin d’écrire sur cette région en plein essor, l’ancien professeur de philosophie est persuadé qu’il s’agit d’une erreur. Pourquoi s’adresserait-on à lui, qui a renoncé à la pensée et à l’enseignement depuis des années ? Qui plus est pour aller dans cette région reculée d’Espagne ? C’est pourtant le récit de ce voyage (qu’il a donc effectué) et de l’enquête autour du ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Qu'est-ce qui fait qu'on accroche à un récit ? Qu'on lit 70 pages d'une traite ? Et qui ne comporte qu'une seule et même phrase ?
C'est l'expérience que j'ai faite afin de découvrir Lazlo Krasznahorkai dont BookyCooky nous avait dit grand bien sur Babelio – merci à elle.
Et ça marche.

Le thème ? Un homme soliloque dans un bar hongrois. Il vient tous les jours, boit sa bouteille – « Sternburger, bitte » - tandis que le bar diffuse de la musique turque.
Un jour il explique au serveur du bar qu'il a reçu une lettre. On s'est souvenu qu'autrefois il était un « professeur » et on l'invite à séjourner en Espagne. Plus particulièrement en Estrémadure, une région pauvre proche de la frontière portugaise. Là-bas, il pourra rester le temps qu'il souhaite, et se promener autant qu'il veut, pourvu qu'à la fin il écrive sur ce qu'il a vu et ressenti.

Notre héros, qui est plutôt un antihéros d'ailleurs, n'y croit pas du tout. Et pourtant il répond. Et pourtant c'est bien vrai, et il va partir.

Commence alors une sorte de road-trip, avec une femme traductrice d'entre deux âges, qui va le conduire, un peu par défaut, à enquêter sur l'histoire du dernier loup. « Nous irons là où le dernier loup a péri » peut-on lire. Et cette quête étrange, qui va le mener au fin fond de cette région désertée, va nous conduire jusqu'à une scène émouvante de la mort d'une louve, ralentie dans sa course par les petits qu'elle portait.

Qu'est-ce qui fait qu'on accroche à un récit ? le style bien sûr.
Et celui de Lazlo Krasznahorkai nous prend et ne nous lâche pas.

Une seule phrase et 70 pages de régal, pour une histoire improbable mais qu'importe : me laissant l'impression d'avoir voyagé jusqu'à Caceres, Badajoz et Mérida, et puis ensuite dans ses grandes étendues quasi désertiques où une meute de loups avait trouvé refuge.

Un beau voyage grâce à la plume de cet auteur hongrois – un grand merci donc à BookyCooky pour avoir attiré mon attention sur cet auteur, dont elle a chroniqué "The Manhatthan Project" et "Spadework for a Palace" (je vous recommande ses billets) et que je vais garder en mémoire désormais.
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Laszlo K., dont je finirai par lire tous les livres, nous livre ici une histoire courte, trop courte à mon goût. Je comprend bien l'intérêt de la chose, aux temps du lecteur fatigué par les amoncellements.
Le procédé, comme celui d'un plan unique au cinéma, est très bien exploité, collant à l'histoire de cet homme pour lequel plus rien n'a de sens, jusqu'à l'absurde.
On entrevoit, à travers ce thème du dernier loup, les questions dont l'auteur aimerait nous entretenir, mais il manque à mon sens des éléments pour boucler cette boucle narrative chère à son oeuvre.
Petite mesquinerie pour finir, qui me trotte dans la tête depuis quelques temps, avec ces éditeurs dont les choix me ravissent, mais dont les tirages se font en Europe de l'Est... Sûrement hors-sujet, mais pensez-y la prochaine fois que vous passerez par le Cher...
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Houuuuu ! Je viens d'en finir avec ce Dernier loup (2019) j'ai failli m'endormir comme le barman hongrois à qui un philosophe allemand désabusé raconte cette histoire qui lui est peut-être arrivée mais moi j'ai bu de la Vichy car il fait une chaleur suffocante chez moi et que l'eau de Vichy c'est mieux que la bière pour éviter la déshydratation et puis la Sternburger du philosophe berlinois pardon ce n'est pas ma tasse de thé de toute façon je préfère la bière belge car on a beau dire, comme dirait mon ami RobertB, avec la bière belge on n' est jamais déçu c'est pas comme avec cette nouvelle purée qui a reçu le prix Pullitzer et même été élue pépite de la semaine par Marianne, si, si, car au-delà de la prouesse stylistique, « du sublime phrasé qui se déplie » des digressions, de quelques clins d'oeil pince-sans rire et du documentaire animalier ushuaïesque, je n'ai pas été happée par la profondeur métaphysique de la « novella » si ce n'est qu'elle m'a trimballée via d'innombrables virages en Land Rover à travers l'Estrémadure du vide au vide, en m'assoiffant.
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« nous irons là où le dernier loup a péri »
c'est là où j'ai compris que je n'avais plus rien à écrire mais juste à dire, à vous raconter mon histoire au-delà des frontières et des hommes, eh toi, le hongrois, tu m'écoutes ? oui j'en étais au moment où j'ai reçu cette invitation pour aller en Espagne, à vrai dire je ne savais pas pourquoi j'avais été choisi, des années que je n'ecrivais plus rien, tombé dans l'oubli et la morosité je sombrais dans ce café berlinois devant ma bière que me servait ce hongrois qu'il me fallait réveiller de temps à autre pour maintenir mon auditoire, je sais ce que tu penses mais avoue que tu préfères que je sois dans ton bar t'évitant de mauvaises rencontres, au moins avec moi tu sais que tu peux t'endormir, je te réveillerai ! que tu écoutes cette histoire de loup, le dernier tu m'entends bien, le dernier et c'est ainsi que je suis parti en Estrémadure
Vous manquez d'air ? La phrase est longue... oui je sais. Je n'ai pas le don mais j'ai une nouvelle fois découvert un auteur, après Raduan Nassar, qui a ce savoir qui m'épate, cette maîtrise d'écrire sur 70 pages en ignorant les points, même le dernier ne sera pas le final à tout bien y réfléchir. Laszlo Krasznahorkai vous ballade élégamment en Europe, vous fait sourire et vous embarque dans un phrasé agréable et surprenant à la rencontre d'un conteur d'histoires. « Il se mit à rire, mais pas de bon coeur car son esprit était occupé par des questions (...) » vous voulez la suite...? je vous la raconte avec plaisir, le hongrois ! une Sternburger comme d'habitude avant que je recommence le dernier loup.
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Un nouveau livre de Laszlo Krasznahorkai est toujours un événement pour moi, même si comme ici, il ne s'agit que d'une longue nouvelle d'une soixantaine de pages.

Une soixantaine de pages dans lesquelles se déploie une seule phrase, dans des volutes, des digressions, un rythme ample, un souffle puissant. le narrateur, un professeur de philosophie déclassé, qui végète et survit de petits travaux alimentaires, raconte à un barman hongrois, dans un bar minable, dans un quartier en déliquescence, un voyage en Espagne, en Estrémadure. Vrai voyage ? Voyage fantasmé ? En partie vrai ? En partie inventé ? Mais où mettre la frontière entre le réel et l'imaginaire, et lequel est le plus tangible ?

Invité par un organisme pour écrire quelque chose au sujet d'une région en pleine mutation, sans doute pour en donner une image positive, l'ex-professeur, l'ex-philosophe, qui n'écrit plus, n'enseigne plus, ne fait rien d'autres que traîner, ne comprend pas la raison de cette invitation qui lui est faite. Elle lui semble très mystérieuse, due à une erreur, comme une sorte d'ironie du destin. Il se décide quand même à faire le voyage, même s'il sait qu'il sera incapable d'écrire quoi que ce soit, les mots et les idées l'ayant en quelque sorte quittés définitivement. Il visite un peu au hasard, sur des impulsions des lieux, amené par un chauffeur, accompagné par une traductrice. Un article l'amène à enquêter sur la mort du dernier loup dans cette région : l'histoire va se révéler plus complexe qu'il ne semblait, avoir des ramifications, des épisodes, une charge émotionnelle, et des interrogations qui vont bien plus loin que le destin de l'animal.

Laszlo Krasznahorkai est un magicien, du verbe et du récit, qui tient son lecteur en haleine, et le laisse au final avec plus de questions que de réponses. Ce qui permet de continuer longtemps, une fois la dernière page lue, à imaginer et à voyager à l'intérieur du livre.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
(…) Ils redoublaient de prudence, d’intelligence, de ruse, et de courage, mais ils ne partaient pas, et cela, personne ne le comprenait, tous ceux qui à l’époque avaient suivi cette histoire de loups s’attendaient à ce que ces deux animaux si intelligents quittent définitivement la région, mais non, ils étaient restés, car voyez-vous, lui dit le garde-chasse en faisant démarrer la jeep, ça se passe comme ça chez les loups, quand ils ont un territoire, ce territoire demeure le leur à jamais, même s’il ne couvre qu’une cinquantaine d’hectares ils ne peuvent pas le quitter, c’est la règle, un principe, qui guide leur pensées et détermine leur existence, si ces deux derniers loups n’ont pas bougé d’ici, c’est parce qu’ils ne pouvaient pas partir, ils avaient beau être conscients du danger permanent, abandonner leur territoire, dont ils ne cessaient de marquer les frontières, était tout simplement impensable, et puis, ajouta José Miguel, il était personnellement convaincu que la fierté jouait également un rôle important dans leurs lois, c’était donc probablement en partie par fierté qu’ils n’étaient pas partis, le loup est un animal très fier, très fier, dit-il en crachant quasiment chaque syllabe, après quoi il se tut, resta un long moment perdu dans ses pensées, et les autres le laissèrent à sa rêverie (….)
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[...] il ressentit la même angoisse que là-bas, et fut horrifié de constater que cette angoisse était de toute évidence plus forte que le vide dans lequel il connaissait le calme et le repos, dit-il en élevant la voix, une angoisse qui l'avait saisi lorsqu'il était assis dans la jeep, juste après avoir entendu l'histoire de José Miguel, mais surtout sur le chemin du retour vers Albuquerque, lorsque, alors que le jour commençait à décliner, José Miguel avait raconté que le jeune mâle avait disparu, d'après les traces de l'animal, on avait supposé qu'il s'était enfui vers la frontière portugaise, et il avait eu beau espérer, espérer de tout son coeur, dit-il en contemplant le désert de la Hauptstrasse, que l'histoire de José Miguel s'arrêterait là [...]
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...ou bien ils ignoraient que la personne qu'ils voulaient inviter n'existait plus, il y avait bien eu, dans le passé, un homme portant ce nom, se dit-il le soir en retournant la lettre car finalement il ne l'avait pas jetée, mails il n'y avait plus personne derrière ce nom, et plus de "professeur" précédant ledit nom, si à une certaine époque ce titre figurait effectivement devant son nom, cela faisait belle lurette que ce genre de fadaise n'avait plus cours, il n'avait plus rien à voir avec cet homme d'autrefois, cet homme qui, ne sachant pas encore que la pensée était finie, écrivait des livres, des livres illisibles gorgés de phrases lourdement déficientes mues par une logique déprimante et une terminologie suffocante...
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Il se mit à rire, mais pas vraiment de bon cœur car son esprit était occupé par des questions du genre : quelle est la différence entre la vanité des choses et le mépris, et à quoi cela se rapporte-t-il, d’après lui, cela se rapportait clairement à un tout émanant de tout et de partout, or si quelque chose s’appliquait à tout et émanait de partout, il était difficile de déterminer ce tout et ce partout, tout cela pour dire qu’il rit, mais seulement du bout des lèvres, à cause de cette vanité et de ce mépris qui gangrenaient sa vie, il ne faisait rien, absolument rien de ses journées, traînait à droite à gauche, passait des heures assis au Sparschwein en compagnie d’une bouteille de Sternburger, et tout autour de lui était saturé de vanité et de mépris, parfois, il s’apaisait, parfois, il cessait d’y penser, et se contentait alors de regarder dans le vide, totalement hébété, ou bien passait de longues minutes à contempler une fissure ou une tache sur le plancher du bar, pour lui le plus simple était, sitôt levé, de se rendre au bistrot du coin, d’y commencer et d’y finir sa journée, pas pour s’enivrer, non, il n’en avait pas les moyens, plutôt par habitude, et comme un jour il avait, optant pour le moins cher, dit : « Sternburger, bitte », depuis on lui servait toujours cette boisson …
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[...] José Miguel se tourna vers lui, le regarda dans les yeux avec une profonde émotion, comme si cela venait de lui arriver, il faut dire qu'aujourd'hui encore il voyait la scène aussi nettement que si elle s'était déroulée la veille, la louve écrasée, éventrée, avec sa future portée, il la voyait encore aujourd'hui et il ne cesserait jamais de la voir, car il avait immédiatement compris que si la louve avait été écrasée, s'ils avaient réussi à l'écraser, c'était uniquement parce que son ventre était trop lourd, qu'à cause de cela elle n'avait pas pu traverser la route assez vite, n'avait pas pu éviter l'accident, et échappé aux intentions vraisemblablement meurtrières du conducteur de la voiture, et lorsqu'il avait compris cela, il était resté pétrifié, au beau milieu de la route, à côté de l'animal mort [...]
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Videos de Laszlo Krasznahorkai (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laszlo Krasznahorkai
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L'amour, la littérature et la solitude.
Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C'est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l'expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C'est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l'anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l'époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d'économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient.
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