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Décrire le dénuement, la solitude, l'incertitude du présent et la peur de l'avenir, la volonté de plus en plus affirmée de recouvrer sa vie d'avant la rupture de vie, jusqu'à en devenir une idée fixe, une obsession presque maladive. Jusqu'au bout. Même lorsque la guerre finie, les tourments deviennent caducs. C'est ce cheminement psychologique inflexible dans la bonne conscience de Kornitzer, "juif assimilé" contraint de quitter l'Allemagne en 1938, auquel s'attache l'auteure. Avec une précision remarquable, Ursula Krechel déroule le récit d'un homme bafoué dans sa dignité avant, pendant mais également de manière insidieuse après la guerre. Désarmé face à la machine de guerre national-socialiste, exilé à Cuba pendant dix ans où il a dû s'adapter à une vie faite d'improvisation, Kornitzer ne pensait pas qu'à son retour il devrait mener un long et âpre combat. Celui pour reprendre le cours de sa vie, combler le vide de la séparation et même tenter de reconstituer sa famille. De l'abandon du sens de la rationalité et de la rigueur précieuses à un homme de loi prussien, remplacées par la nécessité de faire preuve d'imagination et d'adaptation dans un pays cubain gangrené par la corruption, au sentiment d'indifférence opposée par l'administration allemande qui isole et rejette, c'est l'histoire d'un homme vulnérable qui se sent humilié et qui vacille. Même si l'auteure a eu la volonté de garder l'émotion lointaine avec une écriture élégante qui sied à cette famille bourgeoise, le lecteur perçoit la sensibilité nouvelle qui grandit après des années de souffrance silencieuse, l'amertume et toutes les blessures invisibles de la guerre. Bel hommage aux victimes ignorées de la guerre. Beau roman sur la fragilité d'un homme, malgré une traduction parfois maladroite affaiblissant le texte avec quelques passages redondants. + Lire la suite |