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EAN : 9782702144718
440 pages
Calmann-Lévy (22/10/2014)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Guedalia Berman est un riche négociant anversois. Cupide, arrogant, il mène son commerce de diamants d’une main de fer. Tout comme sa vie familiale. Sa douce femme Rachel est soumise à son autorité absolue. Quant à ses enfants, ils doivent vivre selon sa loi et selon celles qui président à l’existence de toute bonne famille juive.

Cependant le royaume de Berman commence à vaciller. Si Jacques et Jeannette, ses cadets, semblent se conformer à sa volont... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ignore si Hinde Esther Singer Kreitman a appris à son petit frère, 11 ans plus jeune qu'elle, à lire et à écrire, mais si c'est le cas, elle s'est merveilleusement bien acquitté de sa mission en faisant du môme, Isaac Bashevis Singer, un Prix Nobel Littérature !
Avec son autre frère, également un grand écrivain, Israel Joshua Singer, c'eût été difficile, car elle n'avait que 2 ans lorsqu'il s'est pointé !
Son 3e frère, Moyshe, était apparemment trop dévot et pieux pour perdre son temps à écrire des bouquins, il devint rabbin dans un bled polonais, avant de fuir en Russie et être transféré, comme juif, au Kazakhstan, par les bons soins de Staline.

D'Esther Kreitman, née à Bilgoraj, dans le sud-est de Pologne, dans une famille de rabbis hassidiques en 1891, j'ai lu et chroniqué, l'année dernière son oeuvre "La danse des démons", qui m'avait plu. Si je me suis laissé tenter par son roman "Le Diamentaire" de 1944 c'est justement parce que ses histoires d'un monde à part me fascinent, presque autant que celles de ses frères, et deuxio parce que cette histoire est située dans la capitale du diamant, Anvers, où j'ai fait une partie de mes études. Un monde particulier et clos avec ses propres us et coutumes.

Cette oeuvre, sans être à proprement parler autobiographique, est tout de même largement inspirée par l'expérience de l'auteure, qui y a vécu avec son mari Abraham Kreytman, qu'elle a épousé en 1912, avant de fuir la peste brune, direction Angleterre. L'ouvrage est donc conçu en 2 parties géographiques distinctes : d'abord le quartier des diamentaires près de la gare d'Anvers et la célèbre Pelikaanstraat (rue du pélican), et ensuite (à partir de 1940) l'East End malfamé de Londres.

À mon avis, l'intérêt de l'ouvrage est double : la description de personnages, pour nos normes, fort particulier, et la vie des courtiers et ciseleurs de diamants et les nombreux qui gravitent autour, attirés comme des mouches par ces petites pierres précieuses.

Le protagoniste principal est le diamentaire Guedalia Berman, un Juif de l'est, avec son épouse Rachel ou Rosa (cela dépend qui d'autre est présent), leur fille Jeannette et leurs fils David et Jacques. le personnage de Rachel/Rosa permet, bien entendu, à Esther Kreitman de nous faire part de certains de ses souvenirs personnels.

Selon l'intéressante préface de Paule-Henriette Levy, directrice de la Radio de la Communauté Juive (RCJ) et du département de l'action culturelle du Fonds Social Juif Unifié (FSJU), le Berman en question est inspiré d'un certain Yakobovitch, "abatteur rituel en Pologne qui quitta le shtetl pour faire fortune dans les diamants à Anvers". Un homme "aussi dur que les pierres précieuses dont il fait commerce".
Si notre Esther devra partager sa vie avec un loustic pareil, on peut s'imaginer que son chemin ne sera pas pavé de roses !

En effet, la soeur aînée des Zynger (orthographe originale de leur nom de famille) a en réalité été forcée d'épouser son Abraham contre son gré. La jeune et douée Esther de 21 ans avait bien d'autres aspirations et ambitions dans la vie. Je ne vous étonnerai pas si j'avance que son mariage n'a pas été exactement un franc succès. En plus, cet "arrangement" familial était en flagrante contradiction avec ses conceptions du statut de la femme dans la société des Juifs ashkénazes. Si elle a fini par accepter ces noces, c'était surtout pour pouvoir étudier et écrire plutôt que de servir comme bonniche dans la maison du rabbi orthodoxe. Par ailleurs, entre elle et sa mère, Basheve (d'où le nom du Nobel est dérivé) Zylberman, il n'y avait pas d'atomes crochus, loin de là !

Plutôt de résumer ce roman, dont le titre original en Yiddish est "Brilyantn", je préfère, au contraire, encore dire quelques mots sur cette autodidacte talentueuse qu'à été Esther Kreitman. Car, sans formation, elle a réussi à traduire des oeuvres classiques anglaises en Yiddish avant d'entamer sa propre production littéraire.

Ses relations avec son illustre frère n'ont pas été très simples. Ainsi, Isaac Bashevis Singer ne lui a pas envoyé de sous lorsqu'elle était dans la dèche à Londres et il lui a aussi refusé de l'aider à le joindre à New York, où elle voulait émigrer. Par contre, il a dit de sa soeur : "Je ne connais pas une seule femme dans la littérature Yiddish qui écrivit mieux qu'elle". Une des héroïnes de son roman "Satan à Goray " a clairement été inspirée par sa soeur, tout comme le personnage-clé dans sa nouvelle "Yentl". Je crois que la précitée Paule-Henriette Levy n'a pas tort, si elle conclut à une certaine jalousie de la part du grand maître à une certaine époque pour son aînée qui n'était, paraît-il, pas toujours très commode pour son entourage.

L'auteure a eu de son Abraham un fils, Morris Kreitman, né à Anvers juste avant son départ outre-Manche et qui s'est construit une réputation comme journaliste sous le pseudo de Maurice Carr. C'est ce fils et enfant unique qui lui a traduit son roman "La danse des démons" en Anglais.

Je dois louer le traducteur, Gilles Rozier, pour son initiative de traduire cette oeuvre 70 ans après la parution de l'original et pour la qualité exemplaire de son travail. Écrit dans un Français exquis avec un glossaire utile en fin de volume. Dommage pour une minuscule faute en Néerlandais, où à la page 64, il manque un k dans le mot "melkboer" ou laitier. Petite erreur qui sera sûrement corrigée par le bon éditeur Calmann-Lévy.

Maintenant, j'ai décidé de lire son recueil de nouvelles "Blitz et autres histoires", paru en 1949, 5 ans avant sa mort à Londres et également traduit par Gilles Rozier.

Une petite anecdote, triste car plein d'amertume. En juillet 1954, Morris Kreitman écrivit à son oncle : "Cher Isaac, J'ai reçu ta lettre. Comme tu ne souhaites pas avoir de détail sur la vie tragique ni sur la mort de ma mère, je ne t'en donnerai pas." (page 9)
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Dans la famille Singer, (Zinger), je voudrais la soeur car justement, ce que j'aime chez Esther Hinde Singer épouse Kreitman, c'est ce regard féministe et sarcastique qu'elle porte sur la communauté juive hassidique fin 19ème début du 20ème siècle, repliée sur elle-même, dont elle est issue comme ses deux frères Joshua et Isaac. Elle a une telle révolte en elle qu'elle aurait inspirée l'héroïne de Yentl à son frère, Isaac.

Elle a le même regard critique qu'Isaac, elle puise sa créativité dans cette communauté qu'ils n'épargneront ni l'un ni l'autre sachant que je n'ai pas lu Joshua.

Elle voit, elle observe, et elle écrit sur la difficulté d'être femme à cette époque sachant qu'elle est née en 1891. D'ailleurs, elle maîtrise de mieux en mieux son style. Il émane d'elle un féminisme désespéré qui se soumet à des coutumes brutales comme celle qui oblige l'épouse de se raser les cheveux et de porter une perruque en espérant que le mari choisi ne soit pas trop odieux. Elle revendiquera la possibilité pour la femme de se cultiver, de pouvoir lire, étudier, et d'ailleurs c'est en toute discrétion qu'elle écrira.

C'est une femme en avance sur son époque et une rebelle. L'écriture est celle d'une femme très intelligente, qui observe et ne manque pas de pointer du doigt tous les travers de sa communauté.

Si vous lisez son autobiographie, « La Danse des démons », vous ressentirez sa souffrance qui est alimentée par le déni de sa propre mère. Certains écriront qu'elle porte un regard plein d'ironie mais aussi de tendresse. Je n'ai pas ressenti de tendresse mais plutôt un regard mordant sur une communauté ultra orthodoxe venue des shtetl de Pologne pour tenter sa chance dans le milieu des diamantaires d'Anvers qui bien que pénétré d'un air de modernité, conserve encore des traditions d'une autre époque engendrant ainsi des débats et des différends au sein de la communauté.

Elle nous fait pénétrer le microcosme mystérieux des diamantaires d'Anvers à travers l'histoire de Guédalia Berman et de sa famille, riche négociant, imbu de sa personne, autoritaire, mais qui se heurte à son fils David, jeune homme terriblement gâté, traînant sa flemmardise et qui n'entend pas se soumettre aux diktats de son père. Berman est un être avide d'argent, méprisant, mais qui a dû surmonter bien des épreuves pour échapper à la condition misérable des juifs vivants dans les shtetl en Pologne. Mais dans ce petit monde juif d'Anvers il y aussi les déshérités, ceux qui ont faim, ceux qui ne sont pas considérés, et c'est aussi de ces injustices, de cette misère, qu'elle nous parle. Mais à l'aube de la première guerre mondiale le monde pourrait bien vaciller et connaître l'horreur.

Ce roman est paru en 1944 et s'inspire évidemment de sa propre vie. Elle a épousé, en 1912, (arranged mariage qui ne sera pas une réussite), Avraham Kreitman, lui-même travaillant dans le monde des diamantaires. La valeur de son oeuvre repose sur son témoignage d'un monde disparu. Epileptique, hantée par les superstitions transmises par ses parents, née femme, rebelle à son milieu, à son époque, cherchant la reconnaissance, deux frères connus et reconnus en tant qu'écrivains, elle sera considérée comme folle ce qui mettra un terme à sa carrière. Isaac lui-même s'est très mal comporté avec sa soeur, à cette période, il n'était pas le seul, la femme ne bénéficiant d'aucune considération.

Je tenais à remercier notre ami Jean-Pierre dit Kielosa qui nous a permis de faire connaissance avec Esther Kreitman. Je suis heureuse si aujourd'hui nous pouvons lui redonner la place qu'elle mérite, ECRIVAINE.
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La vie au quotidien d'un diamantaire juif en Hollande,puis en Angleterre quand a guerre 14 se profile;on y croise le monde assez glauque,viril et enfumé de la bourse ,les femmes reléguées aux foyers,les enfants appelés à succéder à leurs pères,les pauvres méprisés;bref,un monde pas sympathique et des personnages grisâtres animés uniquement par les convenances et sans sentiment;le tout est exprimé dans un style simple,sans emphase,mais aussi sans passion;intérêt limité
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critiques presse (1)
Telerama
03 décembre 2014
Sans être autobiographique, ce roman paru en yiddish, à Londres, en 1944, se nourrit de l'existence même de la romancière Esther Kreitman (1891-1954). Avec une fausse distance où percent critique, ironie et tendresse, elle trace tout en finesse le portrait d'une famille juive traditionnelle exposée aux premiers assauts de la modernité et aux premiers drames de ce siècle qui en connaîtra d'autres.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Un matin, il se heurta au bord du lit, il porta sa main à son cœur et s'écria :

- Je me sens mal!

Ce matin là était resté gravé dans le cerveau de l'enfant. Son père gisait à terre. Sa mère était accourue, munie d'un broc rempli d'eau, elle avait aspergé le visage de son époux évanoui, elle l'avait pincé. Elle poussait des cris qui avaient alerté tout le shtetl. Des voisins l'avaient allongé sur le lit et l'avaient couvert d'un épais édredon. C'était pourtant la période des grandes chaleurs. On avait fait venir le rabbin. Il s'était mis à secouer sa toque de fourrure fauve, tous les nigauds autour l'avaient imité, se balançant d'avant en arrière devant le lit du malade. Ensuite, le rabbin avait déclaré à ces messieurs qu'il nourrissait depuis longtemps des doutes sur la bonne santé de l'abatteur : il raconta qu'une fois celui-ci lui avait tendu le couteau afin qu'il l'examine et il avait remarqué un fort tremblement de sa main droite. Vraisemblablement, à l'époque déjà, il n'était plus capable de remplir son office.

- Mais que l'Eternel lui soit miséricordieux et qu'Il lui permette de se remettre rapidement de son infirmité! avait déclaré le rabbin en levant son regard embué vers le plafond crasseux.

Berman avait alors été pris d'une telle haine pour ce rabbin qu'il aurait voulu le voir s'effondrer tout juste comme son père venait de le faire.

Ensuite, le rabbin avait dit à la mère à la mère de Bermann, sans même se tourner dans sa direction, que le Père qui est au Cieux ne les laisserait pas tomber et donc que si Reb Haïm-Yosef continuait de s'en remettre à lui, tout irait bien. Et il était parti, laissant sa mère à ses larmes et ses reniflements, et son père, avec le bras inerte.
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_ Atchoum ! Atchoum !
_ A tes souhaits ! Tu vois comme tu éternues ? En yiddish, quand on éternue, on dit qu'une vérité vient d'être dite. Je te parle franchement ... Et je souhaite à tous les enfants d'Israël de tomber sur une main aussi secourable que la mienne. Je te le dis : ici, ils ne taillent pas les diamants, ils tranchent les pommes d'Adam. Ils attendent tous le gogo, celui que ne connaît pas encore leurs tours. Et alors tu te retrouves à la fin de l'apprentissage à moitié formé, avec sur les bras un crédit pour une machine qui rouille gentiment chez toi. Si par bonheur on te confie quelques misérables pierres, tu les massacres. Comment pourrait-il en être autrement ? Alors on ne t'en confie pas d'autres.
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