Le Chef de
Harry Kressing (traduit par
Benjamin Kuntzer), c'est d'abord une couverture, signée Tristan Bonnemain : magnifique, graphique, naïve, à la fois paisible et inquiétante. Et au milieu, trône Conrad, cuisinier, le seul à avoir des yeux quand les autres personnages sont aveugles.
Un détail moins anodin qu'il n'y paraît, tant le débarquement du chef Conrad dans le comté de Cobb va s'apparenter à une prise de contrôle progressive mais totale, des lieux et des âmes.
Dans cette ville imaginaire, le château de Prominence qui la domine scellait autrefois l'union sacrée des deux grandes familles locales : les Hill qui tenaient les hauteurs et les Vale qui possédaient les vallées. Seul un mariage entre leurs enfants pourrait permettre d'apaiser les tensions passées et de retrouver la concorde.
Et quoi de mieux que la table pour réunir les êtres ? C'est ce que Conrad va s'employer à faire, amenant peu à peu les Hill, les Vale, puis tout le comté à lui manger dans la main, au propre comme au figuré.
Le Chef est doué, brillant, imaginatif, apaisant et rien ne lui résiste. Mais il semble aussi calculateur, cynique, énigmatique et machiavélique. À tel point que le happy-end attendu de ce conte aux saveurs adoucies, semble constamment menacé par la survenance d'un twist que l'on sent inéluctable. Et…
Et ne comptez pas sur moi pour en dire davantage, si ce n'est que
le Chef est un bonbon délicieux et souvent irrévérencieux, à savourer à chacune de ses pages, permettant de multiples interprétations, y compris sociales et étonnamment contemporaines.
À table, et bon appétit !