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4,24

sur 5944 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Passionné par cette période trouble et effroyable (1930-1945) , "Inconnu à cette adresse" ne pouvait que m'intérésser. Ce texte épistolaire est à rajouter à la malheureuse et trop longue liste des livres montrant la folie nazie, mais tout aussi indispensable pour ne jamais oublier ce que folie peut provoquer. A travers cette correspondance entre Max Eisenstein (juif américain) et Martin Schulse (allemand), le récit montre comment l'amitié entre les deux hommes va voler en éclat devant l'aveuglement de Martin, faisant sienne les thèses abjects du national socialisme. Dans un texte très court et concis, cette amitié se transforme en haine viscérale. D'une incroyable intensité, le terrible glissement s'opère lettre après lettre comme une fatalité inéluctable. Taylor réussit un texte intemporel, fort et bouleversant.
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Cette nouvelle illustre parfaitement la parabole de la grenouille ébouillantée : une grenouille plongée dans une casserole d'eau bouillante se dépêche d'en sortir. En revanche, si on la met dans une casserole d'eau froide que l'on fait chauffer lentement jusqu'à ébullition,la grenouille s'habitue petit à petit à la chaleur et n'essaye pas de s'échapper.

La grenouille c'est Martin Schulse qui, après des années aux USA, rentre en Allemagne à l'automne 1932. Martin, négociant d'oeuvres d'art, est cultivé, fortuné, libéral et démocrate.
En novembre 1932, l'eau est à 10 degrés… mais chauffe, lentement, surement, inexorablement au rythme de 2 degrés par semaine …
En mars 1933, Martin écrit à Max Eisenstein, son ancien associé, un juif américain « je crois qu'à nombre d'égards Hitler est bon pour l'Allemagne »
En juillet, Martin précise à Max « la race juive est une plaie ouverte pour toute nation qui lui a donné refuge. (…) je t'ai aimé non à cause de ta race, mais malgré elle ».
En aout, Martin proclame « Moi un libéral américain ? jamais ! Un patriote allemand » « Nous ne sommes plus en sympathie, tu devrais t'en rendre compte »
En décembre 1933, Martin achève « Heil Hitler ! (…) ta soeur est morte (…) elle est arrivée ici (…) en tant que patriote, je devais la retenir et la remettre sur le champ aux SA »

En un an, la température de l'eau s'est élevée lentement de 10 à 100 degrés, et le citoyen modèle Martin Schulse, devenu un parfait exécutant nazi, est complice du meurtre de Griselle la soeur de Max Eisenstein.

La vengeance de Max sera aussi intelligente que redoutable …

Fable intemporelle, « Inconnu à cette adresse » mérite d'être lu et relu car ce mécanisme insidieux et progressif est celui qui restreint nos libertés fondamentales sous le prétexte de lutte contre le terrorisme, de risque sanitaire hier ou des jeux olympiques demain.

Comment ne pas évoquer les soignants interdits d'exercer (« inconnus à cette adresse ») pour avoir refusé de servir de cobaye en testant des vaccins expérimentaux ?

La nouvelle de Kressmann Taylor n'illustre pas seulement les heures les plus sombres de histoire, elle prophétise le modèle social « chinois » qui inspire nos dirigeants dans leurs politiques sécuritaires. Modèle contesté et combattu actuellement aussi bien à Kaboul, à Pékin ou à Téhéran.

A chacun de décider s'il se range aux cotés de Max Eisenstein ou de Martin Schulse.
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Un roman très court (49 pages au format numérique, couverture incluse) qui se lit "d'une traite".
C'est typiquement le genre de lecture à côté de laquelle je serais passé sans Babelio et l'enthousiasme des lecteurs car assez loin de mes lectures habituelles.
J'ai globalement bien aimé, c'est une lecture intéressante à commenter car elle a suscité plusieurs ressentis différents en moi.
En fait si j'ai aimé le fond, j'ai trouvé la forme assez peu subtile à commencer par la dégradation des rapports épistolaires qui aurait pu être plus progressive, moins brutale.
Ensuite les trois personnages principaux sont très caricaturaux, le cynisme hallucinant de Martin, la naïveté confondante de Max et l'insouciance extrême de Griselle sont très marqués.
Je ne donnerais pas d'exemples ici pour ne rester que sur le ressenti et surtout ne rien dévoiler.
J'ai donc été un peu dubitatif lors de la première partie du récit, comment une telle amitié peut-elle se désintégrer de cette façon ?
Je ne perds pas de vue que le contexte de cette nouvelle aborde un sujet grave traité par l'auteure de façon prémonitoire, j'ai juste trouvé les ficelles un peu grosses.
La deuxième partie du récit m'a scotché, elle arrive sans préavis et fait basculer cette histoire dans le roman noir, la vengeance est un plat qui se mange froid et nous allons avoir une belle démonstration de la loi du Talion, tout en finesse cette fois.
Là encore j'ai trouvé la réaction de Martin assez caricaturale, la morale de l'histoire étant alors fortement appuyée, voire martelée pour une fin brillamment conclue.
Pour conclure j'ai beaucoup aimé, avec le regret que les sentiments soient restés à un stade plutôt basique, peut-être les limites du format de la nouvelle, en tout cas c'est malgré tout incontournable, surtout que ça se lit très vite.
Aucune excuse de passer à côté !
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On a dit d'elle que c'était la nouvelle parfaite.
Deux hommes, deux amis propriétaires d'une galerie d'art, échangent des lettres après que l'un d'eux a quitté San Francisco pour retourner vivre en Allemagne. Nous sommes en 1933, Hitler a gagné les élections et le régime nazi se met en place.

Après une période de doute sur l'action d'Hitler, Martin Schulse, maintenant installé à Munich, est convaincu du bien fondé de l'antisémitisme. Logiquement, son fanatisme précipite la fin de son amitié avec son associé juif, Max Eisenstein, qui imagine une réponse à la hauteur de la trahison.

Dans ce remarquable roman épistolaire conçu à partir de lettres existantes, Kathrine Kressman Taylor fait preuve d'une lucidité et d'un jugement visionnaire étonnants quant à l'évolution du régime nazi. Elle est une voix essentielle qui s'est élevée pour prévenir du danger qu'il représentait. Nancy Huston, dans la postface, déplore qu'elle n'ait pas été entendue, et conclut : « Mais personne ne s'attend à ce qu'une fiction, n'est-ce pas, puisse changer le cours de l'Histoire… ?
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'Plus c'est long, plus c'est bon' ? En matière de littérature pas forcément, comme le montre cette magistrale et astucieuse nouvelle épistolaire de même pas 70 pages qui raconte avec brio et émotion la montée du nazisme en Allemagne de 1932 à 1934, par le prisme de la relation entre Martin l'Allemand et Max le Juif.

Au début, Martin et Max sont associés dans leur galerie Schulse-Eisenstein de San Francisco et très amis ; Martin est retourné en Allemagne pour y élever ses nombreux enfants, il se décrit comme libéral et fervent partisan de Hindenbourg... puis insidieusement de son nouveau chancelier si charismatique et si énergique Adolf Hitler... jusqu'à adhérer complètement à l'idéologie nazie et à renier à ce titre son amitié avec Max, et bien plus encore. 

Le récit est bien mené, percutant et très intéressant, le dossier intégré à la version 'Etonnants classiques' l'est tout autant (malgré un spoiler dans l'introduction !), avec des rappels chronologiques, des questions de réflexion, la comparaison avec d'autres textes de Zweig ou Primo Levi, un cahier photo, une notice biographique sur l'auteure Katherine Kressmann Taylor... Je le recommande donc sans réserve à tous, même aux petits lecteurs, et particulièrement aux adolescents...

Même si, petit bémol à mes yeux, l'oeuvre aurait gagné à faire 100/150 pages de plus pour qu'on sente mieux les caractères, les enjeux et les émotions. Cela dit, je ne suis pas objective, car convaincue que, pour un bon livre, 'plus c'est long plus c'est bon'.
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Fulgurant et poignant.
Il n'aura suffi que de dix-huit lettres pour que la grande Histoire rattrape la petite.

Max Eisenstein (juif américain) et Martin Schulse (allemand) sont des amis de longue date associés dans une galerie d'art à San Francisco. La décision de Martin de retourner s'établir en Allemagne les amène tout naturellement à entamer une correspondance. Elle durera de novembre 1932 à mars 1934.

Au départ le ton est cordial… amical.
Mais il change inéluctablement à mesure qu'Hitler grimpe les marches du pouvoir.
Les courriers s'espacent, deviennent plus brefs.
Et la tension monte, monte, monte… comme la petite (grosse ?) bête.

Un échange à double tranchant férocement efficace, sur fond d'amitié… et d'endoctrinement, d'aveuglement, de trahison, de vengeance. Il est peut-être un peu trop schématique à mon gout mais c'est aussi entre les lignes, à demi-mots, qu'il puise sa force dévastatrice. Il faut dire que la construction, implacable, a de quoi nous faire sentir comme une grenouille placée dans un récipient dont l'eau serait lentement portée à ébullition.
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Kressman Taylor savait de quoi elle parlait lorsque, dès 1938 et de façon assez visionnaire, donc, elle écrivit « Inconnu à cette adresse », échange épistolaire entre un juif américain et un galeriste californien d'origine allemande retourné dans son pays et devenu antisémite : Kathrine « Kressmann » Taylor, d'origine allemande elle-même, avait été choquée par l'attitude antisémite d'anciens amis allemands de retour de Berlin, complètement contaminés par la maladie sévissant en Allemagne nazie.
C'est le caractère purement factuel qui fait la force de ce texte : aucune analyse, aucun jugement, les faits uniquement, ou comment Martin Schulse, endoctriné par la propagande antisémite nazie, renie progressivement la profonde amitié qui le lie à Max Eisenstein pour faire de celui-ci son Ennemi.
Démonstration implacable de la manipulation des esprits et de la facilité avec laquelle une doctrine barbare peut s'imposer à un esprit éclairé, « Inconnu à cette adresse » devrait être lu et relu pour rappeler et prévenir l'impensable.
Intéressant de noter que la puissance évocatrice de ce texte suggérait qu'il ne pouvait avoir été écrit par une femme, au point que Kathrine Taylor dut changer son prénom en Kressmann… le jugement étant une vertu donnée en apanage aux hommes uniquement !
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Cela fait quelques années que je donne ce livre à mes élèves. Il s'inscrit à la fois dans le cadre du cours de sciences humaines sur la montée du nazisme et dans celui de français sur le roman épistolaire. Chaque année, je suis heureusement surprise de voir à quel point mes élèves accrochent et se lancent dans de longs débats d'idées concernant la fin du livre.
Ce bref récit tout en finesse a été publié en 1938 pour la première fois. Visionnaire, il était loin d'envisager pourtant tout ce qui allait se passer ensuite.

Moins de vingt lettres suffisent pour nous raconter comment l'Histoire va s'insinuer entre deux amis d'enfance pour les séparer et changer leur vie à jamais. Se bornant aux événements, Kathrine Kressmann Taylor n'apporte aucune analyse ou commentaire à l'histoire. Elle nous livre des faits bruts et nous laisse le soin de les analyser nous-mêmes, de les comprendre, de les jauger. Les premières lettres sont chaleureuses, passionnées. Puis l'Histoire s'immisce entre Max et Martin et la fracture devient irréversible.
Fort, dense, machiavélique, ce roman secoue et ne laisse pas indifférent. Distillant quelques notions historiques et sociales à travers les échanges épistolaires des amis, il nous éclaire un peu sur la situation de l'Allemagne dans les années 30 et nous aide à comprendre. Mais comprendre est-ce pardonner ? Et quand la tragédie éclate, nous sommes renvoyés à nous-mêmes, à notre propre humanité. Qu'aurions-nous fait à la place de Martin ? A la place de Max ? Était-ce inéluctable ?
Pour moi, ce livre est un chef d'oeuvre.
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Une vingtaine de lettres écrites de 1932 à 1934 vont suffire à faire voler en éclats une amitié de longue date entre deux hommes. L'époque est importante bien sûr. Les lieux aussi : Munich et San Francisco.

La re(re)lecture de ce texte n'enlève rien au coup de poing final de ce roman épistolaire très court mais d'une puissance extraordinaire.

Deux amis, galeristes associés, vont voir leur amitié s'effriter et leurs valeurs disparaître au moment de l'avènement d'Hitler au pouvoir.
Martin Schulse, Allemand, retourne à Munich avec sa famille et peu à peu va être subjugué par le personnage et le discours d'Hitler.
Max Eisenstein, juif Américain resté aux Etats-Unis, lui veut comprendre et analyser les changements survenus en Allemagne et chez son ami.

Câblogrammes :
Munich - stop - Allemagne relevée - stop - Honneur et patrie retrouvés - stop - Hitler notre sauveur a trouvé remèdes - stop - Suivre ses ordonnances est primordial pour atteindre guérison - stop - le coupable c'est le juif - stop - Dernier message de ma part - stop - Martin Schulse

San Francisco - stop - Reportages sur ta patrie bouleversants - stop - Prends soin des tiens et des miens - stop - Qui est cet Hitler - stop - Attention aux sirènes - stop - Compte sur mon aide - stop - Max Eisenstein

Le talent de Katrine Kressman Taylor réside dans l'écriture simple et la tournure des lettres. On sent au fur et à mesure l'incompréhension entre les deux hommes se mettre en place d'abord dans les formules d'appel et de politesse des courriers, avant que de la ressentir dans le corps même du texte. Cette incompréhension qui se muera en haine.
De plus, l'auteure nous laisse notre libre arbitre sur les choix de chacun de ses héros. Elle ne relate que les faits et ne prend pas parti.

Pour moi, c'est aussi un petit texte qui pose les questions de la vengeance et du pardon.
J'ai lu beaucoup de notes applaudissant la vengeance de Max. Mais je m'interroge sur le machiavélisme de celui-ci...
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Relu avec plaisir, Inconnu à cette adresse est une prouesse de style et d'émotion pour décrire mieux que n'importe quel pavé ce que fut la montée du nazisme et de l'antisémitisme en Allemagne dans les années 30.

En une dizaine de lettres échangées entre deux amis, l'un Américain et l'autre Allemand, l'un vivant aux USA et l'autre retourné en Europe, l'un juif et l'autre pas, Kressmann Taylor parvient à nous faire approcher la fulgurance des changements de mentalité et de relations entre les hommes qui marquèrent ces années 1932 à 1934 qui formèrent le terreau de celles qui suivraient.

Généralement peu amateur de nouvelles, je reconnais que ce genre s'impose ici par son évidence et sa force.
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