Giuseppe Arcimboldo (1527-1593)

Sans Arcimboldo, le portrait serait aussi ennuyeux qu'un caviar d'aubergine sans ail,
La nature morte encore plus triste qu'une pomme de terre loin de sa terre.
Car aucune moustache n'est aussi joyeuse qu'un haricot vert en vrille
Et aucune joue n'est aussi mignonne qu'une tomate charnue !
Arcimboldo est ampoulé comme la Renaissance elle-même.
Le meilleur commentaire d'une oeuvre d'art c'est faire une autre oeuvre d'art ! Picasso en était le spécialiste. Moi je me contente ici d'une humble critique pour vous faire part de mon enthousiasme.
Werner Kriegescorte a écrit ce livre merveilleux qui nous présente la vie et l'oeuvre du peintre milanais de la Renaissance Giuseppe Arcimboldo. J'affectionne particulièrement ce genre de livres sur les grands noms de l'histoire de l'art. Car souvent leur biographie est plus incroyable que n'importe quelle fiction. En plus la collection Taschen tout en étant économique est très riche en informations et haute en couleurs. La méthode d'assemblage élaborée par Arcimboldo fait qu'il plaît autant aux enfants qu'aux grandes personnes et donc c'est une lecture que je peux partager avec mon fils.
La première chose qui frappe c'est que cet immense artiste fut immédiatement oublié après sa mort et ressuscité au 20ème siècle. Par qui ? Par les surréalistes et les cubistes ! Arcimboldo c'est une peinture qui n'est ni religieuse ni réaliste même si les légumes ou les objets sont rendus vivants avec le plus grand soin et métier. C'est extrêmement novateur comme idée pour le début du 16ème siècle. Et en même temps c'est humoristique, grotesque comme l'oeuvre de son contemporain aîné Rabelais, et s'inscrit dans la tradition du carnaval née au Moyen Age et grossie à l'époque de la Renaissance ! le célèbre Bibliothécaire devrait être l'emblème du Babélio !
Un génie vite oublié et remis sur les étendards d'un art nouveau 400 ans après… L'exemple d'Arcimboldo n'est évidemment pas unique dans l'histoire. Prenons Jean-Sébastien Bach qui était rejeté après sa mort, en commençant par ses fils qui se voulaient « compositeurs modernes » et par sa famille en général qui se servait de ses précieux manuscrits pour emballer la viande crue à la boucherie ! Il fallait que Jean-Sébastien attende l'arrivée des romantiques !
Arcimboldo est le premier pour qui l'art devient un terrain de jeu. Quel contraste avec des saints, des martyrs émaciés et pâles des oeuvres qui l'avoisinaient… Ce livre fait partie des belles lectures qui nous sortent de nous-mêmes, nous apaisent et pourquoi pas nous guérissent. Vivement que la France devienne un pays de librairies préventives et non pas le pays des pharmacies ! Et pourquoi pas des musées préventifs… Car pour moi, avoir accès à l'art c'est cela la véritable richesse si ce n'est l'unique richesse.

C'est grâce à une exposition au Musée du Luxembourg en 2007 que j'ai eu le bonheur de mieux découvrir Guiseppe Arcimboldo, ce peintre de la Renaissance aux portraits de fruits et légumes.
Des oeuvres pour la plupart antropomorphes, qui, si au départ, elles incarnaient les saisons, sont devenues au fil de leur création, des portraits de gens célèbres ou moins célèbres de l'époque ou de l'entourage de l'artiste, comme par exemple, l'empereur Rodolphe II en Vertumne ou des membres de la cour, juriste, bibliothécaire, cuisinier... Tout ce monde composé de fleurs ou de légumes, de liasses de papier et d'ouvrages ou d'instruments de cuisine. Il parait même que c'était très ressemblant des modèles qui avaient inspiré ces compositions. Quel talent de caricaturiste, quel esprit talentueux ! Quel génie, presque !
Dans ce mince ouvrage en couleurs, (80 pages) toutes les peintures de l'artiste ne sont pas représentées, mais il survole assez bien l'ensemble des oeuvres d'Arcimboldo, qui ne s'est pas contenté de ce type de création, mais peignait aussi des portraits de personnalités, créait des vitraux, des dessins à la plume. Or l'essentiel est dit, en refermant le livre, on sait la majorité des choses qu'il faut retenir sur l'artiste.

Dans cet ouvrage, comme dans tous ceux de cette collection bon marché des Editions Taschen, les reproductions sont nombreuses et d'excellentes qualité. Werner Kriegeskorte les accompagne d'un texte de qualité avec des analyses des oeuvres principales et une mise en perspective avec le contexte historique. Il fallait bien cela pour un peintre, célèbre en son temps puis oublié pendant près de 400 ans. Il fut redécouvert au 20ème siècle par les surréalistes qui ne pouvaient qu'apprécier les jeux d'Arcimboldo avec son art, et le résultat si proche techniquement de leurs collages. On y trouve différentes versions des saisons, mais aussi les quatre éléments, l'incroyable Vertumne (portrait de l'empereur Rodolphe II de Habsbourg, déguisé en dieu des jardins, accompagné du long poème d'un de ses contemporains) , ainsi que les deux oeuvres réversibles, le Jardinier et le Cuisinier, dont les reproductions sont présentées côte à côte à l'envers et à l'endroit, le cuisinier se transformant en plat de viandes et le jardinier en saladier plein de légumes, et bien d'autres oeuvres encore qui permettent entre autres, de découvrir qu'Arcimboldo était un dessinateur de talent.

J'aime beaucoup Arcimboldo. Je ne mettrais peut être pas des reproductions de ses peintures dans mon salon mais je trouve que ses tableaux sont indéniablement originaux et vachement bien fichus. du coup, au détour d'une exposition, à l'incontournable passage par la boutique du musée, je me suis procurée ce petit livre pour la modique somme de 7€. Dans la même collection, j'en avais profité pour acheter le livre sur Magritte et un autre sur Dali. Dont je parlerai prochainement en ces lieux.

Ce petit livre est parfait pour les personnes qui comme moi aiment la peinture mais n'y connaissent rien et n'ont pas non plus forcément le temps ou l'envie de se plonger dans des ouvrages aussi pointus que volumineux sur la question.

Accessible à tous, Arcimboldo de Werner Kriegeskorte propose un texte intéressant et des reproductions de qualité des oeuvres du peintre milanais. Biographie, remise en contexte historique, étude de ses principales oeuvres, mise en perspective de ses oeuvres.

Il nous sera par exemple montré en vis-à-vis l'endroit et l'envers de certains de ses tableaux qui peuvent être interprétés différemment selon le sens dans lequel on les regarde. Comme ici, le Cuisinier, qui dans un sens montre un plat chargé de viandes et dans l'autre la tête d'un homme.



On pourra également découvrir les nombreuses reproductions de ses plus célèbres tableaux issus de la série "Les Saisons". Ici, "L'hiver", mon préféré :


Tombé dans l'oubli après sa mort en 1593, Arcimboldo a été redécouvert au XXème siècle par les surréalistes. Et c'est une bonne chose. Si l'envie vous prend de le découvrir également ou d'en savoir plus à son sujet, ce petit livre au prix tout à fait raisonnable est un bon point de départ.


INFOS
Publié en 2004 chez Taschen.
Traduit par Marie Hélène Meier.
79 pages.
Lien : http://ledragongalactique.bl..