Dans la guerre, les enfants n'existent pas...
Ce conflit, il m'a semblé que seuls les Irlandais pouvaient vraiment le comprendre, le résoudre et s'en débarrasser un jour, le jetant dans un caniveau où j'avais laissé glisser ma carapace infantile. J'ai enfoui tout ça, au plus profond. Mais pas là où il fait froid et où l'on congèle pour l'éternité les pensées inutiles ou dérangeantes. Au contraire, là où ça continue de bouillir, lave incandescente qu'un cerveau peut recracher un jour, comme un volcan faussement endormi, désireux de rappeler que la terre qui nous nourrit et nous voit grandir, c'est d'abord lui qui l'a faite.
Kris, postface
[1987, Belfast]
Moi [hébergé] dans une famille protestante des beaux quartiers, Nicolas en plein ghetto catholique, nous avons pris le quotidien des habitants de ce territoire en pleine figure : les blindés, les patrouilles, la haine, le chômage, la pauvreté, la peur mais aussi la fierté, la solidarité et cette chaleur humaine qu'on ne peut sans doute éprouver que dans des circonstances extrêmes.
(p. 66)
"C'est peut-être ça justement "l'âge adulte". Laisser les frayeurs de côté. Accepter la peur, s'en servir comme une leçon, apprendre surtout à la combattre, la surmonter lorsqu'il le faut, parce qu'il le faut."
Ecouter le volcan cracher ce qu'il à dire. Ne jamais le laisser s'éteindre.
Comme d'habitude, je n'ai pas pris de recul. Dans un ghetto, il y a de toute façon toujours un mur quelque part pour vous empêcher d'en prendre.
- Marc m'a parlé de ces forts hier soir. Il parait qu'il y en a au dessus de chaque quartier catholique pour les surveiller. Le jeu favori des gamins, c'est de monter aux poteaux télégraphiques pour accrocher des drapeaux irlandais sous le nez des soldats anglais.
- Et le pire c'est que des fois, les mecs tentent le carton et leur tirent dessus!
- Carrément?! Tout ça pour un drapeau?!
- Ouias...Putain, je pensais pas que Belfast était aussi craignos quand même!
Le fou rire est une langue universelle.
(p. 46)
- C'est quoi ces chiffres de chaque côté du journal ?
- A gauche, les morts catholiques. Et à droite, les morts protestants...
En Irlande, il arrive quelquefois que les fous soient pris pour des saints.