La maturité de l'esprit-cœur se produit au fur et à mesure qu'il se libère de ses propres limitations et non lorsqu'il s'accroche aux souvenirs d'une expérience spirituelle. S'il s'agrippe à sa mémoire il demeure avec la mort, non avec la vie. Une expérience profonde peut ouvrir la porte à la compréhension de la connaissance de soi, à la pensée correcte, mais pour beaucoup d'entre nous elle ne devient qu'un stimulant, un souvenir et perd vite sa signification vitale, de sorte qu'elle finit par empêcher toute nouvelle expérience.
Nous et le monde ne sommes pas des entités séparées ayant des problèmes différents ; nous et le monde sommes un. Notre problème est le problème du monde. Nous pouvons être le résultat de certaines tendances, d'influences du milieu, mais nous ne sommes pas fondamentalement différents les uns des autres. Intérieurement nous nous ressemblons beaucoup ; nous sommes tous poussés par l'avidité, la peur, l'ambition, etc. Nos croyances, nos espoirs, nos aspirations ont une base commune. Nous sommes un ; nous sommes une humanité, bien que des frontières artificielles, économiques et politiques ainsi que des préjugés, nous divisent. Si nous tuons un être humain, c'est nous-mêmes que nous détruisons. Chacun de nous est le centre du tout et s'il ne se comprend pas lui-même il ne peut comprendre la Réalité.
La cause de la dualité est le désir, l'avidité. Des perceptions, des sensations et des contacts naissent le désir, le plaisir, la douleur, le besoin, le non besoin, qui à leur tour provoquent les identifications qui sont le mien et le vôtre, et ainsi le processus de la dualité est mis en mouvement. Ce conflit n'est-il pas celui de toutes les affaires du monde? Tant que le penseur se sépare de sa pensée, ce vain conflit des contraires continue. Tant que le penseur ne se préoccupe que de modifier ses pensées et non de se transformer fondamentalement le conflit et la douleur continuent.
Accorder une importance exagérée à l'intellect ou à l'émotion engendre un déséquilibre, car le propre de l'intellect est de chercher toujours à se protéger. Lutter délibérément lui équivaudrait à le renforcer, à l'émousser, à le durcir, à le rendre agressif dans sa volonté de devenir ou de ne pas devenir. Les façons de faire de l'intellect ne peuvent se comprendre que par une constante lucidité et les bases de sa rééducation doivent se situer au-delà de son propre raisonnement.
Pour découvrir la solution durable de ce conflit de la dualité et de la douleur qu'implique tout choix, nous devons être intensément lucides et observer silencieusement la pleine signification du conflit. Ce n'est qu'ainsi que nous découvrirons qu'il existe un état dans lequel le conflit de la dualité a cessé.
Extrait du livre audio « Un esprit calme et silencieux » de Jiddu Krishnamurti, traduit par Colette Joyeux, lu par Jean-Philippe Renaud. Parution numérique le 30 août 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/un-esprit-calme-et-silencieux-9791035413361/