Très intéressant que cet ouvrage de la psychanaliste Julia Kristeva, où elle aborde une question qui la touche particulièrement: la qualité d'étranger.
Une première partie très disparate où elle aborde les spécificités de l'étranger dans son rapport à nous qui l'accueillons ou le rejetons. Elle touche souvent juste mais tourne parfois à la caricature dans l'excès. Les questions posées sont en tout cas intéressantes, les réponses parfois un tantinet extrêmes.
Suit ensuite un long développement historico-politico-philosophique qui guide la réflexion de l'auteur. Elle examine les diverses attitudes face à l'étranger dans L Histoire et cherche à dégager une explication de cette attitude actuelle qu'elle a d'abord décrite. Une attitude pas si différente de celle qu'ont eu de tous temps les hommes, avec peut-être une conscience actuelle plus accrue de ce qui nous pousse à craindre ou rejeter l'autre... mais qui n'empêche malgré tout pas la xénophobie "naturelle" de la masse populaire.
Un peu difficile à comprendre, comme tout essai philosophique teinté en plus ici de psychanalyse, mais qui offre néanmoins pas mal de clés de compréhension de cette question au coeur de notre civilisation actuelle et de tellement d'enjeux.
Les déboires que rencontrera nécessairement l'étranger - il est une bouche en trop, une parole incompréhensible, un comportement non conforme - le blessent violemment, mais par éclairs. Ils le blanchissent imperceptiblement, le rendent lisse et dur comme un caillou, toujours prêt à poursuivre sa course infinie, plus loin, ailleurs.
Car, curieusement, par-delà le trouble, ce dédoublement impose à l'autre, observateur, la sensation d'un bonheur spécial, quelque peu insolent, chez l'étranger. Le bonheur semble l'emporter malgré tout, parce que quelque chose a été définitivement dépassé: c'est un bonheur de l'arrachement, de la course, espace d'un infini promis.
étrangement, l'étranger nous habite: il est la face cachée de notre identité, l'espace qui ruine notre demeure, le temps où s'abîment l'entente et la sympathie.
L’aliénation à moi-même, pour douloureuse qu’elle soit, me procure cette distance exquise où s’amorce aussi bien le plaisir pervers que ma possibilité d’imaginer et de penser, l’impulsion de ma culture.
Et pourtant non, je n'ai rien à leur dire, à mes parents. Rien. Rien et tout, comme toujours. Si j'essayais - par audace, par chance ou par détresse - de partager avec eux quelques-unes de ces violences qui me rendent si totalement seule, ils ne sauraient pas où je suis, qui je suis, ce qui me heurte chez les autres. Je leur suis désormais étrangère.
Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?