Deux personnages historiques opposés : Claude-Siméon Passemant, ingénieur, inventeur de l'horloge magnifique offerte à Louis XV, et Émilie du Châtelet, traductrice de Newton et
Leibniz. Lui est froid, admire la science mais connaît ses limites, voue sa vie au Temps. Elle est bouillonnante, ajoute le feu au temps, est capable de la plus haute science et de philosophie.
Si elle est bien connue (c'est la faute à
Voltaire*), lui n'a laissé que des traces infimes dans l'histoire.
Julia Kristeva le prend pour prétexte pour une divagation historico-amoureuse, qui semble bien opposer le temps au bonheur amoureux. La narratrice, double de l'autrice (en plus jeune???), laisse errer sa plume sans cohérence apparente, entre l'amour sensuel pour un astrophysicien dont les conceptions du temps ne m'ont pas parues tellement typiques de la physique moderne, et un récit historique : reconstitution de la Régence** et idéalisation du règne de Louis XV. Louis XV roi jouisseur ? Pas essentiellement, pense la narratrice, il était secrètement amoureux de science et de technique.
Plus de 400 pages de verbe qui semble peu contrôlé, avec, surtout au début, des phrases dont la poésie pourrait bien cacher une absence totale de sens. Mais
Julia Kristeva est un esprit infiniment supérieur à moi, et je peux avoir raté la construction comme le sens de l'ensemble et de certains aphorismes.
Pourtant, ce fut une lecture intéressante, quoique par moments un peu fatigante. Ça m'a plus amusé que dérangé de voir l'autrice faire intervenir des personnages de ses autres romans, attribués à sa narratrice passionnée, pour mieux s'identifier à elle.
Voilà, c'était un début de chronique, rédigé à la moitié du livre, à peine modifié depuis. J'ai pensé à interrompre ma lecture, parce que la divagation semblait aléatoire, et donc lassante. J'ai poursuivi par fierté : je n'aime pas renoncer, et c'était une chance unique de lire enfin un Kristeva, ses ouvrages théoriques étant hors de ma portée. Eh bien, la suite est identique : deux vagues débuts d'enquête policière molle et invraisemblable, beaucoup de détails historiques dont on ne saura jamais s'ils sont inventés ou avérés, des réflexions gentillettes sur la beauté du jardin du Luxembourg et la méchanceté du grand capital, quelques erreurs scientifiques (l'univers en expansion à plusieurs milliers de fois la vitesse de la lumière!), une grande histoire d'amour et de plaisir à laquelle je ne croyais pas, etc. le tout mélangé sans liant, avec de belles phrases mais pas plus cohérent ni signifiant que la plupart de tentatives d'écriture automatique par des écrivains talentueux (j'exagère, mais pas tant que ça).
Je vous laisse conclure : je n'ai rien compris et vous vous jetez sur ce probable chef-d'oeuvre, ou bien il y a des priorités plus grandes dans votre PAL.
*Je viens de voir Les Misérables, version Fescourt(1925), avec musique improvisée par JF Zygel, une merveille !
**Qui m'a rappelé avec bonheur Que la fête commence de B Tavernier