Ce polar, qui date de 1996, précède donc
Meurtre à Byzance, que j'ai lu il y a plusieurs années ; mais j'y ai retrouvé quelques éléments communs : le commissaire mélomane et dandy Northrop Rilsky, l'État imaginaire et corrompu (sans doute méso-américain) de Santa Barbara, et enfin l'insupportable journaliste franco-santabarbaroise, pseudo-intellectuelle culturo-salonesque, crypto-psy, parisienne, imbue d'elle-même Stéphanie Delacour, qui prend la parole de la narratrice dans de multiples chapitres du récit.
Ce livre n'a rien pour plaire aux amateurs du genre noir : le cadavre étant là, décapité et poignardé dès l'incipit, l'enquête ne commence véritablement que dans la Deuxième partie, quelque 80 p. plus tard. La Première partie est narrée par l'horrible Stéphanie, ce qui accentue l'impression d'avoir affaire à une pénible logorrhée, bête et pleine de suffisance intellectuelle. On a du mal à s'apercevoir qu'on en retient néanmoins quelque chose : outre une iconographie des décapitations picturales et des statues étêtées tirées des oeuvres exposées au Louvre et ailleurs..., un magnifique portrait psychologique de la victime, Gloria la traductrice, dont la tête manquante était « l'organe sexuel », Gloria doublement frustrée dans sa vie de femme et surtout de mère d'un enfant handicapé, déficient du langage, qui plus est.
La Deuxième partie peut déplaire aussi, pour deux raisons : le huis clos des interrogatoires est banal, sans rebondissement, et il dévoile assez vite que l'assassinat ne résout pas le problème, ni n'inculpe pas qu'un seul suspect ; en fait, le crime est triple sur le même corps, et la suppression de la vie de la victime, peut-être même involontaire, n'en constitue sans doute pas l'aspect le plus tragique. La deuxième raison est que, si tous les suspects suscitent une pareille répugnance chez le lecteur, celui-ci ne peut pas non plus rehausser son moral par une saine identification avec les deux ni même un seul des détectives : Rilsky et Stéphanie. Tous les personnages de ce roman, la victime, les suspects, les coupables et les détectives sont également odieux et passablement énervants.
La Troisième partie redistribue les cartes en provoquant une confusion supplémentaire quant aux statuts de la victime et des coupables. Là encore, il n'y a pas d'enquête ni de suspense, mais juste du profilage psychologique instillé au lecteur par le truchement d'un certain dégoût pour les personnages. La compréhension du titre, qui ne prend son sens qu'après avoir refermé le livre, relève exactement du même procédé.
Si l'on accepte de juger l'ouvrage selon les deux seuls critères suivants : le bousculement des canons du genre et la vivacité, la vraisemblance, la violence des personnages, le livre est une réussite. le style, qui varie selon les narrateurs, est âpre, dissonant, dérangeant, très étudié. Si l'on s'attend à autre chose, et particulièrement au bien-être de la lecture, on ferait bien de passer son chemin. Néanmoins, je me suis obstiné et ai déniché un passage intéressant sur le bilinguisme, qui constitue ma 3e cit.