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Critique de Godefroid


En 1994 sortait sur les écrans un film particulièrement niais suggérant que, sur cette merveilleuse terre des Etats Unis d'Amérique, pourvu qu'on ait bon cœur et qu'on respecte les valeurs sacrées de l'oncle Sam, être intellectuellement déficient n'est pas un obstacle pour accéder au bonheur et à la célébrité ; et que d'ailleurs, ceux qui ne se comportent pas bien, le Seigneur les punit (SIDA, etc.). Le rapport avec Callisto ? Eh bien Callisto est le négatif de Forest Gump ; le premier est un chef d’œuvre de dissidence là ou le second n'est qu'un gros navet de propagande (ceux qui se sont laissés séduire au moment de sa sortie peuvent toujours tenter de revisionner la chose). Mais on pardonnera à l'éditeur sa timide tentative de surfer sur le succès du film dans la 4e de couverture.

Voici donc Odell Deefus, un grand et jeune gaillard un peu lent de la cafetière, qui tombe en panne au fin fond du Kansas devant une ferme plus ou moins habitée par un pauvre type qui a tous les défauts de la terre (aux yeux de l'homo americanus) : dealer, pédé et vaguement tenté par la religion musulmane, peut-être rien que pour faire enrager sa tante bigote et brise nouilles. Le décès accidentel de ce jeune paumé va précipiter Odell dans un maelstrom alimenté sans faiblir par la paranoïa aiguë de l'administration étasunienne envers les musulmans, les terroristes, bref, tout ce qui menace les vies innocentes des petits enfants du pays de Dieu et de l'axe du Bien.

On sourit, on rit, puis alors, vers la fin, plus du tout. Les voies d'Odell le simplet, manipulé (beaucoup) et manipulateur (si peu), sont de moins en moins carrossables. Des flics corrompus, une gardienne de prison dealeuse, une bande d'évangélistes charismatiques prêts à tout pour pousser à la présidence un sénateur fascisant plus vrai que nature, un FBI qui ne se pose pas trop de questions, un drôle d'agent gouvernemental aussi jovial qu'invisible... les écueils se resserrent autour d'Odell ; il est alors déporté inconito dans une étrange base militaire sous des latitudes caniculaires où on lui donne dès son arrivée une combinaison orange, où on lui signifie très vite qu'en qualité de terroriste et d'ennemi du bien, il a perdu tout droit à être traité comme une personne humaine : il devient alors, entre les mains des bienfaiteurs de l'humanité en treillis, une chose innommable qu'il est bon d'humilier, de souiller, de rouer de coups la tête dans un sac, de torturer de mille autres façons. Rassurez-vous, Odell va s'en sortir.

Difficile de se convaincre que l'auteur de cette remarquable satire risque réellement sa peau ; on peut néanmoins comprendre ses réticences à apparaître sous son vrai nom s'il veut conserver une certaine tranquillité pour lui et sa famille. Les Etats Unis de W. Bush sont passés au lance-flamme avec pertinence, lucidité et astuce : tout est énorme mais malheureusement très crédible, si l'on se réfère à un certain nombre de récents scandales que l'administration Bush n'a pas su contenir. Au delà de son message d'alerte, le roman est un divertissement remarquable, captivant de bout en bout, superbement écrit et servi en français dans une traduction impeccable. Prioritaire donc !
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