En son temps, déjà lointain, le hongrois
Gyula Krúdy fit de la nostalgie des choses passées un art littéraire. Assez éloigné toutefois de celui d'un
Marcel Proust en terme de situations et stylistiquement. Avec lui, c'est bien la respiration sensible d'un vécu ancien disparu dans les limbes qui nous est restitué poétiquement.
Comme les paysages et les situations décrites semblent avoir été comme littéralement abolis, anéantis par la bêtise "croissante" de la société marchande, nous éprouvons face à ce passé qui parle de ce qui lui est du passé comme un terrible vertige.
« Partout, le crépuscule attristé qui annonce la fin des plaisirs, montre le moment de clore le jardin, dans lequel nous avons dessiné si longuement nos vies et nos amours, semblables à une cascade au grondement lointain. Partout s'attache aux semelles le souci ombrageux, dont nous distinguions mal la forme mais qui maintenant, à la tombée du jour, nous a retrouvés. »
De ce paysage disparu, nous ne pouvons même pas, pour notre part, en avoir le regret puisque nous ne l'avons pas connu. Il n'y a rien à conserver hors de cette mémoire, du récit de cette mémoire. du coup, c'est bie
n notre présent, tel qu'il s'est construit et nous a été imposé, que nous trouvons profondément regrettable.
Nous aurions plutôt, alors, comme la nostalgie d'un futur à venir, qui nous resterait entièrement à rebâtir et qu'il nous faudrait arracher à la mesquinerie du présent. D'un présent qui se veut obstinément figé en cet état - tout e
n nous parlant d'un « progrès ».
Mais nous savons tous pourtant bie
n, ne serait-ce qu'intuitivement, que comme le disait
Walter Benjamin, « Le progrès n'a pas eu lieu ». Tout y manque.
C'est pourquoi le vieux
Gyula Krúdy et ses paires en poésie existentielle nous semblent bien plus vivants et véridiques que toutes ces ridicules marionnettes, gestionnaires de l'absence , qui prétendent nous diriger en ce présent là.