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Anne Capuron (Traducteur)
EAN : 9782847896695
120 pages
Delcourt (19/01/2005)
4.47/5   19 notes
Résumé :

Terrés dans les égouts, les derniers survivants du ghetto de Varsovie attendent l'assaut final. Parmi eux, un garçon de 15 ans, Yossel, continue de dessiner les personnages imaginaires qui l'ont accompagné dans toutes ses épreuves, qui l'ont aidé à survivre.

"Si seulement tes héros étaient réels, Yossel. Si seulement nous vivions dans un monde différent, Mordecai. "

Que lire après Yossel : 19 avril 1943Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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J'avoue avoir eu du mal à rentrer dans cette B.D. Au départ, le parti-pris visuel du dessin laissé à l'état de crayonné m'a déstabilisée. Puis, petit à petit, la force du propos, la puissance émotionnelle de l'oeuvre a atténué mes doutes avant de les balayer définitivement. J'ai même fini par adhérer totalement à la forme choisie par l'auteur, forme qui paradoxalement, par son côté inachevé, renforce l'impact du propos. L'histoire est, comme on peut s'y attendre, bouleversante. On a beau déjà avoir tellement entendu, lu, vu, ce qui s'est déroulé dans les camps, on ne s'y habitue jamais. Chaque récit de l'horreur des camps, même s'il ressemble à tant d'autres, me bouleverse, me remue, me secoue... Je ne sors jamais indemne d'une telle lecture.

J'ai été tellement bouleversée par "Yossel" que je peine à trouver les mots pour parler de l'ouvrage de Joe Kubert. de toute façon, il n'y a pas grand chose à dire si ce n'est "lisez-le et n'oubliez jamais".

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Il s'agit d'un récit complet et indépendant de tout autre, initialement paru en 2003, écrit et dessiné par Joe Kubert. le récit est en noir & blanc, les dessins ne sont pas encrés.

Le récit commence le 19 avril 1943, dans les égouts du ghetto de Varsovie. Yossel est un tout jeune adolescent qui fait partie d'un petit groupe de résistants juifs qui se sont rebellés contre l'armée allemande lors de l'épuration du ghetto. Il dessine pour passer le temps et pour divertir ses camarades. Il se souvient de sa vie d'avant, avec son père (un boucher), sa mère, et sa soeur dans la petite ville d'Yzeran en Pologne, alors qu'il avait déjà un don pour le dessin et qu'il se préparait pour sa bar-mitsva. Un jour les soldats de l'armée allemande sont arrivés dans la ville et ont demandé à toutes les familles juives de prendre leurs affaires pour se rendre dans un quartier de Varsovie, séance tenante. Au terme d'une marche éprouvante, ils se sont retrouvés entassés dans un petit quartier, à plusieurs dans chaque pièce. La vie s'organise tant bien que mal, dans la hantise des rafles opérées par les soldats (des individus emmenés on ne sait où, et que personne ne revoient jamais). Yossel bénéficie de quelques menus avantages parce que ses dessins divertissent les autorités allemandes. Un jour, il aperçoit un vieillard au regard fou dans une rue. Il le prend en charge et l'amène à une réunion de ses copains. le vieil homme raconte qu'il s'est échappé d'un camp de concentration où il était devenu un sonderkommando.

Un auteur de comics se lançant dans un récit de fiction mettant en scène une partie de l'Holocauste prend un vrai risque. Il s'agit d'un sujet qui ne souffre pas la médiocrité, or Joe Kubert n'est pas renommé pour la l'intelligence pénétrante des récits qu'il a réalisé tout seul, ou même avec un scénariste chevronné. Il explique dans l'introduction qu'il a eu l'idée de cette histoire en se demandant ce qui se serait passé si ses parents n'avaient pas pu émigrer aux États-Unis en 1926. À partir de ce point de départ qui ressemble à une fausse bonne idée (comme un jeu d'enfant "et si..."), Kubert met en scène un jeune garçon (de 2 ou 3 ans moins âgé que lui à la même époque) avec un don pour dessiner (comme lui, Joe Kubert). Au premier regard, la forme du récit provoque également un moment de recul. D'un point de vue esthétique, Kubert a chois de laisser ses dessins sans encrage, pas fini d'une certaine manière. Globalement le niveau de détail est satisfaisant, mais avec quelques images qui ressemblent quand même à des esquisses. En feuilletant rapidement l'ouvrage, le lecteur constate également que Kubert a opté pour des pavés de texte assez écrit, accolés à quelques images, 2 ou 3 par pages. C'est à dire qu'il ne s'agit pas d'une bande dessinée traditionnelle, avec des séquences d'action décomposées en cases. Enfin en lisant quelques pages, le lecteur constate que Kubert a choisi une approche un peu romancée, un peu éloignée des simples faits. Et pourtant...

Et pourtant le lecteur commence calmement l'histoire, sa curiosité éveillée. Il découvre la situation de Yossel dans les égouts, et son don pour le dessin. Puis il passe à ses souvenirs à Yzeran, ce qui maintient la curiosité du lecteur. Malgré ce texte un peu romancé, l'intérêt subsiste : il comprend une part d'ingénuité, tout à fait légitime dans la mesure où l'histoire est racontée par un jeune adolescent. C'est cette même ingénuité qui rend l'histoire supportable car l'espoir subsiste. C'est toujours cette même ingénuité qui fait accepter le concept que les illustrations sont celles qui auraient pu être celles réalisées par Yossel lui-même. Or Kubert s'avère assez adroit pour que le texte et les images soient en phase et rendent plausibles l'existence de Yossel, et la véracité de ses souvenirs. Tout d'un coup, le lecteur est dans la peau de Yossel, et là l'indifférence n'est plus possible parce que lorsqu'un officier allemand déclare au père de Yossel qu'il n'y a pas lieu d'être inquiet et que c'est pour leur propre bien, le lecteur sait ce que dissimulent ces propos. En outre l'apparence un peu lâche des dessins permet au lecteur de projeter cette anticipation de ce qui va arriver, dans la mesure où ils ne figent pas les individus et la situation comme le feraient une photographie. Imperceptiblement, la situation de Yossel devient celle du lecteur. La même alchimie opère lors du récit du sonderkommando qui a réussit à s'échapper du camp de concentration.

Par ces caractéristiques, "Yossel 19 Avril 1943" constitue déjà l'équivalent d'un bon roman capable de vous transporter dans l'environnement et la situation du personnage principal, sans que Kubert ne se repose sur des scènes chocs ou la description d'horreur pour provoquer la pitié. Mais petit à petit, cette histoire agit à plusieurs autres niveaux. Pour commencer, le point de départ et le don de Yossel en font le double de fiction de Joe Kubert. Au travers de son personnage, Kubert évoque ce don qui est celui de dessiner, et d'une manière plus générale, le don de créer. Il n'expose pas ses convictions religieuses, par contre il devient évident qu'il expose sa conviction que le don de créer constitue quelque chose de merveilleux dont tout le monde ne dispose pas et qu'il s'estime très heureux de l'avoir. Ce thème revient à plusieurs reprises dans le récit. La mise en abyme que constitue Kubert en train de raconter l'histoire au travers des images dessinées par Yossel signifie qu'au travers du personnage, c'est bien Kubert qui livre son point de vue sur ces faits historiques. S'il apparaît rapidement que Kubert s'est documenté de manière à ne pas raconter de bêtise, le récit ne se transforme pas en leçon d'Histoire, il reste un récit romanesque historiquement plausible, sans être superficiel. le travail de recherche de Kubert se remarque par l'absence d'incohérence historique, et par certains dessins qui rappellent des photographies d'époque. le point de vue de Kubert apparaît dans les jugements de valeur de Yossel et du rescapé du camp de concentration. le lecteur a la surprise de découvrir un point de vue pragmatique, avec une approche psychologique dénuée d'infantilisme. Il n'y a pas de sentiments exaltés, ou de noblesse d'âme trop pure pour être réaliste. Il y a bien une motivation de survie un peu simpliste, mais dans les rationalisations du survivant le lecteur ressent les horreurs vues et commises et une forme honnête d'expression de la volonté de vivre. À nouveau, en ne s'appesantissant pas sur les détails, les dessins transcrivent les caractéristiques principales de chaque situation avec une intensité encore plus vive. À nouveau, les descriptions donnent envie de vérifier par soi même la réalité historique de ce qui est décrit pour se faire une idée par soi-même.

Alors que la nature du projet et les travaux passés de l'auteur pouvaient faire craindre une histoire simpliste et jouant sur la pitié, Joe Kubert réalise une histoire très personnelle, intelligente, adulte et débarrassée de tout manichéisme. Grâce au commentaire de Bruce Tringale (un grand merci), j'ai pu dépasser mes a priori négatifs pour découvrir un auteur intelligent mariant le fond et la forme pour un résultat qui accomplit son devoir de mémoire, qui emmène le lecteur dans des zones inconfortables, et qui l'oblige à penser par lui-même. Indispensable.
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"Et si mes parents n'avaient pas fui la Pologne avant la Seconde Guerre mondiale ?"
"Et si ma vie avait dû se passer en Pologne et non aux Etats-Unis?"

C'est sur un questionnement de ce type que Joe Kubert a réalisé Yossel. Il l'explique d'ailleurs très bien dans l'introduction ; très intéressante.
La Seconde Guerre mondiale, direz-vous, c'est bien l'un des thèmes les plus usés sans doute de la fiction contemporaine. Oui, mais la révolte du ghetto de Varsovie et la résistance menée par Mordechaï Anielewizc (dont Rachel Hausfater parle dans l'un de ses romans) l'est un peu moins.

Les traits "d'ébauches" utilisés par Joe Kubert dans cet album donne une dimension assez oppressante et angoissante à son histoire. Etonnamment, on y voit le sentiment de culpabilité dont les survivants de la Shoah ont souffert : pourquoi est-ce que je vis, alors que tant des miens ont péri dans d'atroces souffrances? D'où le destin qu'il choisi de faire suivre à son alter ego.

Yossel met en scène le destin des juifs de Pologne pendant les années 1940 et de leurs souffrances. Et il rend aussi hommage à ceux qui ont lutté contre ces souffrances. Une lecture qui m'a émue et sonnée.

Une fois de plus, je remercie Yaneck dont la critique m'a donné envie de découvrir cet ouvrage.
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Je n'aime pas abandonner un livre , un sentiment d'échec me dérange. Mais avec Yossel, ma mémoire de poisson rouge est devenue plus performante.
J'ai lâché ma lecture quand le jeune ado Yossel rencontre un rescapé de la mort dans le ghetto de Varsovie; un mal être m'a pris et j'ai changé d'activité aussitôt. Mais le livre m'a poursuivi avec des images de visite du camp de concentration que j'ai vu l'année dernière.
C'était sur le site de Struthof dans les Vosges.
Et lorsque devant vous s'étendent les baraquements, la potence, les fils barbelés et les miradors sans compter le silence, j'ai pensé aux horreurs que des hommes et des femmes résistants sous le joug des nazis ont dû subir.
Dommage pour ce roman graphique qui malgré son histoire fictive représente avec un immense réalisme les malheurs des juifs durant cette sombre période.

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Joe Kubert est un dessinateur de grand talent, sa palette est large. Il est également juif polonais, et à ce titre il traîne une lourde culpabilité. Celle d'être vivant et d'avoir échappé à l'Holocauste et au ghetto de Varsovie.

Les parents de Joe Kubert ont vu le vent mauvais leur arriver dessus. Il ont migré aux USA alors que le nazisme montait. Ils s'y sont repris à deux reprises, empêché par le fait que la mère était enceinte (de Joe Kubert, si mes souvenirs sont bons).

Hyper doué, Kubert va très vite gagner sa vieaux USA en dessinant.

Dans Yossel, il évacue cette "bonne vieille" culpabilité juive (que les amoureux des films de Woody Allen connaissent bien). Cette culpabilité d'être en vie. Et Kubert fait un truc incroyable. Il va nous raconter lsa version de l'insurrection du ghetto de Varsovie à travers les yeux d'un enfant qui... dessine. Ses parents vont mourir dans les chambres à Auschwitz, lui va se lier à Mordecai, un juif qui préfère mourir debout que de lécher les bottes de SS.

Joe Kubert donne SA version de l'insurrection, mais elle n'est pas moins crédible qu'une autre, tant elle se base sur des témoignages issus de lettres reçues par son père, ou par les discussions tenues dans le foyre familial par des exilés de passage. Materiel de première main, donc.

Cerise sur le gâteau, au moment d'encrer ses dessins, Joe Kubert a ce trait de génie. Il garde les crayonnés, qui vont donner un coup de punch au récit, une force. C'est magistral, humain, poignant.

Rendre compte d'événements historiques par la BD peut se montrer hasardeux. Joe Kubert réalise pourtant un tour de force. Ici, la BD atteint des sommets de réalisme et d'authenticité, de crédibilité.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Vivre dans le ghetto, c'était apprendre que l'animal humain peut s'adapter à des conditions terribles, inimaginables. C'était une expérience insidieuse, parce que l'horreur s'est manifesté lentement, graduellement. Il a fallu du temps avant que la mort et les gens agonisant dans les rues ne deviennent un évènement normal, presque ordinaire. Les gens passaient en détournant le regard. Ne regarde pas. Ne vois pas. Nous étions toujours en vie. Eux, ils étaient morts.

Qui peut supporter la vue de petits enfants à côté du cadavre de leurs parents ?
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Ceux que je croisais avaient cessé d'être des personnes. Des êtres humains. C'étaient des numéros. Des animaux tatoués. Certains portaient une vague ressemblance avec des gens que j'avais connus.
Avaient-ils vécu dans mon village ? Celui-ci était-il un voisin... Un ami ? Non. Ce n'étaient que des fantômes gris qui bougeaient au ralenti.
Des morts, qui ne savaient pas qu'ils étaient morts.

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C'est un jeu. Chacun de nous joue un rôle imposé. Le ghetto est notre scène. Les pleurs, les gémissements, les lamentations sont notre musique de fond permanente. Tout cela finira-t-il un jour?
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J'étais résolu à faire n'importe quoi pour survivre. A ne pas quitter cet endroit sous la forme d'un paquet d'os carbonisés et non identifiable. Dieu nous avait abandonnés sans espoir de salut, livrés à la souffrance. Il n'y avait pas de dieu. Je vivrais aussi longtemps que mes maîtres seraient satisfaits de moi. Je les satisferais à n'importe quel prix. Je ramperais s'ils me le demandaient. Je ferais n'importe quoi.
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La guerre est une serre pour l'attention et le mutisme. La faim, la soif, la peur de la mort rendent les mots superflus. A vrai dire, ils sont totalement inutiles. Dans le ghetto et dans le camp, seuls les gens devenus fous parlaient, expliquaient, tentaient de convaincre. Les gens sains d'esprit ne parlaient pas.
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