Le narrateur reçoit une étrange visite. Et une étrange proposition. Un homme envoyé par un ancien condisciple d'école, Patera, qui l'avait plus que fortement marqué malgré la brièveté de leur relation, l'invite à venir au pays qu'il a fondé grâce à une fortune immense, l'Empire du Rêve. D'abord incrédule et réticent, notre narrateur succombe à l'appel, à cause de l'ennui de sa vie, et grâce à un portrait de Patera, qui exerce sur lui une grande fascination. Il arrive à convaincre sa femme, et les voilà partis dans un long voyage, payé par Patera, pour arriver quelque part en Asie et accéder au fameux Empire du Rêve. D'abord tout semble les attendre, un emploi se présente, ainsi qu'un appartement. Mais le fameux rêve devient vite plutôt cauchemar, les gens se comportent de façon étrange, il est difficile de dormir, les coutumes sont étranges. Et Patera semble impossible à rencontrer. Et le chemin de retour est fermé.
Ce livre est quasiment impossible à résumer, c'est une sorte de rêve ou plutôt de cauchemar, mais un cauchemar rêvé avec l'accord du rêveur en quelque sorte, et donc en partie délectable. Sauf le démarrage, il n'y a pas d'action vraiment racontable, une suite d'événements ou d'épisodes, qui amène vers la fin certes, mais sans véritable intrigue. Mais d'une façon logique, même si c'est la logique des rêves, très différente de celle de la veille. Un étrange voyage donc, dans lequel il faut accepter de perdre ses repères, et de prendre les choses telles qu'elles se présentent, même si elles heurtent notre propre logique. Si on accepte de se laisser embarquer, nous avons droit à de magnifiques scènes oniriques, pleines de détails, d'éléments poétiques, inquiétants, d'autant plus que l'on y reconnaît des envies ou des angoisses qui nous traversent tous, ou attirants, attirants peut être parce qu'inquiétants.
Impossible d'être plus claire, si vous vous voulez en savoir plus, il vous faut lire le livre….
Et j'ai oublié de préciser, des nombreux dessins de l'auteur sont présents dans l'ouvrage.
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Un roman fantastique riche d'inventions étonnantes. Malgré tout, l'atmosphère inquiétante et sombre finit par peser.
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Les deux joueurs d'échecs avaient aussi beaucoup souffert. Tout mouvement semblait à ces vieux messieurs, complètement asservis à leur passion, si compliqué, qu'il leur fallait finalement, pour pouvoir remuer un membre, faire des calculs pendant des heures. Il est évident qu'avec toute la vermine dont on était infesté, cette lenteur les mettait dans une situation critique. Aussi bien une jeune dame qui, voyant leur peine, s'occupa de leur thé, s'acquit-elle tous les suffrages. Sans façon, elle alla vers eux et courageusement elle enleva les fourmis et les punaises de leurs vêtements. Aucun de nous ne voulut être en reste. Jusqu'alors nous avions ri du jeu grotesque de leurs visages crispés. Mais désormais les clients prirent l'habitude, chaque fois qu'ils allaient et venaient, de gratter un peu les deux messieurs.
On n’aimait pas particulièrement les enfants. Leur mérite ne compensait en aucun cas les désagréments dont ils étaient la cause. Suivant l’opinion couramment répandue ils n’étaient, et souvent jusqu’à un âge avancé, qu’une source de dépenses dont ils n’acceptaient que rarement, et à contrecœur, de rembourser ne fût-ce qu’une petite partie ; ils n’avaient presque jamais aucune reconnaissance envers leurs parents de leur avoir donné le jour, inclinant au contraire à penser que ce don était une obligation. Les mots bonheur et souci prenaient le même sens quand il s’agissait d’eux. Qu’ils fussent naïfs et drôles, mon Dieu, on ne s’en apercevait guère aux échantillons que l’on trouvait.
Le vieux colonel se serait réjoui s'il avait pu voir le joli succès de son attaque ; car un grand nombre d'insurgés y avaient trouvé la mort, écrasés et piétinés par les chevaux. Mais un poing dans un gant blanc à crispin fut tout ce que l'on put retrouver de lui ; le reste avait complètement disparu dans le chaos de membres, de cuirasses, d'os rompus, de casques, de selles et de harnachements.
Conséquence des débauches et des orgies, les nerfs des habitants du Pays du Rêve avaient atteint un état de délabrement effroyable. Les maladies mentales, les affections nerveuses les plus courantes : danse de St-Guy, épilepsie et hystérie, se manifestaient sous la forme de phénomènes collectifs. Presque chaque habitant avait un tic nerveux, ou souffrait d'une obsession. L'agoraphobie, les hallucinations, la mélancolie, les spasmes tétaniques se multipliaient d'une façon si préoccupante qu'ils suscitaient des craintes, mais on continuait à vivre dans un vertige de folie, et plus les suicides affreux s'accumulaient, plus les survivants se livraient aux orgies.
Il est rare qu'un artiste soit vraiment un mauvais type. Une petite bassesse par-ci par-là, mais il en reste là. Nos sensations n'accordent pas de temps à des filouteries ourdies sur une trop grande échelle. Dans nos travaux nous mettons notre âme à nu, de sorte que tout le monde peut voir quelle espèce de canaille un artiste aurait pu devenir dans certaines circonstances. L'art est une soupape de sûreté.