Critique du site lecture/écriture:
Dans un essai en sept parties (comme la plupart de ses romans),
Kundera se propose d'expliquer sa propre vision de l'univers romanesque.
Dans une première partie,
Kundera revisite les sources - ses sources - du roman européen et montre que tout commence avec le
Don Quichotte de
Cervantès puis l'évolution continue, passant par Richardson ou Sterne, et bien sûr ses maîtres ès ambiguïtés, Kafka ou Broch. Après l'aventure exploitée et interrogée par
Cervantès, l'étude les sentiments intérieurs initiée par Richardson, viennent les questions sur l'homme dans
L Histoire avec
Balzac, l'exploration du quotidien avec
Flaubert, le sondage de "l'insaisissable du temps passé "avec
Proust puis du temps présent avec Joyce...
Pour
Kundera, "le roman est l'oeuvre de l'Europe". Il a survécu à tous les mouvements avec son esprit de complexité - "les choses sont plus compliquées que tu ne le penses" dit-il au lecteur - et de continuité car "chaque roman est une réponse aux oeuvres précédentes."
La deuxième partie reprend un entretien avec
Christian Salmon dans lequel
Kundera développe son approche de l'univers kafkaïen, explique comment le roman peut s'insérer dans
L Histoire humaine avec quelques principes, citant au passage ses propres oeuvres.
Suit une analyse issue des notes que
Kundera avait prises lors de sa lecture éclairée des Somnambules de Broch et qui exploite plusieurs "possibilités" dans la composition d'un roman.
Un second entretien sur "l'art de la composition" montre comment le roman peut aussi avoir des analogies avec la musique.
la cinquième partie est consacrée à Kafka et notamment au fameux K. Dans le Procès où "le châtiment cherche sa faute" à l'opposé du Raskolnikov de
Dostoievski dans
Crime et Châtiment, où "la faute cherche le châtiment." K. ne se révolte pas contre une autorité mais cherche plutôt son existence. C'est là toute l'ambiguité de Kafka, son univers particulier, c'est "l'horrible du comique".
La sixième partie moins évidente à lire provient de l'interrogation de l'auteur sur les diverses traductions de ses oeuvres et propose 71 mots-clés.
Enfin l'ouvrage finit sur le discours prononcé par l'auteur lors de sa remise du Prix Jérusalem, qui, de façon plus succincte encore, explicite ses choix romanesques, qu' il conclut par cette phrase superbe :
"J'étais entrain d'oublier que Dieu rit quand il me voit penser."
Voilà donc un ouvrage aux multiples facettes dans lequel
Kundera fait à la fois preuve de culture et de pédagogie. A la lecture, on n'a qu'une envie : relire Kafka et lire les romans de l'auteur et notamment ceux du début.
Et, pour les plus hardis, pourquoi pas, composer un roman!
critique par Mouton Noir
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