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sur 850 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Le narrateur – Milan Kundera lui-même – et sa femme Vera ont décidé de passer la soirée dans un château de campagne où se déroule un congrès d'entomologistes.
Deux cents ans auparavant, ces lieux ont été le théâtre d'un roman libertin de Vivant Denon intitulé « Point de lendemain » dans lequel un jeune gentilhomme passe une folle nuit d'amour en compagnie d'une belle Comtesse avant de s'apercevoir qu'il n'a été utilisé que pour détourner les soupçons du mari de la dame de son véritable amant ; « Madame de T avait besoin d'un paravent afin que le Marquis restât insoupçonné aux yeux du mari »…
A l'instar du jeune chevalier du XVIIIème, divers personnages participant au congrès vivent ce soir-là des évènements particuliers qui les affectent au plus profond d'eux-mêmes. Jeune entomologiste, Vincent désire faire un coup d'éclat mais ne parvient qu'à se ridiculiser auprès de la femme qu'il souhaite séduire ; un vieux savant tchèque dissident par lâcheté, prend douloureusement conscience de l'imposture et du dérisoire de sa vie ; tandis qu'une journaliste de télévision entend de la bouche de l'homme à qui elle voue un amour fantasmé, les pires mots qu'une femme amoureuse puisse entendre.
Alors que les personnages d'aujourd'hui ne désirent rien d'autre qu'oublier au plus vite les tristes évènements de la nuit, a contrario, le chevalier du XVIIIème cherche à prolonger la nostalgie du souvenir dans la lenteur du mouvement.

Cette pensée de l'oeuvre de Vivant Denon devient le point de départ d'une réflexion sur notre monde moderne où vitesse et oubli sont désormais les maîtres mots, à la différence du monde ancien, celui libertin, jouissif et épicurien du XVIIIème siècle, où l'homme prenait encore le temps de rêver, de séduire, d'aimer et de penser.
« Notre époque est obsédée par le désir d'oubli et c'est afin de combler ce désir qu'elle s'adonne au démon de la vitesse »
En partant de ce postulat, Milan Kundera inter-croise les histoires de ses personnages, fusionne les récits, ausculte les états d'âme et les réactions des uns et des autres, et entrelace les fils du temps pour tresser un singulier et surprenant ouvrage, où le fictif se fond au réel, où la réflexion philosophique se mêle au canevas de la fiction, où le roman se combine à l'essai, offrant ainsi une insolite variation sur le concept de « Lenteur », génératrice de mémoire, de beauté, d'esprit de liberté et de recherche hédoniste des sens.
C'est le premier texte écrit par Kundera directement en français ; des phrases brèves, minimales, qui vont puiser leur force dans leur sobriété, leur mesure, la justesse concise et nette de leur argumentation.

A travers une intrigue romanesque réduite à l'essentiel, l'écrivain tchèque pose avant tout un regard aiguisé sur notre époque contemporaine où l'homme moderne, en perdant la faculté de lenteur, a effectivement gagné en vitesse, mais a perdu dans l'éphémère de ses actions et ses pensées, la propension au bonheur et au plaisir dont la lenteur portait la marque.
Vitesse de locomotion, de l'image, de la science, de l'amour, des manifestations du désir…Vitesse bien souvent castratrice, dépassionnée, ne servant qu'à faire oublier à l'homme moderne son insignifiance, sa faiblesse, sa lâcheté, sa risible et pathétique tentative de s'imposer aux yeux des autres et du monde.
L'auteur ne cache pas non plus le désagrément que lui cause la constatation de l'appauvrissement politique et culturel de notre monde, une époque où le Paraître est plus important que l'Être, où les politiques ne sont que des « danseurs » prêts à toutes les fourberies pour grimper dans les sondages, une époque enfin où le pouvoir des médias, par le défilé continu d'informations sensationnalistes - une image forte chassant l'autre – réduit l'impact moral et la conscience collective de chacun d'entre nous en le dotant d'une mémoire passagère, provisoire, évanescente et corruptible car : « quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même ».
« La Lenteur »…ouvrage léger, ironique et plaisant, entre roman et essai, qui, sous ses airs de galéjade et de plaisanterie littéraire, est un texte beaucoup plus profond qu'il n'y paraît auquel ne manque ni l'humour, ni la réflexion, ni les raisonnements à méditer.
Un éloge de la lenteur et un pamphlet contre l'ère de la vitesse à tout prix.
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L'auteur de l'ILE qui avait fasciné ma génération écrivait La lenteur, son premier roman en français, en faisant preuve d'une connaissance intime de notre langue et de notre littérature. En témoigne son ouverture sur Point de lendemain (voir la nouvelle de Vivant Denon dans Babelio) : « Et je pense à cet autre voyage de Paris vers un château de campagne, qui a eu lieu il y a plus de 200 ans, le voyage de Mme de T. et du jeune chevalier qui l'accompagnait. C'est la première fois qu'ils sont si près l'un de l'autre, et l'indicible ambiance sensuelle qui les entoure nait justement de la lenteur de la cadence : balancés par le mouvement du carrosse, les deux corps se touchent, d'abord à leur insu, puis à leur su, et l'histoire se noue ».

La lenteur est-elle un roman ? On y trouve l'art aristocratique d'une conversation lente et secrète, très dix-huitiémiste, une théorie du danseur, ce séducteur d'un public politique ou intellectuel (Baudelaire parlait d'histrion), l'illusion d'être élu, et encore le concept d'Actualité Historique Planétaire avec sa variante Sublime. Mais au milieu du roman le narrateur renoue avec le réel quand sa femme l'avertit : « Tu m'as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise Pour Ton Plaisir. J'ai peur que le moment ne soit venu. Je veux seulement te prévenir : fais attention ». L'avertissement ne l'empêche pas d'écarter l'élégance ancien régime et le masque du moraliste pour bifurquer vers l'obscénité drolatique, et d'aménager la rencontre d'un misérable acteur de la comédie contemporaine avec le Chevalier anonyme de Denon. La lenteur est un roman.
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L'accroche narrative de ce livre n'a eu que peu d'effets sur moi. Ce n'est ni un essai, ni un roman. Les trois histoires imbriquées m'ont un peu perdu. La seule chose intéressante que je retiendrai de ce bouquin est la description proposée du lien entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l'oubli. La conclusion de cette réflexion philosophique prenant la forme de l'axiome suivant : le degré de la lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli... A méditer !
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Un éloge de la lenteur auquel je n'ai pas accroché. Peut-être étais-je trop pressé? Mais un livre de qualité pour ceux qui en trouveront la clef.
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Je n'avais pas aimé "La fête de l'insignifiance" mais j'ai voulu persévérer... N'ayant pas trouvé "l'insoutenable légèreté de l'être" à la bibliothèque je me suis rabattue sur La lenteur.

Ce n'est pas le roman du siècle, loin s'en faut, mais c'est drôle et enlevé. Complètement barré et loufoque également.
J'ai un peu tiqué sur les "scènes lubriques" complètement absurdes mais pour lesquelles le langage utilisé est un peu cru, mais cela fait partie de l'ambiance décalée où tout est tourné en dérision.

Difficile de décrire le livre car de nombreux récits s'entremêlent... le savant tchèque au nom imprononçable, Kundera lui-même et sa femme Vera, un chevalier du XVIIIème siècle, une réalisatrice et son caméraman, des entémologistes, un joyeux bazar!

L'éloge de la lenteur est un prétexte pour se moquer de notre société où tout n'est que "zapping", images, vitesse, notoriété volée.
La lecture est rapide, agréable et laisse un sourire sur les lèvres!
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Un livre que j'ai eu du mal à apprécier. J'y ai découvert un cynisme outrancier, toujours à l'état latent chez Kundera (dont j'aime une grande partie de l'oeuvre), mais qui, là, mis à nu de façon brutale, frise le grotesque.
L'écriture en français, qu'il maitrise parfois assez mal —on sent bien que ce n'est pas sa langue natale — ne m'a pas aidée. Il peine à trouver les mots justes.
P13 « Les deux corps se touchent à leur insu et à leur su… »
P14 « Un comportement décidé… » tant d'autres mots auraient convenu : audace, témérité, hardiesse, aplomb, culot, etc.
Il y a plusieurs histoires qui s'enchevêtrent ; l'une, autobiographique, met en scène l'auteur lui-même arrivant dans un château avec sa femme Vera et l'autre est tirée d'un conte du XVIIIe lié à l'histoire de ce château et au libertinage. Ils vont assister à une réception où il est question d'un entomologiste (qui reçoit les honneurs après 30 ans de bannissement) et de politico-animateurs, qui sont censés commenter l'actualité, mais se révèlent avant tout soucieux d'attirer à eux les projecteurs.
C'est l'occasion d'une critique acerbe et féroce de la société médiatique ou de la société de spectacle.
Cependant l'association ou la comparaison du danseur avec le guignol sous les feux des projecteurs : P101 « un clown de mass-média, un cabotin, un m'as-tu-vu, un danseur » me parait erronée et m'a profondément gênée. Dans la danse, il y a un rapport avec le corps, une ivresse de l'apesanteur qui n'a rien à voir avec la représentation théâtrale des politiciens ou des fans inconditionnels de l'image médiatique.

Tout cela m'a empêchée d'apprécier pleinement l'idée bien trouvée que la lenteur serait liée au désir de mémoire et l'amour immodéré de la vitesse à la nécessité de l'oubli.

Là encore, j'émets une réserve : cette volonté d'oubli a toujours été omniprésente : dans les temps anciens, on la noyait dans l'alcool ou autre substance, mais la scène était déjà là, sans caméra, sans projecteur, sous des lustres somptueux : on appelait ça la cour du roi...
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~ Slowliving ~

Un couple passe un week-end dans un château, lieu de libertinage deux siècles plus tôt, c'est bien de là que tout est parti !

Entre autobiographie et aventures ordinaires & romanesques, Kundera traite de la vitesse moderne qui nous empêche de nous adonner à la lenteur & au plaisir. La réflexion est bien plus profonde qu'elle ne paraît, l'attrait pour l'éphémère chez l'homme moderne est finement démontré. C'est aussi, une étrange oscillation entre instants figés de souvenirs perdus & oublis sciemment précipités ! 

C'est connu, Kundera est doué pour magnifier les choses simples de la vie courante & les relations humaines, notamment amoureuses ! Il est surtout pour ceux qui ont tendance à tout faire trop vite, ils pourraient s'essayer à la lenteur !

Plaisir de retrouver un peu des liaisons interdites dedans.
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Un couple passe un week-end dans un château. L'homme écrit un roman et sa femme rêve de l'intrigue qu'il est en train d'imaginer.
De là à croire aux fantômes, il n'y a qu'un pas.


J'ai découvert Milan Kundera il y a quelques années avec le roman qui a fait sa renommée : L'insoutenable légèreté de l'être.
Ce livre m'a marqué, j'avais adoré l'écriture de l'auteur et surtout sa façon d'illustrer ses pensées philosophiques par la fiction.
Sa tendance à la mélancolie et à l'existentialisme me parle et me parlaient déjà à l'époque.


Dans ce court roman, Kundera livre une oeuvre qui ne plaira pas à tout le monde.
Avec plusieurs récits dans le récit, le roman est compliqué à appréhender.
Cette histoire sans véritable intrigue est surtout l'occasion pour l'auteur de livrer ses réflexions ( que j'ai trouvé particulièrement pertinentes ) sur la société moderne avec ses "danseurs" (célébrités éphémères attirés par la tragédie, faux héros modernes ) et ses travers : sa course après le temps, sa superficialité, son hypocrisie, son nombrilisme.


Les personnages ne sont pas beaucoup approfondis et leur honnêteté souvent violente, l'absurde est au rendez-vous, l'auteur laisse aller son imagination, fait tomber les barrières. Son anti-conformisme m'a un peu rappelé celui de Nabokov.


Milan Kundera offre au lecteur sa définition du bonheur : la lenteur.
Quand on prend le temps de faire les choses c'est qu'on les apprécie et qu'on souhaite les garder en mémoire.
Il fait intervenir la philosophie d'Epicure, le bonheur est donc défini comme la somme de plaisirs simples et le plaisir n'est vraiment présent que lorsqu'on prend son temps.


Une leçon salutaire et une vraie remise en question de notre mode de vie à l'ère du numérique. Un roman atypique, pas le meilleur de l'auteur mais qui reste intéressant.
A réserver aux lecteurs avertis, fans de Kundera, d'absurde et de philosophie.


Vous connaissez l'oeuvre de Kundera ? Etes-vous friand de lectures philosophiques ?
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Ce livre nous accueille par une couverture où est inscrit le mot "roman". Or, le premier chapitre, essentiel pour la compréhension de l'ensemble du livre, ressemble davantage à un essai sur notre rapport à la lenteur.Le roman arrive par la suite; Il est le fruit de l'entrecroisement et de l'interaction de trois trames romanesques:
- La vie mouvementée d'intellectuels aisés et célèbres de la fin du XXème siècle dont les diverses occupations ont bien du mal à remplir leur emploi du temps.
- Un épisode de la vie de libertins du XVIIIème siècle à travers une nouvelle de Vivant Denon : Point de lendemain.
- La situation de l'auteur de ce roman caché derrière le "je" du texte qu'il est en train d'écrire.

Il se dégage de cas lignes un aspect disparate et artificiel des différents éléments regroupés autour de cette notion de lenteur. Cependant, certaines analyses sont très élaborées et certaines réflexions demeurent pertinentes. Malgré tout, à la lecture de ce livre, je suis reste partagé entre l'intérêt et la finesse de certaines analyses et le manque de cohérence de l'ensemble. Un goût d'inachevé en quelque sorte!
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Reçu il y a presque 2 ans, au moment de ma démission par un ami très cher, j'ai enfin pris le temps de lire ce cadeau...
Décrit comme un roman, je pense qu'il faut plutôt le lire comme un essai...
J'ai été très sensible aux 15 premières pages qui exposent le lien entre la lenteur et le souvenir et la vitesse et l'oubli...
Ensuite, j'ai eu l'impression de lire une pièce de théâtre qui passait d'une époque à une autre en revenant de temps à autre au narrateur...
Basculée entre le XVIII et le XXeme siècle, on comprend que notre société est bien trop agitée et plus capable de profiter de la lenteur et donc de se souvenir...
La réflexion qui naît de la lecture est plus riche que ce qu'on lit en direct (j'aurai faut rire mon conjoint en lui en lisant certains extraits 😅)
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