A deux exceptions près, je n'ai pas été plus emballée que ça par ce recueil de nouvelles au style un peu hasardeux et dans lesquelles je cherche encore les intentions de l'auteur.
Sauf dans les deux exceptions en question ("Nous ne sommes pas des juifs" et "Mon fils le fanatique"), qui traitent avec beaucoup de justesse de la face inavouable de l'immigration en Grande-Bretagne où l'on voit que l'acculturation et la tolérance sont loin d'aller de soi.
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Avant d'aller plus loin dans cette critique, autant le dire de prime abords : nous ne sommes pas sur un chef d'oeuvre. C'est terrible comme parfois les titres de certains livres peuvent nous appeler très fort, mais c'est peut-être pour ça d'ailleurs qu'on finit toujours déçu. L'auteur nous propose ici un recueil de plusieurs histoires, plus ou moins courtes, qui ont pour dénominateur commun, je dirai, une certaine vision de l'amour. Les protagonistes sont la plupart du temps des ratés, ou des fatigués de la vie, qui le sont tout autant en amour. La seule histoire qui me restera en tête, je crois, est celle des mouches, parce que c'est celle qui se rapproche le plus d'un conte, avec une symbolique forte et un décors mystique / féérique. le reste, pour être honnête, m'est quasiment déjà sorti de la tête.
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Il chuchote qu’il commence à se rendre compte, comme on commence à se rendre compte qu’on est amoureux, que, par moment, effectivement, il la déteste. Il déteste la façon dont elle coupe une pomme ; il déteste ses mains. Il déteste son ton et les mots qu’il sait qu’elle utilisera. Il déteste ses vêtements, ses paupières et tous les gens qu’elle connaît ; son parfum l’écœure. Il déteste les choses pour lesquelles il l’a aimée ; il déteste la façon dont il s’est laissé envoûter par elle ; il déteste la gentillesse qu’elle lui a montrée comme si elle lui demandait quelque chose. Il voit aussi que ne pas aimer quelqu’un n’a pas d’importance jusqu’au moment où vous avez un enfant ensemble. Et il comprend aussi à quel point la haine est importante, à quel point elle vous soutient et vous sustente ;c’est peut-être aussi un écran qui vous empêche d’éprouver de la pitié pour elle et pour soi-même et de tomber dans un abîme de malheur.
Assis tout près d’elle, il lui envoyait des messages télépathiques (son moyen de communication préféré) pleins d’amour et de sensualité. Comme il leur arrivait rarement de se toucher sans raison, tout contact physique immédiat — sa main dans ses cheveux — serait risqué. Mais s’il arrivait à la toucher sans conséquences négatives et même si, peut-être, il réussissait à la convaincre de relever un peu sa jupe, il avait l’impression d’avoir au moins atteint la ligne de départ et il savait que le succès était possible. À cette pensée, il se précipitait au lit, mettait son pyjama pour ne pas l’inquiéter en exhibant un peu de chair nue. Il devait scrupuleusement éviter de lui montrer son intention.
Il avait adoré cette époque. L’esprit d’entreprise effréné, l’individualisme fringant, l’autogratification et le cynisme lui plurent plus que toute autre chose au cours de ces dix dernières années. Il abandonna les faux-semblants. Le désordre punk et le nihilisme régnaient. Le savoir, la tradition, la morale, la prétendue foi dans l’égalité ; la sainteté socialiste, le discours sur les “principes”, les vêtements étudiants, les absurdités féministes, et les arguments qui défendaient des régimes — expériences défectueuses — où ses amis n’auraient pas résisté cinq minutes : il piétinait toutes ces idées pieuses avec une impiété nietzschéenne. C’était galvanisant.
Jamais une femme ne l’avait poursuivi avec autant de passion que Clara pendant ces cinq dernières années. Au début, il ne se passait pas un jour sans qu’elle lui envoie des fleurs ou des livres, qu’elle l’invite au concert et au cinéma ou qu’elle fasse la cuisine pour lui. Elle avait peut-être essayé, par exemple, d’allumer en lui la flamme romantique qu’elle-même désirait. Il l’avait acceptée comme un pacha. Il avait aussi parfois essayé de se débarrasser d’elle et avait toujours gardé d’autres petites amies. Il voyait maintenant quelle protestation aride cela avait été. Son amour pour lui avait été un assaut. Elle voulait une famille. Lui, qui aimait tout planifier, mais qui venait seulement de découvrir quel métier il voulait exercer, avait accepté pour voir ce qui en résulterait. Il avait facilement été défait. L’enfant arrivait. Cela lui donnait le vertige.
Les parents de Jimmy étaient des réfugiés politiques d’Europe de l’Est, qui avaient beaucoup souffert pendant la guerre, quitté leurs familles et qui habitaient la Grande-Bretagne depuis 1949. Ils avaient espéré — dans cette ville pleine de gens qui vivaient ailleurs dans leur tête — pouvoir retourner chez eux, mais cela n’avait jamais été possible. L’Angleterre ne les avait pas séduits ; ils parlaient à peine la langue. Pendant ce temps, Jimmy était tombé amoureux de la musique pop. Quand il s’était mis à jouer du blues sur son piano, ses parents avaient enfermé l’instrument dans le hangar à outils du jardin. Jimmy et ses parents ne s’étaient jamais compris mais il était resté aussi déraciné qu’eux, et n’avait jamais eu d’adresse permanente.
Le premier livre officiel des Beatles depuis Anthology, et sans doute le dernier…
Ultime célébration et testament sublime.
Janvier 1969. Lorsque les Beatles se réunissent pour enregistrer leur nouvel album, Get Back, ils sont dans une période de transition et de doute : George Harrison rentre de New York où il a travaillé main dans la main avec Bob Dylan, Paul McCartney est dans son histoire d'amour naissante avec Linda Eastman, John Lennon est inséparable de Yoko Ono, sa partenaire à la ville comme à la scène. L'enregistrement de « L'Album blanc », en 1968, a divisé le groupe, et la disparition de leur mentor à tous, « M. Epstein », a laissé un grand vide. Pourtant, c'est dans cette atmosphère étrange, tandis qu'ils repartent à la source de leur art, que les Beatles vont composer quelques-unes des leurs plus belles chansons, cultes dès leur sortie. Pendant un mois, Michael Lindsay-Hogg enregistre les sessions studio des Beatles, de Twickenham à Savile Row, en vue d'une émission spéciale en mondovision et d'un live, qui sera le mythique concert sur le toit, au sommet de l'immeuble d'Apple Corps. le montage qui a été fait de ses prises de vues dans le documentaire Let it be, sorti après la scission du groupe en avril 1970, mettait volontairement l'accent sur l'aspect dépressif, chaotique, du processus créatif. Or, c'est justement ce que ce livre et le documentaire qui l'accompagne vient nuancer, sinon de contredire, comme l'écrit Peter Jackson dans sa préface : « La véritable essence des séances de Get Back est contenue dans ces pages : il suffit de compter le nombre de fois où la mention “rires” est indiquée entre parenthèses. » Hanif Kureishi, renchérit : « le résultat de toutes ces blagues, de ce travail incessant et de ces disputes, c'est un final fabuleux. La séance live sur le toit de l'immeuble qui se déroule à la fin du mois de janvier 1969, et en février de la même année, les Beatles qui se mettent allègrement à travailler à ce chef-d'oeuvre qui se révélera être Abbey Road. » Grâce à ces archives enfin restaurées et révélées au grand public, tous les fans des Fab Four ont le privilège d'entrer en studio pour assister aux premiers brouillons, aux erreurs, à la dérive de chacun et aux digressions de tous, à l'ennui, à l'excitation, au brouillage joyeux et aux percées soudaines… D'assister au crépuscule superbe de leurs idoles.
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