AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782152351513
298 pages
Editions de la Renaissance de l'Occident (30/11/-1)
3.25/5   2 notes
Résumé :
Il ressemble à une « tragédie de la vengeance » ou « justice » (appelé la tragédie de la vengeance). la intrigue se déploie comme par l'apparition du fantôme d'Andrew, un jeune homme est mort dans la guerre, bien-aimés Bellimperia. Ce sera alors décider de venger la mort du bien-aimé, mais finissent par tomber amoureux de Horatio. Il est alors que Balthazar - tueur Andrea en guerre - tuer Horatio provoquant la colère du père, Hieronimo, qui vengera l'enfant avant l'... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après La tragédie espagnoleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Nous voilà de retour dans le giron du théâtre élisabéthain avec cette pièce de Thomas Kyd, qui fut un énorme succès en son temps (oui, d'entrée, c'est pas évident à deviner pour un public français) et qui a même été publiée dix fois en une trentaine d'années, ce qui n'est pas mal pour l'époque. Quant à sa date d'écriture, Jean-Marie Maguin, ainsi que d'autres, la situe probablement en 1587, mais on se montre souvent plus flou en disant qu'elle a été écrite entre 1582 et 1592. Ce qui va nous intéresser particulièrement, c'est qu'elle a été écrite avant le Hamlet de Shakespeare, mais j'y reviendrai. Je vais passer vite fait sur les péripéties connues de la fin de vie de Thomas Kyd, qui est célèbre pour un épisode peu glorieux : accusé d'actes xénophobes, puis d'athéisme déclaré, il fut emprisonné, peut-être torturé, et il dénonça Marlowe comme athée (ce que tout le monde savait plus ou moins, mais il est toujours bon de rejeter ce dont on est accusé sur d'autres). Marlowe mourra très peu de temps après - mais je ne me lancerai certainement pas dans des conjectures hasardeuses concernant un événement que les historiens n'ont toujours pas démêlé -, et Thomas Kyd, devenu persona non grata, mourra à son tour probablement un an et demi plus tard. Si je raconte tout ça, c'est qu'il est peu probable que je vous reparle de Thomas Kyd un jour prochain. Il ne nous reste plus grand-chose de ses pièces, mais... mais Thomas Kyd serait, peut-être, l'auteur d'un Ur-Hamlet (un premier Hamlet), pièce perdue. Perdue ? Assez récemment, Gérard Mordillat a exhumé la copie d'un manuscrit qui, selon lui, serait la pièce de Thomas Kyd... co-écrite avec Shakespeare. Beaucoup d'incertitudes concernant ce Hamlet (pièce de Thomas Kyd, Ur-Hamlet, les deux, aucun des deux ?) Vous verrez en quoi tout ça a son importance dans le cas de la Tragédie espagnole, dont il est temps de parler.

Si vous lisez la notice de Jean-Marie Maguin dans l'édition de la Pléiade, vous allez avoir envie de lire sans plus tarder La Tragédie espagnole. On vous promet déjà de l'action. Ce serait même la première "pièce d'action" du théâtre élisabéthain. On vous vend deux personnages hors du commun, des meurtres, des suicides, une langue arrachée, folie, vengeance (et même la Vengeance en personne), un fantôme, et j'en passe. Mais voyons ce qu'il en est.

L'intrigue est à la fois simple et alambiquée. Tout commence avec l'apparition d'un fantôme accompagnée de la Vengeance (ah, on ne nous avait donc pas menti !), le fantôme étant celui d'un jeune homme, Andrea, Espagnol mort à la guerre sous les coups sournois de Balthazar, fils du Vice-roi du Portugal. La Vengeance promet à Andrea qu'il sera... vengé. Autrement dit que Balthazar va mourir par la main de Bel-Imperia, l'amoureuse d'Andrea. Quand j'aurai ajouté que le titre complet de la pièce est La Tragédie espagnole, Renfermant la fin lamentable de don Horatio et de Bel-Imperia, ainsi que la mort pitoyable du vieux Hieronimo, vous aurez compris qu'il n'y a guère de suspens quant à la fin de l'histoire qui va se dérouler devant les yeux des spectateurs que nous sommes, comme le sont aussi le fantôme d'Andrea et de la Vengeance. Donc, Andrea est mort sur le sol espagnol, dans un conflit opposant l'Espagne au Portugal, et Balthazar a été fait prisonnier par Horatio, le meilleur ami d'Andrea, et par Lorenzo, frère de Bel-Imperia. Bel-Imperia tombe aussitôt amoureuse de Horatio, tout en méditant la vengeance de la mort d'Andrea (question psychologie, c'est pas ça). Là-dessus, Balthazar, remis à la garde de Lorenzo et vivant sous son toit, tombe amoureux de Bel-Imperia, qui ne le lui rend pas, et Lorenzo, apprenant que sa soeur a un nouvel amoureux qu'il trouve tout pourri, décide d'occire ce dernier (c'est un peu expéditif, oui). Et allez, les voilà qui assassinent Horatio, et que presque aussitôt Hieronimo, le père d'Horatio, mais aussi maréchal à la cour d'Espagne (en gros, c'est un juge), découvre le corps. Très vite Hieronimo perd complètement les pédales, médite la vengeance de la mort de son fils, a des hallucinations en chaîne, jusqu'à mettre en scène son plan d'action, de façon à la fois spectaculaire et définitive (en résumé : quasiment tout le monde meurt, et les rares survivants sont des vieux qui n'ont plus que leurs yeux pour pleurer). Vous aurez trouvé ça long, mais j'ai carrément éludé des tas de choses, ou nous n'en aurions jamais fini.

Pas mal de défauts dans la pièce, et pour commencer les deux premiers actes, qui sont mous, mous, mous, vraiment très mous. Arrivée à la fin de l'acte II, je me suis demandé où était l'action qu'on m'avait tant vantée. Alors, effectivement, si on compare La Tragédie espagnole à Gorboduc, on n'est plus dans la même veine. Tous les actes sanglants de Gorboduc sont rapportés par des témoins, mais jamais montrés au spectateur. Il en va différemment ici, c'est vrai, mais que je vous donne un exemple pour démontrer que ce n'est pas exactement trépidant. À la scène IV de l'acte II, après que Bel-Imperia ant roucoulé un petit moment avec son Horatio, Lorenzo et Balthazar se pointent au rendez-vous avec deux sbires, pendent Horatio sous une tonnelle puis le poignardent. On pourrait penser que c'est extrêmement violent, et ça l'est dans le fond, mais pas trop dans la forme. Je cite le passage :

BEL-IMPERIA
Qui va là ? Pedringano ! Nous voici trahis !
[Entrent LORENZO, BALTHAZAR, Serberin et Pedringano, déguisés.]
LORENZO
Mon seigneur, qu'on l'emmène, écartez-la.
Oh, trêve monsieur, votre courage est établi.
Allons, dépêchez, mes maîtres.
[Ils le pendent sous la tonnelle.]
HORATIO
Vous m'assassinez ?
LORENZO
Oui, prends ceci et ceci, les fruits de l'amour.
[Ils le poignardent.]

Voilà. Je veux bien que ce soit nouveau pour les spectateurs élisabéthains, mais enfin, ça manque un peu de points d'exclamations, de rythme, de tout, en fait. J'ose penser que les acteurs élevaient au moins la voix lorsqu' ils jouaient ce passage, qu'il y mettaient du coeur, mais à la lecture, ça rend pas grand-chose. Et ce problème de rythme se pose pendant toute la pièce, mais particulièrement pendant les deux premiers actes. Ce n'est pas qu'une question d'action un peu molle, c'est aussi un problème de dialogues pas très folichons. D'ailleurs, si La Tragédie espagnole n'a pas de source connue pour l'intrigue, elle doit beaucoup à Sénèque pour la forme ; ce n'est évidemment pas moi qui le dit, vu que je ne suis en rien une connaisseuse de Sénèque. Mais on retrouve régulièrement chez Kyd des dialogues vers à vers (appelés stichomythie, bref), typiques du style de Sénèque, et succédant à des tirades plus ou moins longues. Je ne suis pas très fan des ces changements de rythme, je ne vois pas très bien ce que ça apporte à la pièce, sinon un manque de cohésion dans la forme. Et rien à voir avec les dialogues des pièces grecques antiques où les protagonistes se répondent du tac-au tac de façon parfois époustouflante. Donc, deux actes mous, décevants, jusqu'à l'arrivée de Hieronimo, le père qui va réclamer vengeance.

C'est le seul véritable personnage intéressant de la pièce, même si Jean-Marie Maguin affirme que Bel-Imperia est géniale (tu parles !) Mais c'est aussi lui qui a les seules belles tirades, et pas des moindres, et qui rend les scènes attrayantes. L'acte III, c'est le sien, et Thomas Kyd a tellement mis en valeur l'un et l'autre que cet acte III est deux fois plus long que les autres. C'est là qu'on voit Hieronimo basculer dans la folie, voyant son fils partout, et notamment dès qu'un père éploré se présente à lui, n'étant plus capable de rendre la justice parce que constamment délirant. Certes, on a affaire à quelques soucis de cohérence : on ne comprend pas très bien de prime abord si Hieronimo annonce ou pas la mort de son fils, puis on comprend que oui, mais on ne sait pas quand il le fait, à qui il le dit, s'il dénonce un meurtre ou pas. Il se plaint par moments qu'on ne veuille pas lui rendre justice, on nous dit qu'il accuse Lorenzo de lui faire obstacle, mais ce n'est pas du tout montré sur scène, si bien qu'on s'y perd un peu. Et on est un peu surpris que le roi d'Espagne ne soit pas au courant de la mort d'Horatio... C'est dommage, parce que la pièce a bien pour sujet la douleur et la folie d'un père qui n'arrive pas à obtenir justice, étant lui-même juge, et qui doit donc faire fi des lois et se faire vengeance. Mais heureusement pour nous, Hieronimo n'en est pas moins un personnage assez fascinant, ne sachant jamais où il en est mais toujours habité par la souffrance, ne sachant pas comment se venger - d'où une légère impression de procrastination pour le lecteur - mais toujours habité par sa soif de vengeance. Folie, vengeance procrastination... M'est avis que vous commencez à avoir une certaine pièce, bien plus célèbre que La Tragédie espagnole, en tête. L'acte IV se termine en beauté, malgré une facilité dans l'intrigue dont on se serait passé. Hieronimo fait mettre en scène une petite pièce écrite par ses soins (il se trouve que la pièce à laquelle il est fait référence est de Thomas Kyd, le petit malin), et jouée par les personnes dont il veut se venger, ainsi que par lui-même et Bel-Imperia, sa complice. Si ce n'est pas la première mise en abyme de la Tragédie espagnole, c'est la plus passionnante, et là, je dois bien avouer que question action, violence et vengeance, Hieronimo fait les choses à fond. Ah, quand même !!! Et donc là, avec l'histoire de la pièce jouée dans la pièce dans un but vengeur, vous pensez forcément encore plus à un certain prince danois...

Vous avez donc saisi pourquoi je vous ai soûlés avec mon histoire de Ur-Hamlet en début de critique. Oui, beaucoup d'éléments de la Tragédie espagnole seront repris dans Hamlet. C'est même l'essence de la Tragédie espagnole qui sera retravaillée par Shakespeare, entre autres sources. Ce qui m'amène, malgré mon peu de goût pour Hamlet (mais c'est une autre histoire), à conclure que La Tragédie espagnole possède un gros potentiel, qui malheureusement n'est pas toujours selon moi bien exploité. C'est une tragédie sur la fin d'un monde, puisque tous les héritiers y perdent la vie et que les vieillards, soit meurent à leur tour, soit restent seuls, et où le personnage de Hieronimo, personnification de la douleur, de la folie et du désir de vengeance, compense les défauts de la pièce, comme la fin nous récompense d'avoir supporté les passages un brin ennuyeux.

Un dernier mot sur la traduction et l'édition de 1602. J'ai parlé notamment de manque de rythme dans les dialogues, mais il faut bien rappeler qu'une pièce élisabéthaine traduite en français - car je n'ai pas eu accès au texte original -, ça ne rend jamais très bien l'intention, la mélodie, le rythme de la pièce d'origine. Et même si deux ou trois répétitions manifestement voulues par Kyd paraissent peu réussies (du genre "Lequel t'avait valu une punition ; / J'ai servi de rempart à ta punition"), j'ai eu l'impression que la traduction que j'ai lue, toujours de Jean-Marie Maguin, posait quelques problèmes, notamment quant aux choix concernant l'utilisation de la versification. On se retrouve avec des alexandrins par moments (or l'alexandrin n'a rien d'anglais), ce qui alourdit le texte ; les vers, alternant avec la prose, sont bizarrement utilisés, en tout cas pas selon les codes (pourtant relativement lâches) du théâtre élisabéthain, et sans qu'on sache démêler très bien si c'est dû au traducteur ou à l'auteur. En revanche, on a droit dans l'édition de la Pléiade à un appendice reproduisant des passages qui furent ajoutés au texte initial dans une publication de 1602. Ajouts dont on ne connaît pas l'auteur, mais qui sont très joliment écrits, et concernent essentiellement la folie de Hieronimo, avec notamment un passage très réussi qui se rapporte au tout début du basculement de celui-ci. du coup, je me dis que si toute la pièce avait été réécrite en 1602, on aurait peut-être eu droit à une bien plus belle tragédie.



Challenge Théâtre 2018-2019
Commenter  J’apprécie          270
Shakespeare est incontestablement le plus célèbre des dramaturges anglais et surtout le seul que le public connait généralement de la période bien particulière du théâtre élisabéthain, une époque foisonnante question théâtre dans l'Angleterre régit par la reine Elisabeth (d'où le nom donné à ce courant) mais qui se poursuivit aussi sous le règne de son successeur Jacques Ier et du fils de ce dernier Charles Ier. Pourtant, le théâtre élisabéthain fut riche, très riche en auteurs et pièces : plus de mille cinq cent pièces furent ainsi jouées sur scènes ! Rendez-vous compte du bouillonnement artistique dont nous disposons hélas que la moitié du répertoire et des quelques quarantaine de noms de dramaturges... Christophe Marlowe, Ben Johnson, Thomas Middleton, George Chapman, John Webster où encore Thomas Dekker pour n'en citer que ceux-là... et parmi eux, le singulier Thomas Kyd qui n'a composé qu'une pièce, la Tragédie Espagnole. Mais un auteur illustre en son temps, dont l'oeuvre en question eut un succès ravageur sur les tréteaux anglaises et même en Europe (notamment en Allemagne et aux Pays-Bas). Enfin ce serait abuser de dire qu'il a écrit une pièce vu que c'est la seule qu'on ait retrouvé hélas et c'est d'autant plus dommage que parmi les compositions perdues, l'une d'elle serait notable à retrouver puisqu'elle aurait directement inspirée Shakespeare pour créer Hamlet sa plus célèbre tragédie. Thomas Kyd est surtout connu pour son amitié avec Christopher Marlowe et pour avoir subi la torture lorsqu'il fut arrêté en raison des accusations d'impiété et d'espionnage lié à Marlowe.
C'est quoi cette Tragédie Espagnole ? Un must dans le théâtre élisabéthain et qui donne naissance à un genre promis à une certaine vogue dans le théâtre, celui de la tragédie de vengeance et que Marlowe comme Shakespeare reprendront allégrément (il n'y a qu'à avoir pour le premier Tamerlan où le Juif de Malte et pour le second, Titus Andronicus et Hamlet !). Un conte noir sur la revanche qui mène jusqu'à la déraison surtout.
L'intrigue se déroule simultanément dans le royaume d'Espagne qui a écrasé la rébellion du Portugal à son encontre. Horatio, un jeune noble fils d'Hieronimo maréchal de la cour hispanique et son ami Lorenzo, revient de la guerre avec comme prisonnier Balthazar, le fils du roi portugais. Bel-Imperia, soeur de Lorenzo, s'éprend d'Horatio. Sauf que Balthazar le captif s'énamoure à son tour de la belle et s'en confie à Lorenzo, qui se révèle en frère possessif ne supportant pas que son meilleur pote courtise sa soeurette. Ni une ni deux, l'ancien ennemi devient allié avec Lorenzo et tous deux trucident sans pitié le pauvre Horatio qui n'avait rien fait de mal. C'est déjà mal comme ça... mais voilà qu'Hieronimo rentrant du boulot découvre dans le jardin le cadavre de son fils. Et l'engrenage se met en place, le vieillard a juré vengeance et va y plonger jusqu'à y sombrer complétement... une vengeance qui va entraîner tout le monde dans le chaos...
Voilà un synopsis effectivement dramatique et ce n'est rien comparé à sa lecture. Dés le prologue, nous avons un spectre revanchard (que je ne vais pas révéler l'identité pour ne pas spoiler) qui nous promet un bain de sang en compagnie de l'esprit de la... revanche. Ben oui, la Vengeance est là et nous suivra jusqu'à la fin. On sent bien l'influence d'un auteur antique qui transparait dans bien des oeuvres de la Renaissance, Seneque, le stoïcien et ses tragédies pleine de fureur et de désespoir. Un début frappant et qui rappelle bien entendu la venue du fantôme paternel d'Hamlet. Après un premier acte quelque peu mollasson, le second acte voit s'accomplir le meurtre dans toute son ignominie. Mais c'est surtout dans l'acte III que la vengeance va se mettre en marche avec Hieroniemo qui dés qu'il voit le macchabée de fiston va perdre la tête et se fixer en objectif de le venger. Et il est effectivement maboul à ce moment, voyant à chaque instant son fils mort et ne pouvant plus rendre la justice et orchestrant son macabre châtiment, le tout vivant dans la souffrance atroce du deuil et de la perte d'un enfant. Et la dite punition sera bien sanglante . Quelle violence à la fin ! Une brutalité qui rappelle également Hamlet comme toujours qui dans les dernières scènes va en crescendo dans l'horreur. On peut aussi retenir d'autres scènes bien sinistres comme l'exposition du corps d'Horatio où .
Concernant la psychologie des personnages, c'est quand même relativement sommaire. Ainsi Lorenzo est le typique méchant machiavélique, Horatio l'amant simplet, Balthazar l'étranger fourbe et même Bel-Imperia qui par quelques moments montre de force et de caractère notamment dans sa volonté de participer à la vengeance et s'opposer aux plans de son vilain frère, notamment à la toute fin, le reste du temps elle est la potiche de service et victime des hommes. Hieronimo se distingue de tout ce casting par sa complexité, celui d'un père meurtri voulant honorer la mémoire de son fils en le vengeant mais aussi celui d'un vieux fou qui au fur et à mesure qu'il projette ses attaques, tombe dans la démesure totale et succombe à l'insanité totale, y perdant de plus en plus la lucidité. La vengeance détruis aussi bien ses victimes que ses exécuteurs
Quant au style de Thomas Kyd, il est beau, il est musical, il est charmant, la plupart des vers sont vifs et bien sentis... mais par moments inégal, notamment dans les passages plats où l'action est inexistante. Les plus réussis sont bien sûr ceux consacrés à la folie de Hieronimo qui sont magistrales, décrivant avec précision et d'une imagerie spectaculaire la lente érosion de sa santé mentale tout comme l'application implacable de ses peines contre les malfaiteurs.
La Tragedie Espagnole est une pièce très admirable il faut le dire et sans elle, on n'aurait peut-être pas eu Hamlet dont on remarque bien les similitudes, entre la présence d'un fantôme qui influe sur l'intrigue, un vengeur qui tombe dans la folie pour mener dans ses fins (bien que contrairement à Hamlet, Hieronimo ne feint pas, il l'est réellement ce fou !) le tout dans une atmosphère de complot dans une cour royale. Mais elle a ses défauts et ne vaut pas du Shakespeare tout de même, toutefois elle est importante pour le théâtre élisabéthain dans le sens où elle instaure le thème de la vengeance qui sera récurrent dans une bonne partie des tragédies anglaises puis européennes du XVIeme siècle et du début du XVIIeme siècle. Amateurs du théâtre européen de la Renaissance, de passionnés de Shakespeare voulant découvrir les sources et inspirations d'Hamlet où tout simplement lambda cherchant une bonne histoire de vengeance, La Tragédie Espagnole est pour vous !
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
HIERONIMO
Pauvres yeux, yeux, non pas, fontaines mêlées de larmes ;
Pauvre vie, vie, non pas, forme vivante de la mort ;
Pauvre monde, monde, non pas, amas d'iniquités,
Brouillé et étouffé de meurtres et de méfaits ;
Ô cieux sacrés ! si cet acte impie,
Si ce coup inhumain et barbare,
Si ce meurtre sans pareil de celui
Qui fut et qui n'est plus à cette heure mon fils
Doit demeurer secret et sans vengeance,
Comment pourrions-nous nommer justice vos actions,
Si vous traitez injustement ceux qui vous croient justes ?
La nuit, triste confidente de mes gémissements,
Par d'affreuses visions réveille mon esprit tourmenté,
Et use des blessures de mon malheureux fils
Pour m'inciter à révéler sa mort.
Les démons hideux sortent des Enfers
Et inclinent mes pas vers des chemins déserts,
Et brûlent mon cœur de pensées effroyables et sauvages.
Le jour assombri est témoin de mes chagrins,
A tôt fait de consigner mes rêves
Et me pousse à rechercher l'assassin.
Yeux, vie, monde, cieux, enfers, nuit, et jour,
Voyez, visez, dévoilez, envoyez un homme, un moyen pour...

Acte III, scène II
Commenter  J’apprécie          170
LE FANTÔME D'ANDREA
Du temps où l'éternelle substance de mon âme
Vivait emprisonnée dans mon folâtre corps,
Chaque partie veillant aux besoins de l'autre,
J'étais un courtisan à la cour d'Espagne.
Je m'appelais don Andrea, mon lignage,
Sans être vil, était très indigne pourtant
Des gracieuses fortunes de ma tendre jeunesse,
Car alors dans le printemps joli de mon âge,
Fort d'un respectueux service, d'un respectable amour,
En secret je possédai une noble dame
Répondant au nom de Bel-Imperia.
Mais en pleine moisson de mes joies estivales,
L'hiver de la mort brûla les fleurs de mon bonheur,
Imposant le divorce entre l'aimée et moi.
Car durant le conflit récent avec le Portugal,
Mon courage m'attira dans la gueule du danger,
De sorte que la vie à la mort s'en alla par mes blessures.

Acte I, Scène I
Commenter  J’apprécie          130
Es-tu donc venu, Horatio, des profondeurs
Pour demander justice sur la terre d'en haut ?
Pour dire à ton père que tu n'es pas vengé,
Pour arracher d'autres larmes aux yeux d'Isabella,
Ternis qu'ils sont par trop et trop de pleurs ?
Retourne-t-en, mon fils, proteste auprès d'Éaque,
Car ici, point de justice : doux enfant, va-t'en,
Car la justice est bannie de la terre [.]

Acte III, scène XIII
Commenter  J’apprécie          120
In keeping on my way to Pluto's court
Through dreadful shades of ever-glooming night,
I saw more sights than thousand tongues can tell
Or pens can write or mortal hearts can think.
Commenter  J’apprécie          20

Lire un extrait
autres livres classés : vengeanceVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Autres livres de Thomas Kyd (1) Voir plus

Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1290 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *}