Dans cet essai mélangeant philosophie et psychanalyse, Hélène L'Heuillet analyse le rapport au temps dans notre société occidentale. Toujours pressés si pas encore en retard, nous courons si souvent que nous ne savons plus où nous allons. Notre rapport au temps est tellement urgent qu'il devient normal pour un manager de demander une tâche "pour avant-hier" et que notre seul salut serait dans le temps "volé" lorsque nous arrivons quelque part en retard.
N'étant pas philosophe, je vais tâcher de ne pas résumer davantage cet essai qui aborde le concept du retard sous tous ces angles. Certains passages étaient très intéressants et plutôt agréables à lire, d'autres étaient d'une longueur extrême et dans un style peu compréhensible qui m'a donné envie d'abandonner ma lecture une bonne trentaine de fois en peu de pages (puisque cet essai n'en compte que 184), en particulier le chapitre où elle lie tristesse et retard, bien qu'une écriture plus simple ou dynamique l'aurait sûrement rendu bien plus agréable.
D'autres passages m'ont amené à décrocher, comme ceux où il est question que nous sommes tous en pleine spirale, non-conscients de notre temporalité, obsédés par notre prochaine promotion / voyage d'affaire / histoire sans lendemain. Je veux bien admettre que c'est le cas d'une grande partie de la population, pour autant, je me suis pas sentie concernée (ou pas à ce point là en tout cas !) et je pense que je ne suis pas la seule... de même pour les analyses psychanalytiques qui décrivent en résumé les gens en retard comme psychotiques et les gens en avance comme névrosés... Euh, merci mais je passe mon tour !
Un livre intéressant pour les non spécialistes à condition de lire en diagonale les passages ardus, et probablement très bien pour ceux qui ont une bonne expérience de la philosophie et/ou de la psychanalyse !
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Un peu trop philosophique pour moi, ça plaira certainement à d'autres plus érudits que moi.
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La philosophe, qui publie Eloge du retard (Albin Michel) en janvier, souligne que la gêne que provoque la grève peut être aussi jubilatoire.
La retraite est-elle le «dimanche de la vie» dont parlait Hegel ?
Toucher aux retraites, c’est s’attaquer au vœu de plus en plus général, même chez les jeunes, qui s’exprime par quelque chose comme : «Enfin du temps libre» ! La retraite a cessé d’apparaître comme le moment où on se «retire» de la vie. C’est en train de devenir le «plus bel âge de la vie», le bout du tunnel d’une vie marquée par la pression temporelle toujours plus forte. Allonger la durée du temps de travail, c’est effectivement s’en prendre au «dimanche de la vie», alors qu’on ne tient qu’en attendant les vacances. La sagesse, depuis l’Antiquité, est une capacité de se retirer en soi-même, de faire retraite en soi. Mais le «soi» n’est pas un lieu de retraite. Nous sommes si sollicités que l’intériorité même est mise en péril. Il ne nous reste plus qu’à espérer quelques années de retrait par rapport à la pression pour retrouver notre propre sentiment de vivre.
Prendre son temps, c'est prendre ses responsabilités. Cela n'implique ni de faire attendre ni de supporter qu'on vous fasse attendre. Prendre son temps, ce n'est pas disposer à loisir du temps de l'autre ou laisser l'autre disposer du sien, mais s'accorder ce sas de décompression qui est celui dans lequel le temps de la vie fait éprouver la valeur de la vie.
Le paradoxe est qu’alors que l’offre de consommation est toujours plus précoce, les comportements de consommateurs sont de plus en plus tardifs. Faire ses courses de fin d’année le 24 décembre après-midi est du dernier chic. Plus on nous invite à être en avance, plus on est en retard. Les conseillers en marketing devraient connaître le caractère impulsif de la pression psychologique sur les acheteurs. Il y aura bientôt des révoltes contre ce chantage au temps qui consiste à nous promettre d’acheter moins cher à condition que ce soit dans la minute.
Mais précisément, en créant pour le sujet une sorte de zone vide, la tristesse fait barrage à la pulsion consumériste et à la mélancolie qui toujours l'accompagne. Car la société de consommation sait fort bien utiliser la mélancolie qu'elle engendre. La pulsion d'acquérir des objets est un effet de la mélancolie sociale. Et comme ses objets sont de plus en plus éphémères, ils aggravent la mélancolie et rendent la pulsion d'achat, par exemple, toujours plus frénétique.
L'insomniaque passe au crible les événements de la journée. Sa reddition des comptes est plus sévère que l'examen du soir stoïcien. Même quand il avance en pensée son travail du lendemain, l'insomniaque est en retard. C'est même ce retard qui le tient éveillé. L'insomniaque vit sa vie à contretemps. Il tourne et retourne aussi les choses sous tous les aspects. Il revient en arrière, il interroge, ou lance la bonne répartie.
Signaux faibles de radicalisation : vers une société de la surveillance ?