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Critique de Soleney


Le jour où on propose à Valère de jouer les espions pour le compte de sa nation est le plus dur de sa vie. Car cela suppose de renoncer (temporairement) à son statut de citoyen, s'exiler dans un pays qu'il ne connaît pas, renoncer à son amour de toujours, Alexia, et mener un double jeu auprès d'un membre de sa famille. Mais il doit le faire : c'est un des rares Spartiates à avoir de la famille en Occidie et les attentats dans les lieux publics se multiplient. Il faut découvrir les responsables.

Des siècles se sont écoulés depuis notre époque. Deux depuis une catastrophe écologique qui a incité de nombreux pays à changer de mode de vie. Nouvelle-Sparte a tiré des leçons de ses ancêtres : pas de gaspillage, pas d'abus, pas de contrôle total sur la nature, et une éducation très stricte, mâtinée d'entraînements physiques, de réflexions philosophiques et d'épreuves. En résulte une nation au flegme très anglais, où tout le monde connaît sa place, où personne n'est véritablement au-dessus des autres, où l'argent n'existe pas puisque la motivation de chacun est le bien-être de tous.
Une utopie, cernée par l'Occidie (qui reproduit notre modèle économique) et le Darislam (un pays dont les lois sont fondées sur la religion – devinez laquelle). Une utopie dont l'existence n'est pas du goût de tout le monde...

Valère, en quittant Nouvelle-Sparte, découvre l'inégalité. L'excès. L'égoïsme. L'indifférence.
Notre monde.
Voilà qui le sidère : pourquoi faut-il absolument séparer les j'ai-tout des sans-rien ? Pourquoi faut-il qu'une poignée de personnes possède la quasi-totalité du pouvoir ? Pourquoi les pauvres sont considérés comme dangereux – sales ? Ce regard neuf sur des détails de notre quotidien nous fait remettre pas mal de choses en question. Pourquoi l'argent ? Pourquoi l'injustice ? Comment réformer ?
Et puis la religion : les Spartiates croient aux anciens dieux grecs, mais seulement en tant que force inspiratrice. C'est aux hommes de fournir l'effort nécessaire pour se tirer de mauvais pas. Nouvelle-Sparte est donc une société très libérée, beaucoup moins culpabilisée – surtout dans le rapport au corps et au sexe. Là encore, ça fait réfléchir...

Un détail m'a surprise et amusée. À Nouvelle-Sparte on conçoit les gens en deux parties : le je-suis (pensée) et le je-fais (action). Se percevoir de cette manière permet à Valère se sortir de situations épineuses : si le je-suis est troublé, alors c'est au je-fais de prendre le relai. Et vice-versa. Bonus : l'éducation du héros, exigeante, le pousse à se connaître mieux. La kryptie (épreuve du passage à l'âge adulte) s'accomplit dans la douleur : l'aspirant est supposé se débrouiller seul pendant une semaine dans la forêt, malgré les Oursiens, malgré la faim et le froid.
Oui le froid, car Nouvelle-Sparte n'est pas du tout située en Europe méditerranéenne, mais aux bords du lac Baïkal… au sud de la Sibérie. Par conséquent, chaque bâtiment est double : une partie émergée pour l'été, et une partie immergée pour l'hiver.

Et puis, il y a l'écriture. Érik L'Homme change complètement de style : phrases courtes, incisives, mots-valises pour décrire en un minimum de place un maximum de ressenti. C'était surprenant. Rafraîchissant. Et très différent de ce que j'ai pu lire dans Le Livre des Étoiles ou Les Maîtres des Brisants.

Un roman marquant, qui engage la réflexion.
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