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Critique de AMR_La_Pirate


Ce numéro sept de la revue Indé-Panda propose dix nouvelles autour du thème du destin, « destins tressés, destins trahis, destins soumis aux cahots du temps, au chaos de l'Histoire, destins déchus, desseins déçus, destins défiés, destins défaits », toute une déclinaison particulièrement intrigante et tentante dans laquelle je me plonge avec un plaisir renouvelé. En effet, depuis ma découverte du précédent numéro, je suis devenue indépanduvienne !

« le Champs d'orties », la nouvelle de Céline Saint-Charle, est illustrée en page de couverture par Rattenhaus. Elle nous dépeint l'univers sombre des camps de concentration et le sort réservé aux juifs, traités comme des bêtes, à travers un souvenir d'enfance d'un médecin nazi ; c'est une ambiance à la fois émouvante et tragique qui laisse un goût amer et une sensation de brulure comme les orties du titre. L'auteure souffle le froid et le chaud, prend le contre-pied des événements : le printemps n'annonce rien de bon, la bonté attire le malheur… Un récit terriblement efficace sur la vision de l'autre, sur une altérité négative et déshumanisée. Une nouvelle très sombre sur les endroits les plus troubles de l'âme humaine qui me donne très envie de découvrir davantage l'univers de son auteure et le recueil Nos obscurités dont est extraite « le Champ d'orties ». de même, l'univers de Rattenhaus me paraît intéressant : je trouve fascinante la manière dont son trait contracte dans le reflet du verre de lunettes du médecin sa vision déformée et déformante de la question juive.
Amélie Hanser propose avec « Niveau 4 » une nouvelle futuriste dans un monde où les échanges sont surveillés pour repérer et décourager les propos sexistes et les comportements déplacés. Nous suivons une opératrice qui surveille les conversations de clients volontaires et les recadre quand ils dépassent les niveaux autorisés. J'ai trouvé ce texte intéressant mais peut-être un peu trop facile notamment avec la référence explicite à 1984 de George Orwell. le final en tel est pris qui croyait prendre est cependant assez savoureux ainsi que l'analyse de la difficulté à mettre en place un système à la fois égalitaire et impartial qui soit légal et pas trop intrusif. Quant à la notion de moralité, elle demeure complexe et sujette à controverse.
SAID nous entraine dans une nouvelle mêlant science-fiction et intrigue policière avec « Neurocop » : un braquage avec prise d'otage, une scène type et sans surprise… Sauf qu'ici, ce n'est pas une banque financière qui est visée et que le police a à sa disposition un dispositif de négociation gérée par une Intelligence Artificielle, et qu'un otage peut être échangé contre une personne devenue inutile pour la société et que… et que… L'écriture est distanciée est très efficace, les personnages héroïques au sens tragique et classique, tiraillés entre devoir et sentiment. Voilà qui m'incite à aller voir d'un peu plus près les Horizons parallèles, projet réunissant cinquante-deux nouvelles de cet auteur.
Terry Torben donne un titre latin à sa nouvelle : « Fatum » représente la destinée avec une notion de coup du sort et de fatalité. Être au mauvais endroit au mauvais moment ou n'être pas là où on aurait dû être et la vie peut basculer. Cette nouvelle est à la fois belle et terrible : une tension crescendo, un final paisible, une superbe mise en mots du fait que l'on est peu de choses.
Dans « Indécision », Raphaël Morgano revisite le thème de la demande en mariage et se perd en digression sur le hasard, les choix et les prises de décision d'un personnage incapable de décider quoi que ce soit sans l'aide de stratagèmes auxquels je n'ai pas tout compris. J'avoue ne pas avoir saisi où l'auteur voulait emmener ses lecteurs en les baladant ainsi entre formules mathématiques et interprétations littéraires ; la fin m'a surprise. Raphaël Morgano maitrise l'art de la nouvelle, c'est indéniable. Son recueil, Sous la couverture, sur les mises en abymes littéraires ne peut que me tenter.
Guillaume Dalaudier nous raconte dans « le Hors-la-loi et la mort » l'histoire d'un voleur de grand chemin qui se venge sur les autres des vicissitudes de sa propre vie. Quand le spectre de la Mort lui rend visite, il n'en a pas peur et ne songe qu'à la détrousser alors qu'elle veut lui proposer un étrange arrangement. Cette nouvelle intemporelle interroge sur le sens à donner aux épreuves qui frappent aveuglément et peut-être sur l'existence de Dieu.
Fox Miliveles situe son histoire au tout début du XXème siècle. « Premières neiges au jardin du Luxembourg » raconte un souvenir d'enfance, une parenthèse de vie oubliée juste avant la terrible boucherie de la première guerre mondiale. L'écriture se pose dans une démarche un peu détournée d'hommage et de devoir de mémoire ; c'est tout simplement beau.
« Mondorama » de Marguerite Rothe nous propulse dans un futur proche, juste après un épisode apocalyptique, un homme qui a pris la route tombe par hasard, dans une grange abandonnée, sur un vieux numéro d'un célèbre magasine télé. L'auteure revisite le thème du survivant en quête d'éventuels semblables qu'elle actualise avec des problématiques écologiques qui nous sont proches. N'y a-t-il que dans les romans que cela peut arriver ?
Vénusia A., avec « le Passager », illustre le thème de l'anniversaire de la rencontre amoureuse. Un homme revient à Saint-Pétersbourg, sur les lieux où il a fait la connaissance de l'amour de sa vie, aujourd'hui décédé. C'est un pèlerinage émouvant et triste, un texte très court, qui me laisse un peu sur ma faim mais qui a su me donner l'envie d'aller lire de plus près les romans de cette auteure.
Enfin, Khalysta Farall nous entraine dans un univers futuriste, particulièrement aseptisé, ou chaque foyer peut se doter d'un androïde de compagnie, chargé des corvées. Certains extrémistes vont modifier le fonctionnement de leurs machines dans un but de purge nationale. L'auteure reprend à son compte le thème de l'intelligence artificielle capable d'évoluer par elle-même et de prendre le pouvoir car c'est un sujet qui l'inspire particulièrement ; « À ton image » clôture ce quatrième numéro de L'Indé Panda.

C'est toujours un réel plaisir de lire cette revue et de découvrir les différents univers des auteur(e)s sélectionné(e)s. Même si certaines nouvelles m'ont davantage plu que d'autres, je trouve l'ensemble de belle qualité et me procure dans la foulée le N° 8 ainsi que les numéros précédents qui me manquent… Ben oui, je me répète, mais je suis devenue indépandéluvienne… Ces lectures sont pour moi l'occasion de belles rencontres littéraires.
Je recommande vivement L'Indé-Panda à tous les amateurs de nouvelles, aux curieux et mêmes aux autres.
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