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Faton (01/09/2015)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Les artistes ne s’emparent que tardivement, au cours du XIXe siècle, de la figure de la prostituée. C’est que le sujet est moderne ! Il faut repenser sa vision du corps de la femme, affronter ses propres fantasmes sexuels et la mort qui rôde autour, dans le sillage de la syphilis ; il faut savoir aussi regarder derrière les apparences, rendre à ces filles que l’État a voulu enfermer dans les maisons closes leur dignité. L’exposition du musée d’Orsay, « Splendeurs et... >Voir plus
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Que lire après L'objet d'art - HS, n°91 : Splendeurs et misères, images de la prostitutionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sujet intéressant et hors-série plutôt réussi. Pour une fois, l'entretien avec un commissaire d'exposition ne donne pas seulement l'impression de servir de communiqué de presse, mais explique assez bien les enjeux de l'exposition et en précise clairement certains aspects.

Le dossier en lui-même ne suit pas exactement les grandes lignes de l'expo, mais choisit d'aborder le sujet selon les lieux de prostitution - la rue, les maisons closes, les music-halls, les appartements des courtisanes - au tournant du XIXème-XXème siècles, mettant ainsi en avant ce qui différencie profondément les types de prostitution et les prostituées, et donc leur position dans la société et le regard qu'on portait sur elles. Par conséquent, ce numéro de L'Objet d'art relève autant de l'histoire que de l'histoire de l'art, ce qui suit la logique de l'exposition. Mais il me semble tout de même que c'est finalement l'approche historique qui se taille la part du lion.

L'intérêt, c'est qu'on en profite pour découvrir les études commises sur le sujet, et notamment l'ouvrage d'Alain Corbin, Les filles de noce ; c'est d'ailleurs une véritable invitation à le lire. le défaut, c'est que, faute d'une présentation chronologique du sujet, on est un peu frustré quant à la question du regard des peintres sur la prostitution, sur l'évolution de ce regard. Néanmoins, on comprend bien ce qui fait la différence des points de vue De Toulouse-Lautrec et de Degas, par exemple. On découvre aussi une facette teintée de réalisme de l'oeuvre de Félicien Rops qui est d'habitude peu mise en avant, voire carrément occultée.

La révélation de l'exposition, largement explicitée ici, c'est évidemment le décryptage des tableaux qui seraient sinon incompréhensibles pour un public du XXIème siècle : tous ces infimes détails qui font que, dans la vie ou sur la toile, on reconnaissait fin XIXème une prostituée - de métier ou occasionnelle. On est aussi frappé par le regard malsain des hommes qui transparaît dans certaines oeuvres. À tel point que je me suis demandé si ce qu'on redécouvre aujourd'hui, via l'exposition du musée d'Orsay, comme des scènes de prostitution ou d'invitation à la prostitution, en sont réellement. Les commissaires d'exposition n'ont-ils pas trop extrapolé à partir de ces détails - un regard appuyé, un jupon légèrement relevé -, réalisant l'amalgame entre ce qui relève de la prostitution, même occasionnelle, et ce qui relève du machisme, de la misogynie, du peu de considération qu'on accordait aux femmes à une époque bien connue pour le mépris qu'on leur vouait. Je crois que L'Objet d'art aurait pu se pencher sur la question.

Pour terminer, je relève que la revue a opéré quelques changements très positifs dans la mise en page. Pour exemple, on ne trouve pratiquement plus de reproductions scindées en deux pages - et les deux seules concernées par cette pratique apparaissent en page de titre, ce qui n'est pas gênant. Merci à L'Objet d'art d'avoir prêté l'oreille à ses lecteurs !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Même si tous les historiens de l'art ne sont pas d'accord, on peut voir dans le regard de Lautrec une grande empathie pour les prostituées. Il ne s'intéresse pas seulement aux corps nus et suggestifs, mais montre surtout les moments de vie entre filles, quand le client n'est pas là. On les voit manger ensemble au réfectoire, discuter tranquillement entre elles, faire une partie de cartes. D'un côté, les corps au travail, jouant leur rôle de séduction, de l'autre des corps au repos, relâchés ou en train de se préparer pour l'arrivée du client. L'atmosphère est souvent tranquille et douce, parfois morose et lugubre. L’artiste était un habitué de quelques maisons closes dans le quartier de l'Opéra, celle de la rue des Moulins en particulier, et on sait qu'il était autorisé à faire partie du quotidien des filles.
D'autres peintres, comme Munch ou Picasso dans certaines toiles, ont ce même regard empathique. Dans Mélancolie ou La femme au fichu, Picasso représente une prostituée de la prison Saint-Lazare (que l'on reconnaît au bonnet qu'elle porte) et nous fait sentir toute la solitude de la jeune femme aux traits émaciés, au corps recroquevillé sur lui-même. Munch quant à lui, dans Noël au bordel, propose la vision étonnante d'une maison de tolérance à l'atmosphère presque familiale et douillette, avec le sapin en arrière-plan et cette femme qui lit, une cigarette à la main. Dans L'Allée, il donne à voir une très jeune fille, dont le corps nu est livré en pâture à ces bourgeois habillés et portant haut-de-forme qui l'entourent - comme si l'aisance matérielle leur donnait le droit d'en détourner la vertu.

Entretien avec Isolde Pludermacher
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Corbin le dit aussi : à Paris, les ouvrières, blanchisseuses, couturières ou fleuristes ne gagnent pas suffisamment pour vivre de leur salaire et se vendent occasionnellement. James Tissot ou Pascal Dagnan-Bouveret en témoignent. Beaucoup de ces grisettes cherchent un monsieur de la bourgeoisie qui leur assurerait un quotidien plus doux. Zola l'écrit dans Au Bonheur des Dames : certains métiers sont saisonniers et expliquant ce type de comportement. Les peintres qui osent montrer cela sont assez rares, et la présence d'un Tissot dans ces rangs est d'autant plus surprenante qu'il est le peintre de la bourgeoisie et de ses mondanités, à l'instar de Béraud.

De la pierreuse à la petite employée, prostituée occasionnelle
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La prostituée apparaît sur la scène littéraire dans la seconde moitié du IVème siècle av. J.-C. Dès cette époque, deux visions diamétralement opposées du personnage se confrontent, qui se retrouveront tout au long du XIXème siècle : d'un côté la figure de misère et d'innocence profanée ; de l'autre, une figure de luxure, toute-puissante et dangereuse. Entre ces extrêmes, les déclinaisons semblent infinies, portées sur la variété des fantaisies et des fantasmes masculins, et prétexte à des considérations générales sur LA femme. En 1892, Octave Mirbeau déclare dans son journal que la femme "n'est pas un cerveau, elle est un sexe, rien de plus".

Le regard des écrivains
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Même si la prostitution recouvre un réalité ancienne et des situations très diverses, le XIXème siècle se distingue par une forte augmentation de l'ampleur du phénomène et une tentative de réglementation avec les maisons closes. En réalité, les bordels sont de véritables prisons et n’assurent pas plus la santé physique que mentale des femmes. La deuxième moitié du siècle les voit s'en échapper et investir rues, cafés et salles de spectacles.

De l'enceinte sacrée à la fosse d'aisance
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