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Claude Pinganaud (Éditeur scientifique)
EAN : 9782869596146
220 pages
Arléa (07/03/2003)
4.14/5   38 notes
Résumé :
Montaigne dans le chapitre 28 du livre I des Essais - de l’amitié - prétend que «sa suffisance ne va pas si avant que d’oser entreprendre un tableau riche, poli et formé selon l’art» et qu’il s’est «avisé d’en emprunter un d’Étienne de la Boétie, qui honorera tout le reste de cette besogne». Cette «besogne» étant rien de moins que Les Essais, on est en droit de penser qu’outre les devoirs d’amitié Montaigne manifestait pour le texte de son ami assez de considération... >Voir plus
Que lire après La Servitude volontaire, suivi de '29 sonnets d'Etienne de la Boétie et d'une lettre de Montaigne'Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
De notre servitude volontaire

Ce livre fut écrit il y a cinq siècles. Pourtant, chez tous ceux pour qui le mot Liberté a encore du sens et qui accessoirement savent lire, son actualité s'impose cruellement. Car si la domination a changé de visage, il reste que: « Toujours s'en trouvent-ils quelques-uns qui sentent le poids du joug et ne peuvent tenir de le secouer ; qui ne s'apprivoisent jamais de la sujétion et qui toujours ne se peuvent tenir d'aviser à leurs naturels privilèges ; ce sont volontiers ceux-là qui, ayant l'entendement net et l'esprit clairvoyant, ne se contentent pas de regarder ce qui est devant leurs pieds ; ce sont ceux qui, ayant la tête d'eux-mêmes bien faite, l'ont encore polie par l'étude et la connaissance.
Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et toute hors du monde, l'imaginent et la sentent en leur esprit, et encore la savourent, et la servitude ne leur est de goût, pour tant bien qu'on l'accoutre. »
Quelques-uns trouveront donc dans ce livre un précieux soutien ...
D'autres qui n'imaginent ni ne sentent plus rien n'y verront probablement qu'une relique du passé.
Avec les siècles, la servitude volontaire a donc changé de nombreuses fois de formes et de visages ainsi, bien sur, que la domination qui l'accompagne comme son ombre. Ainsi, à la Théologie qui justifiait les structures hiérarchiques du temps de la Boétie, s'est progressivement substitué l'Economie politique, comme pseudoscience, comme gestion des affaires humaines. A la liberté des êtres humains, demeurant pour leur plus grande part dans l'asservissement, s'est substituée la « liberté du Marché » s'avançant le plus souvent masquée sous la rassurante appellation de libéralisme ou, plus drôle encore, de socialisme.
Dans notre belle modernité, loin de nous libérer de l'Etat, le Marché s'est intimement associé à celui-ci dans une subtile répartition des taches ; à l'Etat les fonctions régaliennes, police, répression, surveillance, défense des intérêts des possédants ; au Marché, la savante organisation de la dépossession du plus grand nombre au profit d'une poignée de mafieux à l'avidité sans limites. L'interpénétration entre les structures étatiques à leur sommet et les gestionnaires du capital étant désormais presque totale et quelques soient les gouvernements en place. Pour couronner le tout, c'est le plus souvent dans un système annoncé comme « démocratique » que se déploie ce « meilleur des mondes ». Seuls quelques mauvais esprits remarqueront que cette démocratie là, a littéralement été vidée de toute substance ; qu'à la place de citoyens ne demeurent que des spectateurs, ridiculement réduits à l'impuissance et que, comble d'humiliation, on culpabilisera devant leur manque d'enthousiasme à voter bleu ou rose.
C'est à l'aune de cette réalité là qu'il faut relire La Boétie et s'interroger sur Notre servitude volontaire.
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La domination volontaire est la face cachée de la servitude volontaire.



Tout a commencé par la séparation. Un événement inouï dont la vérité est enfouie sous la domination plurimillénaire qui s'est amorcé au même instant. La séparation s'est étendue : entre l'homme et la femme, les humains et la nature. Elle a impliqué une perte de puissance, une déstabilisation, toutes deux compensées par la saisie dominatrice.
La domination est le véritable secret de la servitude volontaire. La servitude volontaire reconnait la domination qui la domine ; elle la reconnait sur le double mode du ressentiment et de l'admiration, qui se conjuguent dans une jalousie secrète.
Il n'y aurait pas de servitude volontaire sans le secret espoir d'une domination volontaire. le maître est tapi dans l'esclave. Donnez-lui quelqu'un ou quelque chose à dominer, il le dominera, justifiant et légitimant par-là même et à ses propres yeux la domination qui s'exerce sur lui.
On connaît bien la sinistre figure du petit chef mais, plus ordinairement, qui ne s'est jamais trouvé exposé à des tentatives de rabaissements, de vexations, d'abus d'autorité, de déstabilisation ? le plus bas dans l'échelle sociale se trouvera bien assez haut pour s'attaquer à un animal.
Qui ne s'en prend pas - à la racine de soi - à la séparation - pour se ré-enraciner dans l'unité -, devra sa vie durant courir pour espérer au moins un instant figurer au banquet des dominateurs – ou en saisir des miettes, ne serait-ce que celles qu'il pourra refuser aux pigeons.
A l'inverse, quiconque se réaccorde – au sens musical – avec lui-même, les autres, la nature, finit par perdre tout goût de dominer.
C'est une main qui ne tient pas de proie.

(Voir dans la même perspective le court PDF mis en lien, qui articule servitude et renoncement à soi.)

Lien : https://observatoiresituatio..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.
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Il est vrai qu'au commencement on sert contraint et vaincu par la force ; mais ceux qui viennent après, n'ayant jamais vu la liberté et ne sachant ce que c'est, servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. Cela, c'est parce que les hommes naissent sous le joug et puis, nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et, ne pensant point avoir autre bien ni autre droit que ce qu'ils ont trouvé, ils prennent pour naturel l'état de leur naissance. Et toutefois il n'est point d'héritier si prodigue et nonchalant qui, quelquefois, ne passe les yeux sur les registres de son père pour voir s'il jouit de tous les droits de sa succession, ou si l'on a rien dérobé, à lui ou à son prédécesseur.
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Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres.
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Le naturel, pour bon qu'il soit, se perd s'il n'est entretenu.
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Videos de Étienne de La Boétie (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Étienne de La Boétie
« […] La Boétie (1530-1563) […] est […] considéré par beaucoup comme un précurseur intellectuel de l'anarchisme et de la désobéissance civile. Également, et surtout, comme l'un des tout premiers théoriciens de l'aliénation. Pour comprendre les intentions qui conduisent Étienne de la Boétie à écrire le « Discours de la Servitude Volontaire ou le Contr'un », il faut remonter au drame qui a lieu vers 1548. « En 1539, François 1er (1494-1547), roi de France, tente d'unifier la gabelle (impôt royal). Il impose des greniers à sel près de la frontière espagnole, dans les régions qui en sont dépourvues. En réaction de cette tentative, des soulèvements ont lieu. le premier en 1542, puis le plus grand en 1548 à Bordeaux ». le connétable de Montmorency (1493-1567) rétablit l'ordre de manière impitoyable. […] ce serait sous l'impression de ces horreurs et cruautés commises à Bordeaux, que la Boétie compose le « Discours de la Servitude Volontaire ». […] »
« […] Étienne de la Boétie grandit dans un milieu éclairé. […] […] Au début de ses études universitaires ce jeune homme âgé de dix-huit ans seulement, écrit son premier ouvrage, qui deviendra plus tard la plus célèbre de ses oeuvres, le fameux « Discours de la Servitude Volontaire ou le Contr'un ». […] en 1554, il est nommé conseiller au Parlement de Bordeaux. […] Vers le milieu de l'année 1563, un mal terrible terrasse La Boétie […]. Il s'agit d'une dysenterie qui s'aggrave rapidement. La peste et la famine avaient éclaté dans le Périgord. […] […] C'est chez son collègue au Parlement, Richard de Lestonnac, beau-frère de Montaigne (1533-1592) qu'il se repose. Il meurt peu après […]. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_de_La_Bo%C3%A9tie)
« […] ce que nous appelons ordinairement amis et amitié, ce ne sont qu'acquoinctances et familiarité nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de laquelle je parle, elles se mêlent et se confondent l'une et l'autre, d'un mélange si universel, qu'elles effacent, et ne retrouvent plus la cousture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en respondant : Par ce que c'estoit lui, par ce que c'estoit moy ». (Montaigne, Les Essais, livre 1, chapitre 28).
0:00 - Discours de la servitude volontaire 11:16 - Générique
Référence bibliographique : Étienne de la Boétie, Discours de la Servitude Volontaire ou le Contr'un, français modernisé par Charles Teste, Institut Coppet, 2011
https://www.institutcoppet.org/la-boetie-discours-de-la-servitude-volontaire/
Image d'illustration : https://twitter.com/EtienneLaBoetie/photo
Bande sonore originale : Hawkin - Week 3 - star Week 3 - star by Hawkin is licensed under a Attribution-NonCommercial License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/Hawkin/Thoughts_On_Weeks/Hawkin_-_03_-_Week_3_-_star
#ÉtienneDeLaBoétie #DiscoursDeLaServitudeVolontaire #LittératureFrançaise
+ Lire la suite
>Science politique>Droits civils et politiques>Citoyenneté, nationalité, naturalisation (11)
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