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sur 5891 notes
AAAh ! La Princesse De Clèves ! Combien redoutée, combien détestée, combien honnie par les lycéens ou combien adorée, combien adulée, combien vénérée ! Tout de suite, à l'exception du tout début et de la toute fin, il me faut confesser que j'ai adoré, dévoré, jubilé, savouré ce roman d'amour posé comme une fleur délicate et parfumée sur le canevas superbe des vicissitudes historiques.

Ce roman est majeur et c'est indubitable, n'en déplaise à nos chers lycéens, à nos chers ex-futurs présidents et à ceux qui ne jurent que par la nouveauté, le polar ou la SF.
Madame de La Fayette a créé quelque chose de nouveau pour l'époque, quelque chose qui a révolutionné son domaine.

Pour tâcher d'illustrer le rôle majeur occupé par La Princesse De Clèves dans l'histoire littéraire, je vais tenter quelques hasardeuses comparaisons avec le monde de l'automobile, que je connais fort peu, ou celui du tennis (mon pseudonyme oblige) que je connais encore moins.

Vous pouvez tout à fait, mes chers lycéens, ne pas aimer du tout, ni aucunement goûter les formes délicieusement surannées de cette vieille Citroën qu'on appelle la " Traction ". En revanche, vous ne pourrez jamais nier l'importance que ce modèle a eu sur l'évolution de l'automobile. Avant elle, presque toutes les voitures étaient des propulsions arrière. À partir de ce modèle et depuis lors, presque toutes les voitures sont des tractions avant.

Dans le domaine sportif (Le cas du sauteur en hauteur Dick Fosbury serait probablement encore plus révélateur mais puisque j'ai commis l'erreur de choisir un pseudonyme en référence au tennis, je vais m'efforcer de piocher un exemple issu de ce sport.), évoquons le cas de Boris Becker. On peut (c'était mon cas) ne pas du tout aimer ce joueur.

Par contre, il est indéniable que l'influence de son service a révolutionné le tennis de haut niveau. Il a fait de ce qui n'était considéré alors que comme un "engagement" un véritable "coup du tennis" au même titre que le smash ou le passing-shot. Depuis Becker, plus un joueur qui prétend à la hauteur des classements mondiaux ne peut se permettre d'avoir un service timoré. Je suis bien d'accord que cet étrange service (on avait l'impression que Becker allait pondre un œuf avant de tirer !) ferait peut-être pâle figure aujourd'hui sur un tournoi, mais à l'époque, c'était de la dynamite.

Tel est le cas du roman qui nous occupe aujourd'hui. Sans lui, point de ces quelques joyaux sublimes qui jalonnent l'histoire littéraire ou du moins, il en manquerait certains ou bien ils n'auraient pas le même éclat car une porte s'est ouverte alors. Quelqu'un l'aurait ouverte un jour ou l'autre, mais ce fut Madame de La Fayette et à cet instant précis de l'histoire, ce qui n'est pas sans conséquence. Venue un siècle plus tôt ou plus tard et la face du monde littéraire eût été différente.

En effet, quand je lis Madame de La Fayette, je ne peux m’empêcher de songer aux glorieux héritiers qu’elle a semés de par le monde. Entre le duc de Nemours et la princesse de Clèves il y a la force et l’intensité qui ont fait mon bonheur dans les Liaisons Dangereuses entre le vicomte de Valmont et la présidente de Tourvel, dans les angoisses et les cœurs battants du tournoi je retrouve exactement la même tension que celle qu’éprouve Anna Karénine pour Vronski lors de la course de chevaux, lesquels deux romans susmentionnés sont, de tous temps, parmi mes plus grands coups de cœur vécus en littérature.

Madame de La Fayette s’inscrit dans le mouvement précieux, pas forcément ma tasse de thé au demeurant, mais elle sait le faire avec tact, avec élégance et avec un réel sens littéraire avancé qui élève cette histoire bien au-delà de l’amourette avortée qu’on a tous et toutes plus ou moins connu et qui nous a tous et toutes plus ou moins écorchés. Non, elle touche à quelque chose d’ultime, d’universel, de cristallin, de mythique, de théorique, de supra humain.

Le romantisme et la fièvre gothique puiseront aussi quelque chose de cette vibrance-là mais il y a ici une magie, une féerie sur le thème de l’amour tout à fait exceptionnelle. Tout au long du livre on se pose une question, LA question, la seule qui vaille : Va-t-elle succomber ? Va-t-il la convaincre ? Vont-ils s'aimer comme ils le devraient ?

Tout est bâtit là-dessus (non pas exactement quand même, je résume), c'est sur ce fil tendu entre la raison et la passion qui nous tient en extase. Tout au long du roman, la princesse s'efforce de maintenir sa passion folle, volcanique, magnétique, irrésistible, dans le treillis austère autant que mortifère constitué par la gangue irrésolue mais irréfragable de sa propre raison.

Elle est amoureuse, elle est sublime, elle palpite, elle ne vit que pour ça, mais elle est mariée et elle a des principes. Il est superbe, il est droit, il est noble, elles se l'arrachent toutes, mais c'est elle qu'il veut. Il n'a d'yeux que pour elle, mais c'est un seigneur, il ne veut pas l'avilir.

L'auteur a créé deux joyaux, il lui fallait un écrin. Et là encore, coup de génie Madame de La Fayette, de choisir un truc quelque peu irréel et pourtant ayant existé ; il s'agit d'une cour de roi de France. Certes, rien d'extraordinaire pour cette auteure qui vivait à la cour de Louis XIV, grosso modo un siècle après les événements décrits. Et bien non, pas tant que cela, car même l'étiquette, l'identité, la nature de la cour du roi de France Henri II a quelque chose d'extraordinaire, de suspendu dans le temps et dans l'histoire, et qu'aucune autre période ne saura refleurir.

Sentiment irréel dans un lieu et une époque irréels, pour mieux nous faire sentir le cas limite de la situation où réalité crédible voisine avec légende et mythologie. Roman historique, roman d'amour, tout va pour le mieux, nos cœurs de lectrices aux abois tambourinent aux creux de nos poitrines tendres, on en voudrait encore ou bien s'arrêter là, sur cette impression, quand un dénouement que je juge très inférieur vient, discrètement nous remettre sur les rails de la morale religieuse chrétienne (j'allais écrire " à deux balles ", mais comme je ne m'appelle pas Nicolas Sarkozy, je ne puis me permettre). Ceci vient un peu gâcher la perception globale de l'ensemble, mais rien que pour le frétillement du milieu, ma très chère Madame de La Fayette, je vous remercie infiniment, très au chaud dans mon cœur.

Nonobstant, une fois encore, vous aurez deviné que tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas beaucoup plus qu'un battement de cil du dernier des pages du dernier des courtisans du dernier soupir du vénérable Henri II, autant dire, pas grand-chose.
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Si j'étais président de la république.......
Si j'étais président de la république, je rendrais obligatoire la lecture de ce roman au lycée, bien sûr et en dernier année de l'ENA.

Avant de vous expliquer le pourquoi de cette provocation, je tiens à être honnête, à vous dire que j'en ai sué à la lecture de ce roman. Déjà, les romans d'amour, c'est pas trop mon truc, de plus, même si la langue est belle, je l'ai trouvé difficile d'accés surtout pendant les premiers trois quarts du livre! Enfin, le suspens n'est pas le point fort du livre (doux euphémisme) et surtout mon côté primaire, voire primate, n'arrêtait de sussurer à l'oreille de la princesse: vas-y écarte les cuisses, qu'on en finisse!

Oui, je sais, je suis vulgaire et grossier envers une oeuvre d'une infinie beauté, envers une oeuvre où la psycholologie féminine est si finement analysée, où les affres de la passion amoureuse sont si parfaitement décrites que l'amour apparait une affaire bien trop dangereuse pour nous , pauvres humains.

Mais ce qui m'a le plus troublé dans ce livre est sa modernité, la brûlante actualité des thèmes que Mme de la Fayette évoque: c'est pour cela que chaque lycéen et chaque homme (ou femme) souhaitant assumer de lourdes responsabilités dans notre societé devrait lire ce roman.
Bien evidemment, un prof de français qui donnerait l'ordre de lire ce roman en trois semaines avec un résumé à la clef irait tout droit au fiasco (c'est ce qui a dû arriver à notre cher Sarko) mais un travail en lecture commune complété par un partage en petits groupes et surtout une actualisation des thèmes abordés devraient considérablement enrichir les élèves.

En effet, l'auteure nous présente, tout d'abord, une mère pétrie de valeurs et voulant les inculquer à tout pris à sa fille:
- qu'est ce qu'une valeur? En quoi est-elle différente d'un principe, d'une règle de vie, une valeur provient-elle forcément d'une religion, de la morale, peut- on inventer ses propres valeurs?
- sa fille absorbe ces valeurs sans critique, sans discernement: comment se distancier par rapport aux valeurs de nos parents, comment faire la part des choses?
Les valeurs de la princesse, honneur, chasteté, sont mises à rude épreuve dans un environnement hostile: la cour où de nombreuses autres femmes sont prêtes à tout pour s'élever dans l'échelle sociale
- imagine que ta valeur fondamentale soit l'honnêteté: tu joues un match de tennis important, tu sers pour la balle de match: ta balle est dehors mais ni ton adversaire ni l'arbitre ne l'ont vu, qu'est ce que tu fais ?
La princesse va se marier avec un homme rempli de qualités mais qu'elle n'aime pas. A priori, cela nous semble complètement dépassé aujourd'hui; si on se met avec quelqu'un c'est qu'on l'aime, même si c'est pas pour longtemps, est ce si vrai? N'y at-il pas d'autres raisons qui poussent les gens à se mettre en couple sans s'aimer? Fuir les parents ou de simples raisons économiques, par exemple? La princesse de Clèves est-elle beaucoup plus ringarde que nous?
Elle tombe follement amoureuse d'un autre homme mais elle résiste et va sacrifier sa vie.
-et nous, quelles sont les limites que nous mettons à nos engagements? Quand "reprend t-on notre parole? Et pourquoi? du sexe, du fric, la gloire?
Tout en étant resté fidèle, elle va avouer à son mari son amour pour un autre, aveu qui fera mourir le prince de Clèves de chagrin. Ce fameux thème de la vérité " on aura jamais de secret l'un pour l'autre, n'est-ce pas ma (mon) chéri(e)? Vérité, courage, idiotie, culpabilité?

Je pourrais encore soulever de nombreux autres thèmes tant ce roman est riche mais je sens que je commence à vous saouler et je m'excuse pour la longueur de ce commentaire mais , c'est plus fort que moi, l'amour m'a toujours inspiré*.


* Et aussi la côte de boeuf

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La princesse de Clèves aime le fringant duc de Nemours qui est passionnément amoureux de sa jeune et belle personne.

Mais l'éducation morale et spirituelle de madame de Clèves lui interdit de vivre l'amour qui la consume. Elle ne peut trahir un mari à qui elle a juré fidélité, qu'elle respecte profondément et à qui elle pense avouer son embrasement coupable. Une retenue et des scrupules qui font exception parmi les nombreuses intrigues amoureuses de la cour d'Henri II.

Madame de la Fayette nous fait suivre chaque instant des sentiments, bouillonnements et déchirements de la princesse, de son malheureux mari et du séduisant duc de Nemours. Elle fait preuve d'une remarquable finesse psychologique pour décrire leur attachement amoureux, et place son intrigue dans un contexte historique parfaitement maîtrisé. Autant de qualités qui font de ce roman une oeuvre exceptionnelle.
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93 critiques! Merci Sarko! oui, vous avez bien lu: notre inculte à talonnettes a plus fait pour la promotion de ce merveilleux livre que des générations de professeurs dévoués et que la beauté radieuse de Marina Vlady dans le film de Cocteau!

Depuis, on voit fleurir sur les boutonnières des badges "J'aime la Princesse de Clèves" , presque aussi populaires que la langue tirée des Stones, ou le "save water, bath with a friend" qui a eu ses heures de gloire dans un temps que les moins de ...tuit ans ne peuvent pas connaître!

Bref, gloire aux incultes qui ont assuré sans le vouloir la promotion de ce petit livre aigu, fouillé, premier roman classique -et non de chevalerie- , écrit par une femme qui plus est, encore empreint des foisonnements de la préciosité baroque -ah, les interminables panégyriques sur les plus belles, les plus nobles, les plus fameuses princesses qui fussent jamais venues en cette cour...-, mais qui a su néanmoins dessiner avec une fermeté toute classique les lignes de force de tous les futurs romans d'amour français.

J'entends par là: il est beau, mais volage, elle est belle mais prude, mais mariée, ils s'aiment, ça ne peut pas coller, ça ne collera jamais, ils se séparent.

L'amour passion, celui qui fait souffrir, au point qu'on se demande si on n'aime pas mieux la souffrance, qui vous rend si vivant, tout à coup, que cet amour lui-même....Voir Denis de Rougemont pour le reste...

Les scènes fortes ne manquent pas: le vol du portrait, sorte de mise en abyme, genre étiquette de Banania...On fait le portrait de la Princesse, immobile, elle voit le duc de Nemours voler ce petit portrait, et ne peut intervenir car la scène se passe dans un salon, il voit qu'elle l'a vu, et elle voit qu'il l'a vue le voir...Vertige!

Pas mal non plus, la scène de la canne qui a fait fantasmer plus d'un psychanalyste: le duc est venu épier la princesse en son château de campagne où elle a fui pour l'éviter: de nuit, il l'aperçoit qui enrubanne lascivement une canne, la sienne, oubliée lors d'une visite, qu'elle la caresse, la tourne et la retourne entre ses doigts fins, le regard brouillé, dans le simple appareil d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil...je m'égare!

Je me souviens d'une explication de cette scène, faite à la fac par un jeune étudiant boutonneux, complexé mais néanmoins plein d'audace, qui se livra à un décodage sexuel, jungien ou barthésien, d'une grande limpidité, tout en balançant fiévreusement son pied droit couvert d'une chaussette rouge, tandis que le gauche, couvert d'une chaussette bleue, restait fixé au sol, impavide (je jure sur la tête de madame De La Fayette que je n'invente rien!).

Notre aimable professeur, toujours courtois, poli, civil, d'habitude, devenait de plus en plus rouge de fureur rentrée, et quand le jeune homme eut fini ses incongruités, il éclata en anathèmes virulents contre la nouvelle critique...et ses adeptes!

Voilà un livre puissant , songeais-je sur mon banc, en réprimant à grand'peine un fou-rire (nous avions en ce temps que les moins de ...tuit ans etc.. le respect de nos professeurs et de leur autorité), un livre, dis-je, qui est capable de susciter des polémiques et des interprétations ultra-modernes trois siècles après avoir été écrit!

Je le pense toujours aujourd'hui: "Save classicism, bath with the duke of Nemours!"


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Le Prince de Clèves aime passionnément sa jeune et jolie femme La Princesse de Clèves, en revanche cette dernière n'est pas amoureuse de son mari mais lui voue un respect considérable pour l'amour qui lui porte.
Lors d'un bal donné à la cour du roi Henri II, la Princesse de Clèves et le duc de Nemours tombent passionnément amoureux.
Sans se l'avouer, ils vont vivre chacun de leur côté dans la torture car c'est amour est moralement impossible !

La raison et le coeur se bousculent pour eux et une question se pose ; doit-on suivre son coeur ou sa raison ?
Si la Princesse de Clèves écoute son coeur et laisse vivre sa passion avec le duc, ne risque-t-elle pas d'entacher sa morale voire sa réputation et surtout blesser son gentil mari.
En revanche si elle écoute sa raison, la Princesse s'évite toute culpabilité et honore son mariage, mais ne passe-t-elle pas à côté de l'essentiel...

Les 3 personnages de ce roman vont tomber dans les tourments de la passion.
La passion du Prince de Clèves ne subsiste que parce qu'il sait qu'il ne la trouvera jamais chez sa femme. La Princesse de Clèves prisonnière d'une éducation stricte et religieuse inculquée par sa mère, résiste aux avances du Duc de Nemours par culpabilité. Mais si elle ne succombe pas c'est peut-être qu'au fond elle se persuade que les amours ne durent que si l'être aimé est insaisissable ! Et si le Duc de Nemours réussit à conquérir sa belle, sa passion pour elle s'étiolerait avec le temps.

Madame de la Fayette nous plonge dans ce beau roman psychologique avec délicatesse appuyé par une analyse assez convaincante des dégâts que peut engendrer la passion. Un texte fort d'une qualité littéraire indéniable, très féminin, qui a conquis ma sensibilité et m'a tenue en haleine jusqu'au dénouement.

Mais que serait une vie sans passion, n'est-elle pas le sel de la vie !
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La Princesse de Clèves, lecture obligée de mon fils pour le nouveau Bac de Français. Tellement nouveau, le Bac, qu'on lui fait lire les mêmes livres que dans les années 80. Ainsi, sans lui en dire pour autant la raison, c'est en lui faisant lire Mme de Lafayette qu'on entend l'initier à la condition féminine. Il faut avouer que Mme de Lafayette est un personnage révolutionnaire, avec toute sa tête ! Voilà une femme qui se targue d'écrire en 1678. Allons voyons ! Une femme qui écrit, ah ah ah, la belle plaisanterie !!

Mais Mme de Lafayette écrit bien, très bien même ! Sa préciosité même ridicule, n'est-ce pas Jean-Baptiste ? est tout à fait conforme à l'époque. Elle sait construire une histoire bien mieux que certains de nos contemporains. La mise en contexte, l'incipit comme on dit, nous plonge aisément dans la vie de la Cour du Roi Henri II (par contre mon fils s'en fout) et nous hameçonne adroitement quant au destin de Mlle de Chartres. Mme de Lafayette sait guider, tromper, égarer son lecteur pour le mener vers l'inéluctable conclusion. Mais pour un peu, elle écrirait comme un homme cette femme là, mieux peut-être, après tout elle était bien placée pour connaître le coeur des femmes.

Simplement j'hésite, la condition féminine est-elle améliorée dans l'esprit de nos bambins de seize ans après cette lecture ? Pour peu qu'ils soient allés jusqu'au bout, ce qui je l'avoue, n'est pas le cas du mien, de fils, mon fils, faut suivre un peu aussi... La réponse est non, hélas non. Une femme qui écrit à cette époque cela ne les surprend pas, comment leur faire comprendre que la broderie était le seul destin envisageable ? le rang social les ennuie au plus haut point, une femme qui n'a rien d'autre à penser des ses journées que savoir si elle donnera son coeur, cui-cui ! Non seulement mon fils s'est ennuyé au point de stopper sa lecture, comptant sur un vague résumé trouvé sur le net et sur la confiance sans failles attribuée à sa mère adorée, mais le fait est que j'ai bien plus fait avancer la condition féminine dans son esprit (oui je m'aime) que l'exploit de Mme de Lafayette.
A cet âge, en 2019, comment compatir ne serait-ce qu'un instant à la condition de cette Princesse ? Même avec un peu de recul et les explications désabusées de leur professeure obligée de leur faire étudier ce livre, ils n'en comprennent pas l'intérêt (et là je les comprends), ils ne sont pas du tout impressionnés qu'une femme ait pu écrire un livre (voyez qu'on fait des progrès) mais en revanche les atermoiements sans fins, les revirements et les scrupules de cette jeune fille qu'ils éliraient volontiers Miss Cruche 1559 leur passe à plusieurs miles au-dessus de la tête.

En conclusion, j'ose prétendre même si cela devient dangereux ici, j'ose prétendre que pour défendre la condition féminine, auprès de jeunes de seize ans en 2019, avec des livres mieux que bien écrits et un talent incomparable, on aurait pu leur faire lire Simone de Beauvoir à la place car Mme de Lafayette prouve seulement - même si c'est déjà beaucoup - qu'une femme peut écrire comme un homme, même en 1678. En effet, aussi bien qu'un homme, elle est capable d'ennuyer, de navrer et de décevoir son lecteur. le plus grand danger auquel on expose nos enfants par ce genre de lecture, c'est de leur confirmer que les livres sont un truc chiant et soporifique, uniquement destinés aux adultes vieillissants qui, étant nés hier, n'ont aucune idée de leur vie à eux et de ce qui est vraiment kiffant dans la life.
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J'ai un amour certain pour le XIXème siècle en littérature, le siècle du roman avec Balzac et Zola notamment, mais aussi Dumas, ou Hugo, un siècle riche en grandes signatures. le XVIIIè reste pour moi celui des philosophes, avec Rousseau, Voltaire et Diderot. Je suis même remonté, plus rarement, au XVIème siècle, avec les histoires fantastiques de Rabelais, où la poésie d'un Ronsard ou d'un Du Bellay.

Et le XVIIème me direz-vous ? J'en connais bien sûr le théâtre (le trio Molère, Racine, Corneille) et les fables De La Fontaine. Mais je n'aurais pas forcément imaginé du roman à cette époque-là. Et comme vous l'aurez sans doute remarqué, je n'ai pour l'instant cité que des hommes. Et là nous voilà face une auteure, Madame de la Fayette. Alors que ce roman est régulièrement cité par des Babeliotes, comme une lecture scolaire, imposée rébarbative, je n'ai jamais eu de mon côté la chance de le croiser sur ma route.

Je dis chance parce que j'ai été absolument bluffé par la modernité du propos, et même du style. Il y a dans ce roman l'essentiel des thèmes qui feront les Scènes de la vie privée De Balzac, mais également une évocation saisissante de la vie de Cour. J'avais craint de retrouver les tournures un peu ampoulées qu'on a l'habitude de rencontrer chez Molière ou Racine, mais c'est sans doute la recherche de poésie, de la rime qui conduit leur style.
En effet malgré un classicisme certain, la phrase de Madame de la Fayette se parcourt aisément, sans rupture, sans retour en arrière pour saisir le sens. Alors qu'un Rabelais fait sentir tout le poids de son ancien français pour la compréhension, on se sent ici en terrain connu, pas dépaysé.

J'ai également trouvé intéressant l'utilisation du récit dans le récit qui permet à l'auteure de faire conter par certains personnages une partie des anecdotes historiques qui retracent le contexte : les histoires des femmes successives d'Henri VIII, les intrigues de Cour en France. Ces passages étaient sans doute destinés à l'époque à informer le lecteur des cachotteries des plus grands, qui ne devaient pas être aussi connues qu'aujourd'hui. C'est d'autant plus brillant que cela met particulièrement en exergue l'histoire principale de cette princesse de Clèves, coincée entre mariage raisonnable et passion interdite. A une époque où les mariages étaient systématiquement arrangés, notamment dans ces familles nobles et où les passions s'exprimaient par des relations adultérines quasiment connues de tous, le choix de l'héroïne de se tenir à ses engagements aura finalement des conséquences plus tragiques que le choix de la duplicité et de l'hypocrisie. le message est complexe, on aurait presque envie de se moquer de l'héroïne dans certains de ses entêtements, et même les contemporains trouvaient son comportement "invraisemblable" comme l'indique Marie Darrieussecq dans une préface, alors que notre époque le trouve juste "idiot". En tout cas, l'histoire fait réfléchir sur les choix d'une vie, sur la manière de les assumer ou de suivre ses envies sans les respecter.

Je disais plus haut que je n'avais pas eu la chance de lire ce roman pendant mes études. Les jeunes lecteurs auraient sans doute du mal à me comprendre, se rappelant leur peine face à l'analyse de formulations estimées "précieuses", à l'image d'un Sarkozy qui avait moqué le roman lors de sa candidature à l'élection présidentielle. Une levée de boucliers pour protéger ce classique de la littérature française avait eu lieu, à juste titre. En effet, quand je parle de modernité, c'est bien évidemment relativement à son époque, il y a 400 ans tout de même. Quand on regarde bien et qu'on observe toute l'influence qu'elle a pu avoir sur les romanciers, notamment ceux du XIXème, on ne peut qu'être admiratifs de cette époque où les romancières prenaient toutes leur place et dépeignaient si bien l'ambiance d'intrigue de la Cour du Roi Henri II.
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La Princesse de Clèves est un roman qui a révolutionné la littérature française. Publié anonymement en 1678, il fait parti des chefs-d'oeuvre de la préciosité classique. Ce livre est divisé en quatre parties avec un cadre historique bien défini : la France sous le règne d'Henri II, à la Cour des Valois. le style est agréable, la beauté de l'écriture est incontestable. Mlle de Chartres est une très belle jeune femme qui fait ses débuts à la Cour, elle est très vite courtisée par plusieurs hommes mais le Prince de Clèves étant le premier à avoir remarquer la princesse possède l'avantage. Ils finiront par se marier mais l'amour n'est pas réciproque. Madame de Clèves rencontre le duc de Nemours, elle en tombe follement amoureuse. le roman peut paraître ennuyeux au début à cause des longues descriptions de la vie à la Cour. On peut facilement être rebuté mais il ne faut pas s'arrêter pour de petits détails. Ce livre montre l'évolution des moeurs tout en gardant une certaine moralité avec le désir interdit qui va mener les personnages à la souffrance. LISEZ ce roman psychologique moderne qui est d'une grande qualité !
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Autant la lecture de "Roméo et Juliette" du grand Shakespeare m'avait laissée de marbre, autant j'ai vibré de tout mon cœur pour "La Princesse de Clèves" de Mme de La Fayette, cet autre grand drame amoureux et passionnel.

Quelle séduction irrésistible exerce notre belle langue sur le lecteur !
La relation sentimentale qui unit Mme de Clèves et M. de Nemours, et qui s'inscrit dans le contexte brillant quoique fort complexe de la Cour de France, trouve peu d'égales dans la littérature française, de par sa dimension dramatique et sa profondeur psychologique. La narration est si enlevée que j'ai souvent eu le sentiment de lire Dumas. Le combat que livre Mme de Clèves contre ses sentiments, par devoir et par vertu, a de quoi inspirer tous les poètes ; la persévérance et la fidélité du malheureux M. de Nemours - un homme pourtant si bien fait pour attirer la gloire et pour plaire à toutes les femmes - livrent quant à elles une figure d'amant peu commune qui préfigure presque le romantisme, pourtant bien plus tardif.

Le seul avertissement qui me vient à l'esprit à l'heure de recommander la lecture de "La Princesse de Clèves" est qu'il vaut mieux avoir quelques connaissances historiques sur le règne d'Henri II, au risque de se sentir un peu perdu dans l'amorce du roman.

Je conseille également vivement de découvrir la majestueuse adaptation cinématographique réalisée en 1961 par Jean Delannoy (cf. lien ci-dessous).


Challenge PETITS PLAISIRS 2014 - 2015
Lien : https://www.youtube.com/watc..
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Au XVIe siècle, à la cour du roi Henri II, la Princesse de Clèves, récemment mariée, fait la connaissance du duc de Nemours et il se produit entre eux ce que l'on appelle aujourd'hui un « coup de foudre ». D'un côté, Monsieur de Nemours est un séducteur à la beauté irrésistible et de l'autre Mme de Clèves est très attachée au respect de ses devoirs matrimoniaux. Ce roman à l'histoire simple mais ô combien puissante est le premier roman d'analyse psychologique de l'Histoire de la littérature.

La profusion de verbes conjugués fait qu'au fil des pages chaque phrase palpite de vie, frémit d'inquiétude, brûle de désir ou est mortifiante de désespoir. Les moindres soubresauts de l'âme de Mme de Clèves sont passés au crible avec une acuité et un raffinement dans l'analyse tels qu'on pourrait croire cette histoire authentique tant elle vibre d'une sincérité que l'on ressent viscéralement.

Il n'est pas facile de bien entrer dans ce livre qui requiert de grands efforts de concentration. le plaisir est cependant à la mesure de l'effort.

Mme de la Fayette y peint admirablement les rudesses de la vie à la cour où il est difficile pour Mme de Clèves de concilier la dissimulation de ses sentiments avec les transports de joie que font naître la vue et la compagnie de l'être désiré ; un être désiré malgré soi avec une inclination irrépressible qui brouille le jugement.

Cependant Mme de Clèves parvient à réfréner sa passion, contrairement au duc de Nemours qui saisit toutes les occasions de se trouver en sa présence, croiser son regard et converser avec elle. Il éprouve ainsi sa résistance et la jette dans des affres vertigineuses. Ne pouvant la fléchir, il dépérit, vit avec un vague à l'âme et finit par ne plus s'intéresser à aucune autre femme.

Le livre est ponctué de moments de grande intensité où l'on tremble pour ces êtres soumis à la rigidité et à la cruauté du fonctionnement de la cour qui, machine implacable, peut broyer en un éclair un gentilhomme ou une dame que la force de sa passion a poussé(e) à découvrir le point le plus vulnérable de son être au risque de se compromettre définitivement.

Mme de la Fayette évite les écueils de la monotonie en entrecoupant son histoire de péripéties savoureuses comme le quiproquo avec le Vidame de Chartres et relate la joute qui fut fatale au roi.

La princesse de Clèves exprime aussi l'obéissance scrupuleuse aux devoirs de la morale religieuse qui font de Mme de Clèves une sainte de la littérature, ce qui confirme qu'il s'agit bien d'un roman.

Cette histoire, vue avec les yeux des lecteurs de ce début de XXIe siècle, peut donner envie de sourire. Il faut pourtant tenir compte de l'époque à laquelle elle appartient. Elle nous permet d'en voir les moeurs tout en faisant vibrer chez le lecteur d'aujourd'hui les fibres immuables de ce qui fait de nous des êtres humains.
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La Princesse de Clèves (IV Partie)

Quand elle commença d'avoir la force de l'envisager, et qu'elle vit quel mari elle avait perdu, (...)______ qu'elle eut pour elle−même et pour monsieur de Nemours ne se peut représenter.

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