Le prix de la vie augmente mais l'homme diminue. L'infini lui fait peur. Il érige des murs avec les corps assassinés. A toute heure du jour , j'avance dans la glaise des mots. Les mots n'ont pas d'horaire. Le rêve ne meurt pas. Les symboles résistent aux chiffres des comptables. Dans la forêt d'images ni l'épée ni l'épieu mais la tache d'encre a remplacé la hache. Je reste qui je suis. Je n'écris pas comme on cire ses chaussures. Je rafistole les trous de semelle avec des mots de cuir, du gros fil à bateau, des rustines en voyelles. J'entre dans les bois comme dans un sanctuaire. Il n'y a pas de tronc pour les pauvres mais je laisse des noix, des miettes de pains, des mots. Il n'y a pas de cierges mais le chant des oiseaux. Il n'y a pas de saints, de statues, mais il y a une âme. Une langueur fiévreuse flotte sous le couvert des branches. Tout n'est que boue et eau, humus métaphorique, oxymores échevelés et métaphores en friche. Je marche parmi les fées et les bêtes invisibles. Ma force est de garder espoir quand tout s'écroule autour de nous. Le bonheur n'est pas un but. Le bonheur est un droit.
Je t’aime déjà toujours
Ton sourire est comme l’eau sur le sable trop chaud. Dans les églises de
mon rêve, tes seins ont remplacé les saints. Il y a des mots qui se
mélangent à l’air, tes images pollinisent mes yeux. Tu arrives en plein
centre de moi, dans cette cible en moi où explose l’abîme. Le vent se
lève et caresse la mer. La pluie avive les feuillages. Ma main n’est plus
aveugle. Ses lignes de vie recommencent à germer. Autrefois, bien
avant d’être né, je t’aimais déjà. Je t’offre à l’infini la prière du monde.
C’est toujours un miracle quand deux corps se mélangent et bordent
l’absolu. Les bras sont un abri qui protège le cœur. Derrière chaque
mot, chaque pas, chaque parole, je m’adresse à toi. La moindre image
est une petite plante que j’arrose pour toi. Si mes bras sont trop courts,
j’enlacerai de mots chaque côté de toi. Si le temps est trop long,
j’arracherai les jours sur le calendrier. Où les vagues s’arrêtent, je me ferai
de sable. Je me ferai montagne au bout de la vallée. Je me ferai
nuage par-delà l’horizon. Je me déshabille dans mes phrases pour
coucher avec toi.
Je n’ai jamais goûté ma saveur avant toi. Tu goûtes ma parole. Mes
deux mains te saluent. Elles portent à chaque doigt un baluchon
de caresses. Mes deux bras te prolongent. Tes yeux ouvrent pour moi des
images nouvelles. Ton nom porte pour moi le sens du mot vie. Je t’aime
déjà toujours.
L'immensité des nuages agrandit chaque phrase. Toutes les saisons se croisent sur la page. Les arbres en été ont les chevilles qui enflent, la tête pleine de sève, les bras chargés de fruits. Ils s'étirent le cou comme des bêtes assoiffées et boivent la lumière. La terre porte en son ventre l'avenir des plantes. La rivière n'en finit plus d'être parole. L'herbe se lit comme un grand livre ouvert avec son alphabet d'insectes, ses lèvres de verdure. L'épaule des collines accueille l'horizon. Les yeux du vent retroussent toutes les jupes. Même les vieux troncs ont l'air de fillettes en fleurs.
Ecrire, c’est habiter la terre, chaque couleur, chaque rayon de soleil, chaque grain de poussière. L’air se forme et se déforme, laissant de grands vides pour les remplir de rêves. Je m’invente un herbier avec la nostalgie de ce qu n’est pas là. L’espace ressemble au ciel et le temps aux nuages. Chaque seconde se compose un visage. J’ai besoin de si peu pour toucher l’infini, quelques pas sur la neige, le chant d’une gouttière, un bout de laine à décrire. Je laisse entrer la vie pour entrer dans la vie.
Je me perds dans les raisons d'être. Je me retrouve dans le délire de vivre.