Jean-Marc La Frenière4/5
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Un Feu Me Hante
Résumé :
« Chez nous, le ventre du pays est un fleuve à marée haute. Des Grands Lacs à l’estuaire, je le remonte sur le canot des mots. Je me confonds avec les Bois-Francs, la neige, les érables, avec l’air et le feu. J’écris, en marchant, avec tout ce qui m’entoure : des cailloux, des bouts de bois, des billes, des graffitis sur le givre. Je me laisse écrire par le paysage. »
Un feu me hante est une suite à Manquablement et Parce que.
Un feu me hante
Si je n'ai plus de bouche, je parlerai quand même, avec mes pieds, avec mes yeux, avec mes poings, avec mes ongles sur les murs, avec mes doigts aveugles dans le braille des jours. Si les bêtes me dévorent, je parlerai par elles. Je serai l'os sonore dans la gueule du silence. Un feu me brûle et me hante. On ne peut pas tenir en laisse un cœur qui prend feu. Si je perds mes mots, je parlerai quand même dans une langue inconnue. J'ai perdu la raison entre l'écorce et l'arbre. Le soleil fait briller les coquillages de mes doigts. Je griffe l'ombre à la lumière de mes ongles. Quand l'étoffe des métaphores est cousue de fil blanc, je tire sur le fil. Chaque parcelle de profit cache une arme. Plus on achète, plus on vend ; plus d'enfants meurent sous les bombardements, plus le cœur en arrache, plus la matière écrase la porcelaine de l'âme. J'écris d'où les bombes surgissent, d'où les enfants ont faim, d'où les hommes trébuchent sur leurs propres lacets. Je lègue mon stylo aux pages qu'on rature. Il est blessé de mots et d'images un peu folles. Son encre sèche mal comme une femme battue, une fleur qu'on piétine, un tapis de prière chargé de dynamite. Je nourris la terre. Je nourris la graine. Je nourris l'oiseau. Je nourris le ciel d'une purée de mots.