C'est au cri de "Harloup ! Harloup", sur une course effrénée, sur une chasse tumultueuse et bruyante qui verra la fin d'un vieux loup gris de la forêt du
pays d'Ouche, que s'ouvre ce roman de Jean de la Varende.
C'est Georget, un enfant de onze ans qui mène la traque.
C'est Mr le comte de Mantes, un gentilhomme désargenté, qui, avec son fusil, le fameux "Armand" que lui a donné, jadis, le prince Napoléon à Prangins, a abattu la bête.
Tous deux vivent à la Louvardière.
Les hommes du marquis, Matlaw le chef "piqueu" et son second, ont sonné l'Hallali.
La Louvardière et le château de la Bare ne sont pas très éloignés l'un de l'autre.
Mais entre, il y a la forêt, une de ces forêts normandes si vastes...
"Comment qu'il est, c'marquis de la Bare ?"
Il n'est pas commode. C'est un homme d'un autre âge. Mais il est juste.
Et n'a point la main fermé pour les humbles.
Il a perdu son fils aîné, Manfred, tué par les rouges, il y a huit ans , dans la grande "commune" de Paris.
Et l'autre, Gaston, qui s'était fait prêtre, missionnaire en Afrique, vient de mourir...
A la Louvardière, Georget rejoint les siens - sa mère, Fanny, une belle, fière et jeune femme qui a épousé, à la mort de son premier mari, Aubert, un petit maître des forges retiré des affaires et vivant sur ses propriétés.
Aubert est un homme bon, vieillissant. Il a, autrefois, défendu Fanny lorsque sa belle-famille la pillait, la poursuivait. Il l'a recueillie lorsque, Georget, arrivant, elle était à bout de force, à bout de courage...
Mr de Mantes est leur ami....
C'est un beau roman que nous offre
Jean de la Varende.
Un récit, assez lent, très profond où l'essentiel est la relation entre les personnages.
Un mystérieux passé, parsemé de malheurs, de rancune, de deuils et de larmes, semble s'ériger entre les habitants de la Louvardière et le maître du château.
Un terrible secret semble avoir scellé leur destin.
Les personnages, hauts en couleur, sont magnifiquement peints.
Le petit Georget est aussi à l'aise, à cheval sur son "hurtu*", au milieu de la forêt avec comme compagnon Perdreau et sa bande de charbonniers qu'au château où, devenu l'hôte du marquis, il devise et s'attarde devant les anciennes armes...
D'une belle écriture, très fine,
Jean de la Varende raconte avec précision.
Il aime à s'attarder sur ses personnages, sur les émotions, sur les paysages.
L'élégance de sa littérature ne souffre aucune précipitation.
Chaque phrase semblant y avoir été longuement mûrie, ce livre se lit avec lenteur et beaucoup de plaisir.
* petit cheval, appelé vulgairement parfois "cheval de sac", qui permettait le transport, en Normandie, du matériau des forges. Il aurait disparu vers la fin du XIXème siècle.