Apres un court silence, Dennis dit :
— Je ne me rappelle plus, tu es en quelle année ?
— Troisième.
— Et tu étudies quoi ?
— La glandouille.
— Avec le sarcasme en option ?
— Non, dans cette matière je suis déjà diplômée.
— Je n'ai aucun mal à te croire.
C'est un avantage quand tu es un boudin. Les gens t'aiment pour toi, pas pour ton physique.
Dans un coin de la pièce j'avise un plaid en cashmere plié dans un panier. J'en couvre Célia, puis j'éteins la télévision et sors. Je songe aussi à eteindre la lumière puis je me ravise. Elle risque d'avoir peur si elle se réveille dans le noir. Or quelquechose me dit que Célia est le genre de gosse qui s'effraie facilement. Si seulement elle pouvait dormir jusqu'au matin. Combien d'heures dort un enfant de son âge? J'ai un vague souvenir d'Alicia se plaignant que Célia ne dormait jamais quand elle était bébé. Mais depuis elle a grandi, peut-être qu'elle dort douze heures par jour, ce qui occuperait cinquante pour cent de son temps. Il ne me resterait donc plus que douze autres heures à meubler. En supposant qu'elle regarde la télé pendant deux heures et que Rosivel soit présente pendant huit heures...
Je me hais. Je suis minable.
- Là tu te goures. Les femmes aussi peuvent te briser le coeur.
-ça, je sais, dit-elle, mais quand une femme te quitte, elle a une raison. Elle te quitte pas pour découvrir d'autres horizons. C'est vraiment un truc de mec qui pète de trouille à l'idée de passer à côté du coup du siècle.
On ne peut pas aider autrui à guérir quand on est soi-même dans la souffrance.
On ne peut pas aider autrui à guérir quand on est soi-même dans la souffrance.
C'est un avantage quand tu es un boudin. Les gens t'aiment pour toi, pas pour ton physique.
Au bout du compte, je parviens à rendre à la cuisine un visage un peu moins apocalyptique. Vidée, je me laisse choir sur une chaise. Je suis en nage et je souffle comme un bœuf.
_ Alors qu'est ce que tu veux manger ?
_ Rien du tout ! Me beugle-t-elle dans les oreille. J'ai pas faim ! Je te déteste !
_ D'accord, si c'est comme ça, tu vas au lit.
_ Je veux pas me coucher, je suis pas fatiguée !
_ C'est ce qu'on va voir.
Je la soulève, la porte jusqu'à la chambre et la largue sur le lit. Plus tard, pendant la nuit, je me rappellerai la brusquerie de mes geste et je me sentirai coupable, mais pour l'heure je n'en ai rien à battre.
_ Si tu refuse de dîner, reste dans ton lit jusqu'à ce que tu t'endormes.
L'idée n'est pas des plus brillantes. Elle est vannée, c'est vrai. Mais il est à peine six heure et d'ordinaire elle ne se couche qu'aux environs de huit heures. Ce qui me laisse une longue plage de temps pendant laquelle Célia rugit et sanglote, veut quitter son lite et se fait repousser manu militari sous mes hurlements hystériques.
A la fin, je suis tellement laminée par cette scène que je lui dis :
_ Et puis merde, va regarder la télé. Fais ce qui te chante, j'en ai rien à secouer. Mais je ne veux plus t'entendre.
Sur ce, je tourne les talons et sors.