Le faucon

Pense à moi quand j'avais quatre ans sur tes épaules, qu'y avait un vent chaud d'été, pense que tu m'as protégé c'jour-là et que, rien qu'pour c'te jour-là, rien qu'pour ces heures-là où tes mains tenaient mes pieds où ta tête était douce et chaude, rien qu'pour ça t'es t'une merveille pour quelqu'un pour toujours.
T'as p'tète rien qu'faite des erreurs après, on s'en sacre toué deux, on s'en fiche. T'as réussi ça: t'as donné l'goût du vent pis du ciel à un p'tit enfant, ton enfant. Même si tu l'as jamais vu voler, c'est pas grave. Même si tu pourras jamais seulement croire qu'y vole, c'est pas grave. Tu tenais ses pieds dans tes mains, y était sur tes épaules comme un roi pis y respirait tes cheveux en ayant l'impression de tenir le monde entier dans ses mains. C'est ça qu'tu y a donné. Ca fait qu'y t'dit merci, pis oui, c't'enfant-là a eu un père. Pas longtemps, c'est vrai. Pas tout l'temps, c'est vrai, mais y a tenu sa tête dans ses mains assez longtemps pour apprendre qu'y avait des mains et qu'y existait des choses douces à toucher. J't'en prie, j'ten prie, oublie-le pas, oublie-le pus jamais. Parce que j'pourrai pas revenir te l'dire. Salut mon père.