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EAN : 9782917084281
161 pages
Attila (17/03/2011)
3.33/5   6 notes
Résumé :
Des rumeurs de guerre civile sèment la panique dans un village de montagne. Des clans commencent à se former, mais les tensions convergent toutes vers Braulio, l'usurier, qui s'est rempli les poches avec l'argent des uns et des autres. Une chasse à l'homme s'engage, dans une nature desséchée par un soleil de plomb, où chacun laisse libre cours à la violence et au fanatisme.
Marqué par l'Aragon, ses odeurs, ses couleurs, sa rudesse, et par les souvenirs de la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Quel est cet homme dont la voix plaintive et désespérée s'élève au coeur de la montagne comme une éternelle lamentation à la face du soleil cognant impitoyablement sur ce bout de terre ? C'est Braulio, l'usurier du village, ligoté à un arbre, dans l'attente d'une mort imminente. Il s'adresse moitié à lui-même, moitié à sa mule, sa fidèle compagne, attachée elle aussi comme son pauvre maître, « tous deux serrés l'un contre l'autre, unis étroitement à la mort prochaine qui approche à travers bois, à pas menus, doucement ». Sous le ciel impassible, la soif tenaille et torture, « la bouche devient pâteuse, se change en boue, commence à crisser comme une vieille porte que l'on ouvre après des années de silence et d'abandon ».
Déjà, avec l'annonce de l'exécution du maire Longares, cette soif « qui emplit de sang tous les mots » couvait au village. Ce n'était pas la soif d'eau claire de Braulio aux poings liés, c'était une soif de vengeance et de représailles, une soif de vindicte populaire ou personnelle, naît de rancoeurs passées, d'humiliations subies, de rivalités anciennes et de haines rentrées, prêtes à inonder les rues comme une crue emporte tout sur son passage.
Un ferment fétide que les rumeurs de guerre civile, les tensions et la peur avaient fini par faire lever, gonfler et éclater dans un déferlement de colère et d'hostilité dont l'usurier serait l'un des boucs émissaires. Ils lui feraient payer ses reconnaissances de dettes, son grenier plein du blé des paysans endettés, sa besace pleine d'argent !
La chasse à l'homme avait commencé…

S'il nous est inconnu en France, José Antonio Labordeta (Saragosse 1935-2010) est extrêmement populaire en Espagne et notamment dans sa région d'origine, l'Aragon, où il est considéré comme l'une des personnes les plus emblématiques des dernières décennies, d'abord par son implication dans la lutte antifranquiste des années 1960-70 puis par ses prises de positions politiques et enfin par sa volonté de promulguer l'identité culturelle de cette province sauvage de l'Espagne.
Professeur d'histoire, journaliste, politicien, auteur-compositeur-interprète, poète, romancier…sous cette multitude d'activités se cache un homme haut en couleur et passionné qui n'a cessé de lutter pour la liberté, l'égalité entre les peuples et les droits de l'homme ; une sorte de Brassens espagnol aux poèmes et chansons engagés.
Traduit pour la première fois en France, c'est le Labordeta romancier que l'on découvre avec « Dans le tourbillon », un texte puissant, à la poésie sombre et hypnotique, qui nous met face à ce que l'homme incarne de plus mauvais lorsque la peur et les ressentiments l'animent.
Dans ce petit village de montagne, où tout le monde se connait, où hier encore chacun se parlait, se saluait ou s'invitait à table, une véritable déferlante de violence va se déchaîner, entraînant chasse à l'homme, exécutions sommaires, vengeance et brutalité.

Roman incantatoire comparé à la prose envoûtante de Faulkner, « Dans le tourbillon » est un texte fragmenté, à la chronologie éclatée, qui se construit au gré des éclats de voix et des monologues intérieurs des personnages. C'est Braulio qui « s'abandonne au désespoir, avec l'amère saveur de l'air dans sa gorge desséchée », c'est Longares qui, à l'heure de la mort, comprend « que les mots de pèsent rien face aux faits, que le sang noie le dialogue et que l'espoir se perd dès les premières questions, les premières accusations », c'est Severino et sa certitude erronée que la Loi dorénavant c'est lui et que son vieux pistolet sera à même de la faire respecter, c'est Pascual fuyant dans la montagne avec le maréchal-ferrant, c'est le colporteur, c'est Dolorès, c'est le père Rogelio… c'est tout un village qui s'embrase dans un maelström de sauvagerie et de férocité dont les villageois ressortiront hébétés, troublés, à jamais changés. « Je n'arrive pas encore à comprendre comment on a pu se jeter sur eux, comment on a pu tirer à tout-va, comment on a pu les laisser sur le carreau sans aucune autre forme de procès, puis filer. La haine nous tordait-elle les tripes au point d'en arriver là ? Je ne comprends pas, je n'arrive pas à comprendre. »

Avec ce roman frénétique dans lequel l'être humain se transforme en forcené assoiffé de sang, Labordeta nous démontre, sans jamais prendre parti, que « l'homme est un loup pour l'homme ». Pourtant - et c'est là tout le sentiment trouble et amer qui en résulte pour le lecteur - personne n'est vraiment ni tout noir, ni tout blanc, chacun a ses arguments à défendre, chacun lutte à sa manière pour défendre ses opinions, il n'y a ni bons, ni mauvais, seulement des hommes animés par la haine et transformés en bêtes pendant quelques jours.
L'intéressante postface nous apprend que l'auteur s'est inspiré d'une tragédie authentique qui s'est déroulée pendant la guerre civile dans un petit village d'Aragon. En ne donnant ni indication de lieu, ni de temps, Labordeta se démarque de la simple narration du fait réel et donne ainsi à son récit une universalité qui sonne comme une mise en garde et une exhortation. Oui, cela s'est produit et se produit hélas encore en d'autres lieux, lorsque l'homme laisse la haine guider ses pas.

Une très belle découverte qu'offrent là les éditions Attila, agrémentée qui plus est des magnifiques dessins à la mine de graphite de l'espagnole Paz Boïra qui soulignent l'obscure poésie de ce texte éprouvant à la sombre beauté.

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c'est sûr ça tourbillonne et l'écriture est intéressante en particulier les incises qui sont des pensées ou paroles d'un personnage, pas celui qu'on accompagne à ce moment là. mais très très noir et glauque
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