La peur peut vous paniquer, vous aveugler. Elle peut aussi accélérer vos sensations, aiguiser vos réflexes.
La rivière de la déception... C'était un joli nom, trouvé peut-être aussi par les chercheurs d'or qui l'avaient fouillée en vain, et avaient perdu toute illusion après des mois et des mois à la poursuite de la pépite et de la fortune. La chanson de l'eau sur les roches et sur les galets poreux était devenue celle des jours de famine, du tamis vide, des retours, têtes basses, vers les vallées où les attendait, sans commisération, le banquier qui leur avait fait crédit et à qui ils n'apportaient que des sacs vides et des rochers dépourvus de tout or.
Derrière le bâtiment, de l'autre côté de la 46, s'étendaient à perte de vue des hectares de colza -- un colza géant à tige haute et aux fleurs abondantes.
Cela ressemblait à une mer jaune vif, sous un ciel haut et blanc. Les terres plates, les terres sans fin de l'Indiana, avec leur imperceptible ondulation, et l'amorce au large, du dôme métallique d'un silo, et le vide -- un vide baigné de jaune reposant sur une base pâle et verdâtre, cette impression de dépaysement entier, de n'être nulle part, et d'avancer dans les fleurs, la main dans la main de la fille Clarke, comme au ralenti, parce qu'il n'y avait aucun chemin, aucun repère, et que notre seul but était de nous éloigner de la baraque Greyhound pour n'être vus de personne et nous noyer dans le jaune afin de nous y aimer.
C’était beau, parce que c’était immaculé. Parce que rien n’avait entamé ces espaces, ces montagnes, cette infinie verdure. Pour reprendre une émouvante phrase de la légende du peuple Apache, « la terre était comme neuve ». La terre, et le ciel.
Nous sentions aussi l'impalpable trace des animaux de la nuit -- les rats de rivière, les écureuils, un coyote -- ils étaient passés par là, pas loin de nos tentes, pendant notre sommeil et nous ne le savions pas, et pourtant nous étions troublés par leur mystérieuse proximité.
Quel était ce pays où les amours pouvaient se faire et se défaire en l'espace d'une révolution solaire ? Ce pays s'appelait la route américaine, et j'en étais devenu l'un des habitants provisoires.
"Dois-je me sentir insultée parce que on admire mes pieds nus comme un objet sexuel ?Mes orteils sont-ils donc le seul pôle d'attraction de mon corps ? Et d'ailleurs vous ai-je jamais attiré physiquement? Et si oui,pourquoi n'avez-vous pas haleté comme le docteur Cidre de Pomme? Je ne suis pas à proprement parler un laideron. J'aurai vingt ans dans quelques jours. Mes cheveux repoussent et j'ai le teint hâlé, tonique, net et chic.Qu'attendez-vous pour sortir de vos fôrets et venir enfin me séduire? Ecrivez-moi."
J'avais vu alors qu'il croyait que je dormais, son regard extatique et lubrique posé sur mes orteils, et je n'avais pas oublié l'extrême rougeur qui l'avait envahi lorsque je l'avais démasqué.Il ne pouvait s'empêcher de jeter encore des regards brefs vers l'extrêmité de mes jambes nues.et je sentis qu'il hésitait et qu'il aurait fallu bien peu de choses pour qu'il se jette dessus et me les baise ou me les lèche, quelle horreur! Nous avions laissé pénétrer dans nos murs,en pleine île de Nantucket, un redoutable FETICHISTE- un adorateur de pied., secte dépravée s'il en fut.
En la voyant, vous auriez d'abord envie de la protéger, mais dès que vous l'écoutiez, vous étiez saisi par le désir de la posséder. Peut-on tomber amoureux d'une voix ?
Dois-je vous envoyer quelques tonnes de cette chose atroce et primitive mais néanmoins gouleyante que j'ai découverte et qui fait l'essentiel de mon alimentation et que l'on intitule saucisson?