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Jacques-Alain Miller (Éditeur scientifique)
EAN : 9782020047272
374 pages
Seuil (01/02/1978)
4.8/5   5 notes
Résumé :
J'ai trouvé à votre usage une très curieuse ordonnance de 1277. A ces époques de ténèbres et de foi, on était forcé de réprimer les gens qui, sur les bancs de l'école, en Sorbonne et ailleurs, blasphémaient ouvertement pendant la messe le nom de Jésus et de Marie. Vous ne faites plus ça. J'ai connu quant à moi des gens fort surréalistes qui se seraient fait pendre plutôt que de publier un poème blasphématoire contre la Vierge, parce qu'ils pensaient qu'il pourrait q... >Voir plus
Que lire après Le séminaire, livre II : Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse (1954-1955)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le deuxième séminaire de Lacan, dans la continuité du premier, traitera du moi dans un nouveaux de ses aspects. Alors que les leçons de l'année précédente envisageaient le moi par rapport au transfert, cette nouvelle série de conférences aborde le moi par rapport à l'ordre symbolique en particulier – et donc, par ricochets, par rapport aux ordres qui lui sont nécessairement rattachés, sans la moindre priorité hiérarchique, du réel et de l'imaginaire.


« Un des ressorts, une des clés de la doctrine que je développe ici, c'est la distinction du réel, de l'imaginaire et du symbolique. J'essaie de vous y habituer, de vous y rompre. Cette conception vous permet d'apercevoir la confusion secrète qui se dissimule sous cette notion d'objet. Cette notion d'objet est en effet sous-tendue par la confusion pure et simple de ces trois termes. »


Lacan applique aux textes de Freud la méthode psychanalytique dont il fut le théoricien. « C'est une loi fondamentale de toute saine critique que d'appliquer à une oeuvre les principes mêmes qu'elle donne elle-même à sa construction. » Lacan, analyste du discours freudien, lecteur attentif de Freud, poursuit l'oeuvre de ce dernier en interrogeant les points de butée de son oeuvre.


Bien obligé de s'inscrire dans une tradition philosophique pour se faire comprendre du plus grand nombre, Freud ne put dès l'abord que se risquer à converger vers l'idée commune de l'équivalence du moi et de la conscience. Mais ses travaux se poursuivant, Freud commence à avouer dans ses textes que cette hypothèse ne colle pas aux faits d'expériences.


« Nous nous trouvons là pour la première fois avec cette difficulté qui se reproduira à tout bout de champ dans l'oeuvre de Freud – le système conscient, on ne sait pas quoi en faire. Il faut lui attribuer des lois tout à fait spéciales, et le mettre en dehors des lois d'équivalence énergétique qui président aux régulations quantitatives. Pourquoi ne peut-il se dispenser de le faire intervenir ? Qu'est-ce qu'il va en faire ? A quoi sert-il ? »


Dans le passage de la première à la seconde topique, dans la conceptualisation de l'instinct de mort, en lien avec la répétition, Freud repère un reste qui ne coïncide pas totalement avec le moi. En ce domaine, sa découverte majeure serait de nous apprendre que le sujet est excentré par rapport à l'individu. « Je est un autre » disait Rimbaud. Mais l'autre n'est pas un je – ni un tu. Ici gît la radicalité que Freud a cherché à rendre vivante par la conceptualisation de l'instinct de mort. Radicalité insupportable, bientôt émoussée par l'éternelle notion du moi comme champ de conscience, tendant à résorber le savoir analytique dans la psychologie générale.


« Je est un autre » ne signifie pas seulement que moi pourrait être un autre moi mais que moi fonctionne sous l'emprise d'un radicalement autre. C'est la raison pour laquelle toutes les thérapies comportementales et toutes les psychologies du renforcement de l'ego n'ont qu'un champ d'efficacité réduit, bien que variable selon les personnes. le moi ne peut véritablement modifier les coordonnées à partir desquelles il se situe dans la réalité sans qu'il ne soit percuté par le sens. Porté par l'ordre symbolique, le sens est instinct de mort lorsqu'il n'est pas mais qu'il insiste pour être, et il tend au réel sans s'y confondre.


« Je est un autre » s'enorgueillit le discours dominant, mélange de technolâtrie à visée scientiste et marchande, préférant ignorer la radicalité de cette formule pour servir le renforcement imaginaire des attributs du moi qui, parce qu'il jouit un jour de se penser femme plutôt qu'homme (transgenrisme), surhumain plutôt que mortel (transhumanisme), altruiste plutôt que suiveur (covidisme), continue d'ignorer la loi qui préside aux choix de mauvaise foi, c'est-à-dire à ceux qui dénient nos limitations naturelle (être figé dans un sexe, être mortel, être seul responsable de soi-même). le moi peut aussi être un paquet d'autres conneries dont les incidences sont vénielles et qui participent de l'heureuse folie de ce monde. le moi ne commence à devenir inquiétant qu'à partir du moment où il cesse de se reconnaître comme bouffon pour se prétendre maître du gouvernail. le moi est tout entier pris dans des coaptations imaginaires, dont les mécanismes sont décrits de façon convaincante dans le premier séminaire, le portant à ignorer que « quand je veux du bien à quelqu'un, je lui veux du mal, que quand je l'aime, c'est moi-même que j'aime, ou quand je crois m'aimer, c'est à ce moment précisément que j'en aime un autre ». L'objectif de l'exercice dialectique de l'analyse consister à dissiper cette confusion imaginaire, et de restituer au discours son sens de discours. A ce jeu, « il s'agit de savoir si le symbolique existe comme tel, ou si le symbolique est seulement le fantasme au second degré des coaptations imaginaires. C'est ici que se fait le choix entre deux orientations de l'analyse. »


Tandis que la psychologie vise à intégrer la signification d'un symptôme dans l'imaginaire (relatif au moi), la psychanalyse découvre l'insuffisance de ce procédé en raison de l'inertie propre à la structuration même de l'imaginaire. le rapport du sujet (qui n'est pas le moi) à la réalité se révèle de la déhiscence du moi à travers la relation, dans le transfert, au quasi non-être de l'analyste.


« Tout le progrès de l'analyse, c'est le déplacement progressif de cette relation, que le sujet à tout instant peut saisir, au-delà du mur du langage, comme étant le transfert, qui est de lui et où il ne se reconnaît pas. Cette relation, il ne s'agit pas de la réduire, comme on l'écrit, il s'agit que le sujet l'assume à sa place. L'analyse consiste à lui faire prendre conscience de ses relations, non pas avec le moi de l'analyste, mais avec tous ces Autres qui sont ses véritables répondants, et qu'il n'a pas reconnus. Il s'agit que le sujet découvre progressivement à quel Autre il s'adresse véritablement, quoique ne le sachant pas, et qu'il assume progressivement les relations de transfert à la place où il est, et où il ne savait pas d'abord qu'il était. »


L'homme échappe à l'ordre des machines dites intelligentes dont les messages se constituent d'une série binaire. « Ce qui dans une machine ne vient pas à temps tombe tout simplement et ne revendique rien. Chez l'homme, ce n'est pas la même chose, la scansion est vivante, et ce qui n'est pas venu à temps reste suspendu. » L'homme arrive au monde et s'intègre dans un discours qui le précède et qui le constitue sans qu'il n'en sache la signification, lourd des suspensions des êtres qui auront commencé à le constituer, et qu'il devra poursuivre, poussé par une nécessité qui pourrait n'avoir pas de sens, s'il ne l'interrogeait pas. « Ce qui insiste pour être satisfait ne peut être satisfait que dans la reconnaissance. La fin du procès symbolique, c'est que le non-être vienne à être, qu'il soit parce qu'il a parlé. »
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
[originalité de la pensée apportée par Lévi-Strauss avec la structure élémentaire]

Il met de bout en bout l’accent sur ceci, qu’on ne comprend rien aux phénomènes collectés depuis longtemps concernant la parenté et la famille, si on essaie de les déduire d’une dynamique quelconque naturelle ou naturalisante. L’inceste comme tel ne soulève aucun sentiment naturel d’horreur. [...] Il n’y a aucune déduction possible, à partir du plan naturel, de la formation de cette structure élémentaire qui s’appelle l’ordre préférentiel.
Et cela, il le fonde sur quoi ? Sur le fait que, dans l’ordre humain, nous avons affaire à l’émergence totale englobant tout l’ordre humain dans sa totalité – d’une fonction nouvelle. La fonction symbolique n’est pas nouvelle en tant que fonction, elle a des amorces ailleurs que dans l’ordre humain, mais il ne s’agit que d’amorces. L’ordre humain se caractérise par ceci, que la fonction symbolique intervient à tous les moments et à tous les degrés de son existence. [...]
La totalité dans l’ordre symbolique s’appelle un univers. L’ordre symbolique est donné d’abord dans son caractère universel.
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L’inconscient échappe tout à fait de ce cercle de certitudes en quoi l’homme se reconnaît comme moi. [...]
Voilà le registre où ce que Freud nous apprend de l’inconscient peut prendre sa portée et son relief. Qu’il ait exprimé cela en l’appelant l’inconscient le mène à de véritables contradictions in adjecto, à parler de pensées [...] inconscientes. Tout cela est terriblement embarrassé parce que la perspective de la communication, à l’époque où il commence à s’exprimer, il est forcé de partir de l’idée que ce qui est de l’ordre du moi est aussi de l’ordre de la conscience. Mais cela n’est pas sûr. S’il le dit, c’est en raison d’un certain progrès de l’élaboration philosophique qui formulait à cette époque l’équivalence moi = conscience. Mais plus Freud avance dans son œuvre, moins il arrive à situer la conscience, et il doit avouer qu’elle est en définitive insituable. Tout s’organise de plus en plus dans une dialectique où le je est distinct du moi.
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L’homme contemporain entretient une certaine idée de lui-même, qui se situe à un niveau mi-naïf, mi-élaboré. La croyance qu’il a d’être constitué comme ci et comme ça participe d’un certain médium de notions diffuses, culturellement admises. Il peut s’imaginer qu’elle est issue d’un penchant naturel, alors que de fait elle lui est enseignée de toutes parts dans l’état actuel de la civilisation. Ma thèse est que la technique de Freud, dans son origine, transcende cette illusion qui, concrètement, a prise sur la subjectivité des individus. La question est donc de savoir si la psychanalyse se laissera aller tout doucement à abandonner ce qui a été un instant entrouvert, ou si au contraire elle en manifestera de nouveau, et de façon à le renouveler, le relief.
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Qui est Socrate ? C’est celui qui inaugure dans la subjectivité humaine ce style d’où est sortie la notion d’un savoir lié à certaines exigences de cohérence, savoir préalable à tout progrès ultérieur de la science comme expérimentale [...]. Eh bien, au moment même où Socrate inaugure ce nouvel être-dans-le-monde que j’appelle ici une subjectivité, il s’aperçoit que le plus précieux, l’arétè, l’excellence de l’être humain, ce n’est pas la science qui pourra transmettre les voies pour y parvenir. Il se produit déjà là un décentrement – c’est à partir de cette vertu qu’un champ est ouvert au savoir, mais cette vertu même, quant à sa transmission, sa tradition, sa formation, reste hors du champ. C’est là quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête, plutôt que de se précipiter à penser qu’à la fin tout doit s’arranger, que c’est l’ironie de Socrate, qu’un jour ou l’autre la science arrivera à rattraper ça par une action rétroactive.
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Le but et le paradoxe du Ménon est de nous montrer que l’épistémè, le savoir lié par une cohérence formelle, ne couvre pas tout le champ de l’expérience humaine, et en particulier qu’il n’y a pas une épistémè de ce qui réalise la perfection, l’arétè de cette expérience. [...]
Ce que Socrate met en valeur, c’est très exactement ceci, qu’il n’y a pas d’épistémè de la vertu, et très précisément de ce qui est la vertu essentielle [...], la vertu politique, par laquelle sont liés dans un corps les citoyens.
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Vidéo de Jacques Lacan
Retrouvez ici la captation de l'ensemble de la soirée dédiée à Jacques Lacan au Théâtre de la Ville à Paris du 10 février 2024.
Et déjà disponible en librairie, le Séminaire XV de Jacques Lacan, dont le texte a été établi par Jacques-Alain Miller : https://www.seuil.com/ouvrage/le-seminaire-livre-xv-jacques-lacan/9782021552263
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