« … mais moi je sais maintenant pourquoi je suis ici : pour aller en Sicile bien sûr, mais aussi pour me sentir oiseau, pour éprouver ce ciel, épuiser l'infini. Je ne suis plus Icare. Je ne suis plus un terrien ni même un humain mais un oiseau, un oiseau qui découvre qu'il a des ailes, que le ciel et la mer sont infiniment bleus, que... »
L'envol d'Icare,
Jacques Lacarrière @editionsseghers
Quel livre fabuleux!
L'auteur nous entraîne au coeur du mythe, avec une réflexion présentant l'envol et la chute, mais aussi ce qui les a précédés, comme autant de battements d'ailes menant à la fin inexorable…
« le jeune Icare, fier de son vol audacieux, abandonne son guide: il brûle de sonder les célestes espaces et s'élance plus haut. Par la vivacité de ses rayons, le soleil, dont le trône se trouve près de lui, ramollit la cire parfumée qui sert de lien à ses ailes : elle fond. Icare agite ses bras dépouillés, mais, n'ayant plus le plumage qui le soutenait comme deux rames, il ne saurait voguer dans les airs. »
… et sur celle-ci, la chute fatale, la fin inexorable, il fait toute la lumière! Il donne à réfléchir sur l'interprétation du mythe, sa signification, ses clefs de lecture, afin qu'il n'ait plus un mystère pour nous, qu'il nous apparaisse claire et limpide, comme une mer étale…
« Je sais très bien que cette histoire de Dédale et d'Icare est une pure légende qu'on imagina et raconta jadis pour expliquer que l'homme ne doit pas désirer l'impossible et que son domaine est la terre, non le ciel. Je sais très bien que j'ai à faire avec un mythe, mais c'est justement cela qui fascine : tout ce qu'il fallut imaginer d'
Homère à
Ovide pour étoffer le vide des faits, faire vivre cette inexistence, remplit les blancs, et justifier l'invraisemblance de l'histoire. Avec les textes anciens sur Icare, nous touchons cette part de l'homme grec qui de tout temps eut envie que cette légende existe et la fit exister en lui donnant un corps - à défaut de corpus - puis une trame puis un drame, bref qui l'enfanta progressivement et ne cessa de l'enrichir au cours des siècles. »
Car c'est là que réside la beauté de ce livre, la richesse de celui-ci: dans l'héritage d'Icare!
Ce n'est pas uniquement le mythe, c'est ce qu'il a apporté à travers les siècles, ce qu'il a inspiré… oh non! Pas seulement le désir de voler, mais ce que cela représentait! Pas simplement l'aviation mais aussi ce que l'art, la littérature, la peinture doivent à Icare… pourquoi le mythe inspire de tout temps? Si largement…
« le mythe doit sûrement contenir autre chose qu'une simple histoire d'orgueil et de cire fondue et c'est cette autre chose, cet appel à la joie de l'envol et à l'ivresse de l'azur qui fit sa pérennité. C'est pourquoi le sujet de ce livre est moins le mythe lui-même que son sillage en nous depuis la fin du monde antique. Je dirai même que là résident le vrai mystère et le vrai mythe d'Icare: en cette pérennité qui le maintint pendant des siècles dans le conscient et l'inconscient de l'homme, dans le rêve de devenir cet homme-oiseau que la perspective d'une chute mortelle ne put elle-même jamais éteindre. »
Quelle beauté!
Ce texte transporte, enrichit d'un regard neuf, d'une portée plus vaste…
C'est un hymne à l'audace, à la curiosité, à la liberté!
« Tu nous as dit avec tes ailes: mieux vaut chuter libre dans le ciel infini que de vivre enchaîné dans le renoncement. »
C'est un chant de vie, d'espoir, une note contemporaine empreinte de mythologie…
« Tu as voulu voler alors même que le monde n'était pas préparé à recevoir ton acte et encore moins à le comprendre. Tu as chu incompris mais tu n'as pas chu oublié. Ta chute a servi d'exemple… »
Une ode à la mythologie revisitée, à son intemporalité, à son éternité!
« le mythe d'Icare est le seul mythe grec à n'être jamais mort, à avoir hanté sans interruption l'imaginaire occidental depuis la fin du monde antique jusqu'à nos jours. »
Une lecture qui m'a profondément touchée et envoûtée, et pour laquelle je remercie les @editionsseghers qui me l'ont offerte en service presse 🙏🏼 merci infiniment!