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Critique de BABYBOOK


De Lacla­ve­tine, on a tout dit - sous le man­teau, ou en face et en direct, comme sur le pla­teau de Pivot il y a cinq ans, où les méchan­ce­tés ont fusé à pro­pos de Pre­mière Ligne.
L'on a filé des méta­phores faciles à par­tir de sa pas­sion pour les trains, le taxant d'auteur de romans de gare, d'éditeur qui rêve de mettre la lit­té­ra­ture sur des rails…
Traité, sur papier ou en direct, par ceux qui jalousent son pou­voir d'éditeur, de cynique ou de mani­pu­la­teur, de faux auteur, comme son faux double de Pre­mière ligne (Gon­court des Lycéens en 1999)
Avec Matins Bleus, les acides, ceux qui n'aiment pas son nar­ra­teur, trou­ve­ront dans ses por­traits nou­velle matière à ava­nies : auteur ordi­naire sur PC de pis­so­tière, mono­va­lent mono­cou­leur de peintre en bâti­ment… Eh bien ils ont tort.

Matins Bleus est un roman magni­fique, bien construit, atten­tif.
Unité de lieu : l'espace clos d'une salle des pas per­dus.
Unité de temps : du lever au cou­cher du soleil. Un 19 mai, de 6h30 à 17h08, der­nier prin­temps, der­nier soir d'un ange.
Unité d'action : celle d'un éche­veau vivant d'existences qui s'entrecroisent, se touchent, sans se connaître, et qui, pour cer­taines, vont mourir.

Jean-Marie Lacla­ve­tine a pour ses per­son­nages — ce pour­rait être vous, moi, n'importe qui de pas­sage dans cette gare que cha­cun pren­dra pour la sienne — une fer­veur tendre et élégante.
Ce qui frappe le plus, c'est cette bien­veillance atten­tive et pré­cise à cha­cun de ces presque-anonymes, cette façon de ne pas décrire la psy­cho­lo­gie ou le res­senti de ces héros du quo­ti­dien, mais de les rendre, de les don­ner à voir au tra­vers de leurs pas et tra­jets d'une jour­née dans le lieu clos d'une gare, où seuls sont pré­sents les humains - les trains, eux, sont juste sug­gé­rés par les cli­que­tis des pan­neaux d'affichage.

Matins Bleus, c'est 10 heures 38 minutes de l'âme et du bouillon­ne­ment d'une gare.
Avec ses points fixes : le kiosque, le buf­fet, les pis­so­tières.
Des mil­liers de pas et de vies. le nar­ra­teur en choi­sira quinze.
Parmi eux un bouilleur de cru de cen­trale, un enfant can­cé­reux et son méde­cin de garde. Une fugueuse rou­quine, un acteur décati, un vieux joueur, son fils, son ex-femme et belle kios­quière. Les mous­taches d'un gar­çon de café ama­teur de chats.

Et Ange, le bien nommé. le bègue poète, obsédé du por­table, qui ne bégaie plus lorsqu'il dit des poèmes… L'épicentre du roman, le peintre en bleu de l'armature de la gare, obser­va­teur en nacelle de tout ce micro­cosme.
Ange, revêtu d'ors, de pourpre et d'hyacinthe, ô vous,soyez témoin que j'ai fait mon devoir, comme un par­fait témoin et comme une âme sainte…

Tout au long des deux cent quarante-deux pages de Matins Bleus, Ange plane, observe, n'en finit plus de tirer sa peine.
Jusqu'à ce 19 mai, 17h08, où Pablo, humain, trop humain, bon­net de coton enfoncé jusqu'aux yeux, jamais sorti de la guerre qu'on l'a obligé à faire, finit par disjoncter…
Lien : http://www.lelitteraire.com/..
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