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Critique de clairette


Certains personnages hantent longtemps dans la mémoire des lecteurs … à peine avais-je lu les premières lignes de ce que je savais qu'Emma allait être de ceux-là…
Mon résumé :
Quel âge a Emma ? difficile à dire : si pour l'Etat civil c'est 16 ans presque 17… dans sa tête… c'est autre chose.
Emma vit avec sa mère qui est concierge dans un immeuble parisien.
Au moment où commence son récit, elle s'est « installée » dans la chambre que sa mère occupe à l'hôpital. Celle-ci est victime d'hémiplégie et d'aphasie. Si elle récupère doucement au niveau des gestes, sa parole est toujours absente.
Alors c'est Emma qui parle pour elles deux.
Elle raconte leur vie dans l'appartement parisien, entre Rose (la propriétaire grippe-sous), la famille Poinsonnet ( dont le fils a décidé de tester avec Emma toutes les positions du kamasutra dans des « quart d'heure sexe »). Il y a aussi Jésus l'italien du dessus, un confident pour Emma a qui elle demande d'installer des toilettes dans l'appartemetn pour éviter de partager celles au fond de la cour.
En trame de fond de ce récit, résonne son amour pour sa mère, sa difficulté à assumer son nouveau rôle de « fille-mère » pour une mère privée de parole. L'adolescence est déjà un passage difficile pour n'importe quelle jeune fille de 16 ans, mais comment être ado et se rebeller contre une mère dont on doit prendre soin, dont on ne sait pas si elle redeviendra un jour « comme avant ». Emma nous raconte aussi celle qu'elle est « à l'extérieur », et en particulier sa relation aux hommes, à son corps.

Mon avis :
Chaque livre a une histoire. Je pourrais presque dire que c'est par hasard que j'ai lu celui-ci. Je l'avais choisi lors d'une masse critique de Babelio. Mais au moment de confirmer mon choix, bug de la page internet…pressée (et stressée par mon inspection) je n'ai pas recommencé mon choix. Quelle ne fut pas ma surprise donc de recevoir un mail m'annonçant, quelques jours plus tard que j'allais le recevoir.
Un hasard donc, mais un heureux hasard !!! J'ai aimé cette lecture pour sa dureté et sa tendresse mêlées : il n'y a qu'une voix dans ce récit, celle d'Emma, mais quelle voix !!! Chacun de ses mots frappent au coeur, remuent les tripes de son lecteur. On sent la femme qui émerge sous l'adolescente. Une naissance prématurée, anticipée à cause des évènements ; On sent l'enfant fragilisée, même si elle ne le dit pas, par l'absence d'un père, par sa non-existence dans sa vie.
Agnès Lacor manie les mots avec talent ;
Ce livre aurait pu être lourd par son ambiance, par le sujet, mais il ne l'est pas grâce à l'humour. Car les personnages qu'elle invente sont tour à tour, attendrissant, drôle, repoussant, réels en fait. Pas de » les hommes sont méchants et les femmes sont gentilles ». Dans chacun on retrouve une personne de notre quotidien croisée ou côtoyée plus longuement.
Il y a de l'humour donc mais aussi et surtout beaucoup d'amour aussi dans cette histoire. L'amour transpire chacun des mots qu'Emma adresse à sa mère ou utilise pour parler d'elle. Malgré l'envie qu'elle aurait d'une vie plus douce, plus extravagante pour sa mère, elle ne la juge jamais.
Je remercie vraiment Babelio pour cette lecture, qui va longtemps raisonner et que je conseille.

« Il a parlé de mon courage (le docteur). Il ne m'a pas laissé lui répondre que je ne savais pas faire autrement. Que loin de toi c'est la peur. »
« Je retourne dans la chambre des silences. Tes silences, pas les miens. Moi je n'arrête pas de te couvrir de mots. Il y en a que tu comprends. »
« Tout ce morceau de toi qui est parti avec tes mots. Ton silence m'a emportée au fond d'un gouffre. Je t‘en veux. Pour toi. Pour moi. »
« Je pense à ta vie sans hommes, à ce corps jamais partagée qui reste silencieux. Je voudrais te dire qu'il m'appartient, que j'ai le droit de connaitre ton histoire, que c'est aussi mon histoire. Mais il garde son secret. En perdant ses mots, il s'est construit la plus terrible des forteresses. Même ta fille ne parvient pas à la franchir. »
« N'importe quel homme dans cette rue pouvait s'appeler Jean Dumage. Un père sans visage, ça se colle n'importe où. Dans la peau des plus laids ou des plus beaux. C'est une question d'humeur ou de temps qu'il fait. »
« J'avais déjà le gout de ton silence dans la bouche. Les jours ont coulé, on me dit que je suis grande. Je dois le croire. Ton immobilité m'y oblige. J'ai envie de te dire que sans toi, ce serait mieux. Mais ce n'est pas vrai. Je suis là, à t'attendre. Pourquoi me suis-je réveillée ce matin sans savoir si je voulais encore attendre. J'ai besoin d'un signe de toi. »
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