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Citations sur Attila, le curieux chat voyageur (8)

Le trésor de Goupil le roux

J’ai toujours été le premier pour tout : pour la nourriture, pour l’exploration, pour la lutte, surtout avec mon frangin, Rayon de Soleil, pugiliste comme moi, frère de sang mais non de cœur, le plus costaud après moi. C’est sur lui que je me suis fait les muscles, les crocs et les griffes, que j’ai appris l’art du combat et amélioré ma tactique de self-défense. Parmi mes deux sœurs et mes trois frères, ma préférence allait à Blanchette. J’en parle au passé car elle est morte. Elle était toute blanche comme moi, mais jusqu’à la fin de sa trop brève existence, deux semaines tout au plus. Elle est restée immaculée car contrairement à moi et à Rayon de Soleil, elle évitait les pitreries et elle ne tomba jamais dans les sacs de coke. Elle avait mal débuté dans la vie, dernière née, fragile, toute menue avec des gènes albinos, elle restait sourde à nos piaillements. Elle ne réussit jamais à se faire une place au soleil.

Je ne suis pas le seul à avoir fait le grand plongeon dans le tas de charbon. Un jour le rouquin s’y essaya aussi, mais si ma mère a ignoré ma bévue, lui ne s’en est pas tiré à si bon compte. Je vis maman Luth le prendre dans sa gueule tout gémissant, tout gesticulant, tout luisant et l’obliger à subir le supplice de la douche à l’eau du ciel. Piteux, dégoulinant, penaud, il rentra au cabanon quelques minutes plus tard, mais il avait retrouvé sa couleur d’origine; contrairement à moi que ma mère oublia d’emmener aux bains douches. Maintenant il est trop tard, la teinture est prise et séchée, je suis Black et resterai Black et je porte malheur. Tous les ailurophobes vous le diront, un chat noir vous passe entre les jambes et vous en prenez pour 7 ans…7 ans de malheur. Par chance il n’y a plus guère de chaudron dans les ménages modernes et puis ces vieilles superstitions sont d’un autre temps. Quoique !

Le problème avec une sœur et trois frères et un seul abri au fond du jardin, c’est de se faire une place à l’ombre. Le rouquin pour une fois fut le premier à repérer un tas de chiffons odoriférants dans un coin tranquille de notre nursery. J’essayai bien de le déloger à coup de crocs et de griffes mais il refusa de me céder la place. Je tourne en rond, furetant comme mes frangins à la recherche de la planque brevetée « idéale félins », le museau en l’air, les vibrisses à ras de sol, le regard scrutateur, aucun endroit ne me semble digne d’intérêt; puis comme une évidence je vois le landau déserté, mais toujours positionné là, à cette même place, le frein de stationnement mis; je réitère mon exploit mais dans l’autre sens, comme un film que l’on passerait à l’envers. Je saute en l’air et atterris au milieu d’une couverture ajourée pour cause d’âge canonique, sentant peut-être un peu trop les effluves d’urine, car ma mère ayant eu beau nettoyer notre couche de son mieux pendant notre prime enfance, les chatons ne sont pas très bien éduqués au début de leur vie et font leurs besoins à même leur lit. Mais aucun endroit n’est plus accueillant. Je vois les regards d’envie se fixer sur moi, je ferme mes paupières, satisfait et rassuré, on ne risque pas de me déloger, si mes frangins n’ont pas réussi à en descendre, ils n’arriveront pas à y remonter. Bon je me suis trompé, Noirpiaux atterrit sur ma tête, un seul regard émeraude suffit à le faire déguerpir.
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- Il était une fois un chat appelé Attila qui avait un maître très, très égoïste. Celui-ci en avait tellement marre que son chat marque les quatre points cardinaux de sa chambre de bonne qu'il décida de le faire castrer avant même qu'il ne rencontre le grand amour. Mais alors que la matinée se terminait, il fut pris de remords, il fonça sur son téléphone, désespéré, persuadé qu'il était trop tard et appela le vétérinaire...
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Prenons le premier signe, la méfiance : queue basse, regard fuyant, rasant les murs ou planqué sous une chaise ; ensuite, la peur : yeux dilatés, dos creusé, oreilles baissées ; la satisfaction : yeux clos, queue se balançant doucement, ronronnements ; la colère : dressé sur les pattes, queue fouettant vivement l’air, crachements, grondement sourd ; l’interrogation, le plus facile des langages des signes : les oreilles orientées dans la bonne direction, la queue en point d’interrogation ; la flatterie : regard fendu, ondulation du corps, attouchements ; l’indifférence : yeux mi-clos (on ne sait jamais), queue enroulée autour des pattes, les oreilles semi-fléchies. Et je pourrais vous en citer encore des dizaines d’autres.
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Il paraît que les humains payent pour tout ; c’est pour cela qu’ils travaillent. Ils payent pour se loger, pour se nourrir, pour se déplacer et pour communiquer. Pour nous les chats, tout est gratuit ; c’est pour cela que nous passons nos après-midi à faire la sieste et les nuits à déambuler à travers les rues et les champs. La locomotion est assurée par les coussinets. Le logement est offert gracieusement, si ce n’est un meublé, c’est une cave ou une grange ; la pitance tombe automatiquement toutes les deux heures, enfin surtout si on habite un meublé, sinon il faut aller à la chasse ou jouer les pique-assiette.
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Ce nom ne me dit fichtrement rien, par contre mon nom m’était revenu dès qu’il l’avait prononcé après son scepticisme passé et il me sembla à ce moment que ça faisait bien longtemps que je ne l’avais entendu. Mon compagnon ne l’avait pas choisi par hasard, mais au contraire après mûre réflexion, il m’avait consciencieusement baptisé Attila après ma première adoption. J’ignore où il avait gobé cette légende typiquement humaine qui prétend que pour qu’un chat réponde à son nom, il faut qu’il en soit fier et donc se doit d’être baptisé d’un nom illustre. Son choix se porta donc sur un conquérant célèbre dont la saga prétend que là où Attila passa, l’herbe ne repoussa jamais. C’était son sens de l’humour sûrement et une basse vengeance je crois, à cause de mon acharnement à massacrer définitivement toute tentative d’installation de plantes en pot dans son premier logis.
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Si les humains se contentaient des sons naturels, tout irait bien pour les délicates oreilles félines, mais ce n’est pas le cas, ils ont inventé toutes sortes de machines infernales pour nous agresser ou nous terroriser : les aspirateurs, les marteaux-piqueurs, la sirène des pompiers, le Klaxon et les mobylettes trafiquées.
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Les saveurs sucrées, salées, âcres, subtiles, nuancées, épicées ou entêtantes, tout nous parle. Mon plat préféré est le steak tartare, j’aime aussi la langouste et j’adore les sushis sans les petits vers blancs qui leur collent à la peau. Je suis réceptif à toutes les flaveurs. Je me targue d’être goûteur professionnel, un nez comme on dit dans le métier. J’écoute mon sens olfactif puis un coup de langue et c’est jugé !

Il y a surtout trois familles d’aliments que je déteste : le genre médicamenteux, le végétaliste et le pimenté. Pour les boissons, je me contente de l’eau du robinet changée trois fois en cours de journée et à température ambiante sauf aux deux pôles, de lait tiédi et de jus de thon. Je déteste la soupe de légumes, le sirop médicinal et le champagne. Ne rigolez pas, j’ai essayé toute la panoplie. La deuxième boisson, un homme en blouse blanche a essayé de me la faire ingérer de force en l’introduisant au fond de ma gorge. Une fois que j’eus épuisé toutes les ressources d’intimidation à ma disposition, il renonça et alla tamponner du désinfectant sur les marbrures rouges de ses avant-bras.

Ce que j’aime par-dessus tout, c’est partager le dîner de mon compagnon, surtout les plateaux télé-repas qu’il se préparait dans notre ancienne vie, maintenant avec femme et enfant il semble qu’il en soit privé. Nous nous installions tous les deux sur le lit, lui adossé à deux oreillers, moi le dos calé contre un coussin de satin et la distribution commençait. Un bout de pâté de foie sans pain, un morceau de jambon sans couenne, un échantillon de brie sans croûte et une petite cuillère de yogourt sans fruits. Je ne suis pas très exigeant, un rien me suffit. Je ronronnais tout le long du repas, maintenant ces moments d’intimité ont pris fin mais j’y ai gagné un cordon-bleu, autant l’homme était le roi de l’ouvre-boîte, autant la femme me cuisine des moules à la marinière, du lapin en gibelotte et de l’épaule de mouton farcie. Si je garde mes distances avec cette étrangère la plupart du temps, quand elle est dans sa cuisine, je ne la quitte pas d’une cheville.
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Avant je m’appelais Black, juste Black. Mais Attila ça me va…

Pourtant à mes débuts j’étais blanc, tout blanc. Quand j’étais chaton, je suis tombé dans un sac de coke posé dans le coin nord de la remise où je suis né ; maintenant je suis noir, tout noir avec des émeraudes à la place des yeux.

Les yeux des chats sont des joyaux : ambre, topaze, aigue-marine, améthyste, rubis mais là ce n’est pas normal, ou jade comme les miens ; contrairement aux humains qui ont les yeux bruns, bleus, noirs, verts, glauques ou rouges mais là c’est inquiétant. La nuit si je ferme les paupières je n’existe plus, mais si je les ouvre on peut découvrir mes pierres précieuses en amande, deux gemmes que Dame Nature m’a offertes en cadeau.

Pour un mois de novembre, le soleil est plutôt généreux. Ses rayons dardent à travers la baie vitrée du salon et viennent s’écraser sur le canapé de lin clair. Au beau milieu, une tache sombre donne l’illusion d’un trou circulaire d’où nulle lumière ne ressort. Je suis ce « trou noir », mon pelage est fait pour la nuit.

Cette chaleur me procure un plaisir intense qui hérisse le pelage de mon dos. Le bien-être de cette pose en arrondi est contrecarré par mon envie de m’étirer. Finalement, j’opte pour la solution intermédiaire, j’allonge au plus loin mes antérieurs, toutes griffes dehors, la truffe au ras des pattes. Je conclus l’exercice par un bâillement toutes dents sorties avec au final un claquement de mâchoires sonore.

Après la chambre sans vue et le ciel vu du plancher par la seule fenêtre de toit du logement, cette petite maison de ville est un paradis, une porte coulissante, une baie vitrée côté jardin et deux observatoires côté rue, de quoi occuper un chat quelques heures dans une journée.

Les premiers accords de La Danse du sabre retentissent derrière moi, mettant en action mes deux cornets auditifs amplificateurs. Quand je dis deux, je devrais plutôt dire un et demi, mon oreille gauche étant amputée de sa moitié supérieure, souvenir d’une bataille cuisante.
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