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Critique de Floyd2408


J'ai découvert ce philosophe par une amie, qui m'a offert ce livre pour mon anniversaire, je la remercie pour cet ouvrage instructif et passionnant, déroutant par moment , je ne suis qu'un piètre philosophe débutant et son histoire est assez flou pour tout comprendre et absorber à ma première lecture, Comment vivre lorsqu'on ne croit en rien ?, cette question comme titre du livre interpelle par cette sa forme assez nihilisme, et ne cache-t-elle pas surement une notion sociétale qui se dégage par cette formulation négative , le mot croire qui renvoie souvent vers la religion, et celle d'un Dieu créateur, certes j'interprète forcément, croire en la vie, croire à la philosophie, croire à le bienveillance de l'être humain, il y a toute sorte de croyance, mais doit-on croire pour vivre comme Alexandre Lacroix va nous l'exposer dans son essai philosophique.
Tout d'abord dans cette deuxième édition, celle, Champs essais, Alexandre Lacroix modifie la préface de sa première édition de 2014, aux regards de ces amis, notre philosophe sème le doute au lieu de donner un repère aux lecteurs, l'idée de ne plus croire désarçonne beaucoup, alors notre auteur les a écoutés pour regarder autour de lui.
L'histoire de la philosophie est importante pour comprendre certains préceptes, Alexandre Lacroix aborde ce passé pour nous introduire à sa pensée philosophique, celle du scepticisme, qu'il a découvert à travers un livre qui l'a bouleversé profondément, Les Esquisses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus, c'est pour lui une révélation comme l'a été plus jeune la lecture de la généalogie de la morale de Friedrich Nietzsche, c'était un anti prêche, une inversion du Sermon sur la montagne, Alexandre Lacroix découvre une voix nouvelle dissonante, celle de pouvoir réfléchir, de plus être diriger par des paradigmes extérieurs , être maitre de sa conscience…. Au début de son essai, Alexandre Lacroix, prend l'exemple de la forêt de Descartes de son Discours de la Méthode, puis déroute la pensée de Descartes, celle de la ligne droite, cette direction unique à poursuivre, au lieu de pouvoir prendre le chemin de l'étoile et avoir cette réflexion de la situation, pas celle du confort, celle du moment vécus, celui de l'épaisseur de l'existence. Cette introduction nous rappelle le caractère critique de l'auteur vis à vis de ces pères philosophiques en désarçonnant Descartes, comme Michel Onfray et sa Contre-histoire de la philosophie, la philosophie est toujours en mouvement, elle vit au fil du temps comme un coeur qui bat au rythme l'existence, au cours de cet essai Michel Foucault sera aussi égratigné avec son néostoïcisme contemporain et son esthétisme de l'existence.
Le court paragraphe qui définit le propre du scepticisme selon Sextus Empiricus qu'Alexandre Lacroix va au fil de son essai nous faire comprendre, par des exemples et surtout en retraçant brièvement l'origine de ce concept à travers le terme très important l' Epokhé, en parlant de cette Grèce antique philosophique avec Platon et les scholarques qui le succèdent.
« le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu'il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arrivons d'abord à la suspension de l'assentiment, et après cela à la tranquillité. »
Il y a deux idées importantes qui se dégagent, dans cette phrase, celle de l' isosthénie et de l' épochè, l'une est la force égale des contraires argumentaires, l'autre est la suspension de l'assentiment que va développer Alexandre Lacroix pour bien comprendre la profondeur de ce terme et ce que voulait nous dire Sextus Empiricus, avec son Scepticisme,perdu, face au meltingpot des pensées de l'époque et des courants divers comme le stoïcisme-une pensée sans doute, comme si, il était en quelque sorte une antithèse du scepticisme- le Scepticisme c'est la sagesse du dégagement et de l'apesanteur. Nos cinq sens n'ont pas de valeurs de vérité, les apparences sont la seule valeur fiable, cet adage interroge fortement Alexandre Lacroix sur sa superficialité.
Il y a une part importante de la pensée Nietzschéenne dans cet ouvrage, Alexandre Lacroix puise beaucoup dans les écrits de ce philosophe qu'il a rencontré lors de son adolescence avec La Généalogie de la morale, puis du changement d'attitude de Nietzsche vis-à-vis du Scepticisme, qu'il dénigre dans Par-delà le bien et le mal, publié en 1886, pour deux plus tard dans Ecce homo, reconnaissant cette doctrine comme la plus respectable, nous savons la dualité des idées qui nous gouverne, Nietzsche le reconnait parfaitement dans Ainsi parlait Zarathoustra, au fil de cet essai, Nietzsche est comme une fantôme qui hante ces pages, Alexandre Lacroix compare son exaltation en lisant Les Esquisses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus à celle de Nietzsche avec Dostoïevski qui écrira la « voix du sang se fit aussitôt entendre », il cite même ce dernier pour définir le testament du Scepticisme moderne dans un texte publié à titre posthume « Vérité et mensonge au sens extra-morale ».
Alexandre Lacroix nous fait découvrir le pyrrhonisme et la vie de Pyrrhon son fondateur, à travers Les Sceptiques grecs, paru en 1887, de Victor Brochard et naturellement les Esquisses pyrrhoniennes. Pyrrhon vivait à l'époque de Socrate, cet homme était un orateur, proscrivant l'écrit, aucun texte de sa main existe, seulement des pensées par certains intermédiaires comme Diogène Laërce. le fondement de cette philosophie réside dans cette formule, je ne peux pas dire qu'une chose qu'elle est ou qu'elle ne l'est pas, résume en quelque sorte cette pensée qui s'oppose à celle d'Aristote de réfléchir à la nature profonde de l'être « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », cette question métaphysique n'est plus selon la doctrine pyrrhonienne. Au cours de ce passage Alexandre Lacroix étaye plus en profondeur cette philosophie en puissant certains philosophes comme Marcel Gonche, qui parle de philosophie de « l'apparence pure », comme le dit le vers de Timon citait par Diogène Laërce « l'apparence, où qu'elle se présente, l'emporte sur tout. » Selon notre philosophe, elle invite à la contemplation esthétique, pour devenir une métaphysique d'artiste, comme l'avait compris Nietzsche. Lors d'une conférence en 1929 sur L'éthique, Ludwig Wittgenstein imagine sans le vouloir la forme du Web qu'il nomma à l'époque un livre de jugements relatifs qui selon lui serait des valeurs indéfinissables, immesurables, comme le précise la pensée du Scepticisme !
Alexandre Lacroix, après avoir définit la doctrine du Scepticisme, se questionne sur la manière de vivre et du Bonheur, comme l'a fait Alain avec son essai de petits moments choisis de bonheur simples et intenses qui fourmillent tout autour de notre existence, Propos sur le bonheur, que je déguste de temps à autre, lorsque la nuit est insomniaque ! Ce bonheur est une sensation morale, plus précisément un but, pour savourer le goût de vivre, ce bonheur nous est alloué, il vient naturellement sans aller à sa quête, l'amour n'est qu'ivresse passagère, l'argent est juste un objectif transitoire, nullement ultime, la reconnaissance, l'apanage d'une société libérale vénale et arrogante, reste l'écho de l'enfance et cette voix « Maman regarde je sais faire du vélo…. », la vie n'a pas de but, elle reste libre de la traverser sans être dans les oeillères d'une croyance qui nous guide, elle doit s'épanouir de l'instant, avoir cette liberté de butiner de fleurs en fleurs, ou pas , de plus être l'otage d'une doctrine que l'on suivre et de sacrifier notre vie si courte par des contraintes si pesantes , « la vie ne sera jamais plus belle qu'en cette minute précise », poursuit Alexandre Lacroix. L'impulsion Vitale mène nos vies, croire aux choix est une illusion, l'imprévisibilité est le mot d'ordre du futur, la formule de Diogène Laërce à propos de Pyrrhon est si belle, « Il se laissait guider par la vie », il faut se dépouiller de ces artifices de toutes idéologies qui diffusent leurs venins, et ces autres fausses croyances pour se laisser caresser par nos désirs modeler par ce monde, Alexandre Lacroix propose la puissance germinative de la solution, celle de notre chair, cette suspension ou recul permet d'avoir ce temps nécessaire pour nous permettre d'être cet être entier pour décider, d'être indivisible, il y a cette écoute du désir et non cette abstention que soulève la petite fable de Buridan, dans une schématisation trop abusive.
Il y a dans cet essai ce passage sur le crépuscule, ce tableau magnifique que nous propose la nature, ce soleil qui va rejoindre l'autre face de la terre pour l'inonder de sa chaleur et de la sa lumière, cette peinture du ciel est un spectacle que je me lasse jamais, regarder ces couleurs et se laisser dissoudre par cette beauté pure, cette contemplation esthétique porte le regard du Scepticisme qui nous reconnecte avec le plaisir esthétique qu'il formule par la reconnexion au mystère, suis-je sans le savoir une voix du scepticisme, celle de l'inexplicable comme le croyant religieux, mais même si je connais le phénomène physique de ces couleurs, je n'y pense pas, je reste un spectateur incrédule face à la beauté de la nature, j'aime ce paysage modelé sans l'homme, j'ai hâte d'avoir un temps conséquent pour lire Devant la beauté de la nature de ce même auteur.
Alexandre Lacroix nous propose un tétrapharmakon – littéralement un « quadruple remède », pour clore ce chapitre, une idée qu'a utilisé dans sa Lettre à Ménécée, Épicure, sur le scepticisme, voilà ce tétrapharmakon sceptique, proposant deux concepts négatifs et deux autres positifs , accédons à ces quatre préceptes. le premier négatif est la vie n'a pas d'égale supérieure, son but est la vie, il n'y a pas de Bien supérieur, le deuxième négatif est que les soucis de la vie ne se résument pas en terme de choix, le troisième positif est d'écouter ces instincts, son impulsion vitale et enfin la dernière positive est de s'émouvoir du plaisir esthétique, pour ma part celui d'un aurore et d'un crépuscule, et pour conclure, Alexandre Lacroix résume ces quadruples remèdes par cette phrase.
« Ne perds pas ta vie à poursuivre un but illusoire ; ne choisis jamais ; obéis toujours à ton désir le plus grand ; admire aussi souvent que tu le peux les apparences de ce monde. »
Cette phrase que l'on retrouve dans le quatrième de couverture, elle est la clé de voute de cette façon de penser que façonne Alexandre Lacroix au cours de cet essai, tout en exposant ces réflexions face à d'autres philosophes qu'il aura de plaisir de contredire , comme la pensée de Michel Foucault à la fin de sa vie , considérant que nous pouvons devenir des oeuvres d'art que l'on module, avoir ce fantasme d' autocréation, d'ailleurs Pierre Hadot mettra en garde Foucault, lui reprochant son dandysme , s'apparentant au narcissisme, celui même qui ouvra le regard du philosophe français avec son étude « Exercices spirituels », qui dira de la philosophie antique qu'elle est surtout un art de vivre, qui engage toute une existence.
Pour enfin finir sa petite démonstration prosaïque sur la notion du temps, cette trinité indissociable l'une de l'autre dans une harmonique spontanée nommée par Alexandre Lacroix pour découvrir le sceptique temporel, et cette danse temporelle.
Comme beaucoup, nous pensions retrouver un livre qui nous explique Comment vivre lorsqu'on ne croit en rien ? , avec une liste de choses à faire pour concilier cet état d'esprit, c'est surtout un essai philosophique bien construit développant la pensée du Scepticisme et de ces préceptes, cette attitude qu'Alexandre Lacroix adopte au fil de sa vie, certain seront déçus, cet essai livre juste un art de vivre, celui assez amusant d'une panthère morale, j'aime beaucoup cette fin en soi, comme si la simplicité restait la chose la plus naturelle , presque enfantine selon Alexandre Lacroix.
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