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Critique de fanfanouche24


Une lecture très appréciée... pour deux raisons: le sujet en soi, assez insolite... mettant en parallèle l'existence et les questionnements , à partir d'une rencontre fortuite, de l'auteur avec Guy Debord, de ce dernier et de l'écrivain, Jean-Yves Lacroix, libraire spécialisé en livres anciens.

[Je n'avais pas fait le lien en choisissant par hasard ce roman à la Librairie Tschann, à Montparnasse. Ayant travaillé plusieurs années comme catalographe en livres anciens, j'ai reçu et lu des années durant les catalogues de livres rares rédigés par ce libraire...à l'enseigne de "La Palourde"...]


J'ai fait cette parenthèse pour expliquer le double plaisir à cette lecture: le récit de l'auteur quant à sa vie, étrangement parallèle à celle de Guy Debord pour lequel Jean-Yves Lacroix se passionne, s'interroge...enquête. Dix ans à faire des rencontres , des recherches, des acquisitions, la rédaction de catalogues thématiques tournées vers ce philosophe hors-norme, contesté, aux nombreuses zones d'ombre... ayant laissé moult questions, et mystères, après son suicide.

Un style alerte, coloré, où l'auteur-libraire décrit à la fois sa fascination envers Guy Debord, ses rencontres liées au philosophe: sa veuve, l'un de ses amis, le philosophe Raoul Vaneigem possédant des archives, et des documents. Sans oublier le récit parallèle de ses propres démons, dont les cures de désintoxication, et ces périodes de retrait, où il fuit sa librairie, ses clients…

Quelques passages retenus, qui donnent un aperçu de la progression de ce roman très personnel...que chaque lecteur peut recréer à sa convenance selon ses préférences...la personnalité de Guy Debord, dont on apprend quelques éléments , mais sans plus... le parcours intime de l'auteur, ou l'univers si particulier des libraires d'ancien, leurs usages, leurs compétences, leur quotidien...ou l'ensemble entremêlé...

"J'avais oublié la suggestion de Guy Debord: garder un oeil ouvert sur la presse, mais certains êtres, sitôt entrés dans notre vie, se rappellent à nous avec tant d'insistance, tant de science du détail et des choses troublantes qu'on finit par comprendre qu'ils s'y tenaient depuis toujours enfouis. Je ne connaissais pas le nom de Guy Debord et il a suffi de l'entendre prononcer une fois pour que se découvre à mes pieds, dans l'espace de mes bras, une région encore inconnue de moi-même. (p.18)

..."Quant à mon enquête...Les libraires savent toujours tout sur tout, n'est-ce pas, ils en deviennent agaçants, qu'appellent-ils au juste "savoir" ? Un mélange de ce qu'ils connaissent effectivement, de ce qu'ils croient savoir, et du reste qu'ils ignorent. (p.46)
Aucun d'entre eux n'avait fréquenté Guy Debord, ni ouvert un de ses livres ou une des brochures du mouvement, mais tous, avec des airs entendus, m'abreuvaient d'anecdotes et de traits idolâtres"

Le deuxième plaisir m'a été, de pénétrer à nouveau dans les arcanes mouvementées du monde du livre ancien, des marchands, des acquisitions qui engrangent des aventures mémorables et agitées…où l'argent reste au coeur des successions ou des possessions, la rédaction des catalogues, l'accueil imprévisible des collectionneurs à leur parution…de multiples anecdotes, digressions sur ce métier de libraire d'ancien, que Jean-Yves Lacroix exerce à sa manière unique , fantasque , érudite et passionnée.

Ce roman fortement autobiographique est prenant, allègre, mordant, vivant, avec ses zones sombres, offrant un autoportrait de l'auteur à travers une sorte de double choisi : Guy Debord…homme des excès, mélancolique, pris par l'alcool, les femmes, la drogue.

« Mon commerce a très vite pâti de ce nouvel emploi à l'hôpital. Les neuroleptiques rendaient mon élocution difficile et m'inclinaient à fuir la compagnie des clients. Je me souviens aussi de l'humiliation ressentie à la sortie de ma traduction de –Bartleby – quand, au lieu des dédicaces qu'on me réclamait avec civilité, je rendais mes pâtés de loque. En maintes occasions, surtout, je me suis perdu aux yeux des hommes. (p.117)

J'ai lu avec plaisir et curiosité ce texte ,en une soirée…Intriguée, j'ai envie de découvrir de cet écrivain, sa biographie romancée d'Omar Khayyam , « le Cure-dent »
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