AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,8

sur 79 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Hymne à la création, lutte avec l'ange, confrontation de l'eau et du feu, ce roman est celui d'Alexeï, né en 1960, année où le gouvernement russe décidait de détourner l'eau des fleuves Syr-Daria et Amou-Daria qui alimentent la mer d'Aral pour intensifier l'irrigation des champs de coton. «C'est à cette date précisément que la mer a commencé à se vider comme une baignoire.», avec toute la tragédie que cela va entraîner.

Le 3  mars 1971 Alexeï a onze ans. Il se rend alors compte qu'il devient sourd.
Au début il se sent prisonnier enfermé dans sa surdité comme dans une cellule qui le coupe du monde, il est déchiré par une lutte intérieure qui lui fera perdre Zena celle qu'il aime depuis l'enfance, celle qui le relie au monde extérieur. Il frôlera, par moment, la folie.
"Parce que la mer a commencé à s'effacer quand je suis devenu sourd, tout mon rapport au monde et à l'effroi a changé le jour où j'ai dû me dire que si je ne voulais pas mourir de peur, il fallait que je brave l'absence et que je la remplace par quelque chose d'autre. Depuis, ce quelque chose (la musique ? l'amour ? la folie ?) marche à mes côtés."
Le monde aquatique auquel appartient Zena est dévoré par le monde minéral où le sel et le soleil brûle.
p119 "Le jaune soufré du désert qui a remplacé la mer a redoublé d'intensité depuis quelques jours. Seul le vide laisse une trace. Il n'y a rien de pire que l'absence sans limite. A cause d'elle, on s'approche trop près du feu, on se grille la rétine et après on n'a plus que des souvenirs de soleil. Avec Zena, le désert était moins vide. Quand j'y marchais avec elle, je parvenais même à confondre l'ombre des dunes avec celle des vagues."
Alexeï tente de combler, d'apprivoiser l'Absence, absence de l'ouïe qui l'isole, de Zena son amour, de la mer disparue avalée par les sables, en composant un opéra où jaillira la huitième note, cette note née du fond de son silence, du manque. Comment faire entendre cette huitième note, celle de sa musique intérieure qui est aussi celle de Zena enfuie, celle de la mer d'Aral asséchée à ceux dont l'audition est polluée par la multitude de sons qui viennent les heurter, qui les environnent ?
Cécile Ladjali nous fait partager par la poésie, la force et la sensualité de son écriture, le bouleversement intérieur, la souffrance de la création qui isole, qui peut rendre monstrueux celui qu'elle saisit tout en le menant vers une plus grande liberté et une transfiguration. Au même titre qu'elle sait nous faire sentir et goûter la brûlure du sel, du soleil et assister à la décomposition ambiante.
p21 (L'île de Vozrozhdeniya = Résurrection en russe) "un point mauve sur l'eau morte, Kantubek capitale de l'île bouton de chair malin abandonné au corps chancreux de la région. La mer n'est parvenue qu'à produire cette tumeur qui déjà menace de métastaser et la géopolitique régionale ne joue pas en faveur d'une rémission."
Son roman tout en partant d'une réalité tragique, ressemble souvent à un conte oriental qui, comme la mer d'Aral, prend "la couleur du bronze flammé". 

Désespérant et douloureux, par moments oui, mais pas totalement ni définitivement. 
Une note d'espoir parvient à se faire entendre. le lieu où habite Alexeï ne s'appelle-t-il pas Nadezhda qui signifie espérance en Russe ?
Commenter  J’apprécie          320
Chronique d'une mort programmée, celle de la "mer " d'Aral, dont les deux fleuves qui l'alimentaient ont été détournés par les russes pour irriguer leurs champs de coton.
Exemple flagrant et consternant d'un désastre écologique significatif, une évocation puissante portée par une écriture poétique, charnelle, fouillée ( trop par moments) d'une auteure que je découvrais.

Nous assistons à l'amour naissant de deux adolescents, dans cette région du Kazakhstan, puis progressivement et parallèlement, au délitement de leur environnement, (provoqué par des "impératifs" économiques), et de leurs relations contaminées par la jalousie.
Un texte d'une beauté sombre mais un milieu de roman pesant, où tout part à vau-l'eau et où ça vous poisse en dedans.

Un roman "feel-bad", alimenté par des faits réels qu'il faut connaître, et loin d'une lecture d'été, surtout par temps caniculaire !
Commenter  J’apprécie          241
Ce roman est d'abord l'histoire d'un drame écologique, celui de la mer d'Aral qui, depuis les années 60 du siècle dernier, s'atrophie et se vide peu à peu de toute vie. Dans ces années-là en effet, les autorités décidèrent de détourner le cours des fleuves Syr-Daria et Amou-Daria pour intensifier l'irrigation des champs de coton. Une décision tragique qui entraîna assèchement, pollution, conséquences économiques et humaines désastreuses.
Ce livre parle aussi de l'histoire d'amour entre Alexeï, le narrateur, et Zana, son amie d'enfance, dont le lien affectif se construisit autour de ce paysage et qui, à l'instar de cette mer qui recule, va lui aussi s'étioler.
Deux histoires habilement mêlées, auxquelles s'invite un autre protagoniste subtilement introduit par l'autrice pour le placer au coeur même de ce livre: la musique. Car Alexeï est musicien, mais pour quel avenir, lui qui, souffrant de surdité depuis l'âge de 10 ans, n'entend que les vibrations de son violoncelle ?
Ce roman "n'impose pas" une histoire, il suggère toutes les possibilités qu'une vie pourrait malgré tout offrir, et, en mêlant toujours la réalité et le rêve, Cécile Ladjali apporte à l'intrigue une note d'espoir.
Commenter  J’apprécie          150
Les romans de Cécile Ladjali ont un don, celui de nous pousser toujours plus loin dans la culture, dans les ruelles de mondes lointains ou dans les pensées d'artistes brillants. Il est rare de refermer un de ses livres sans pousser la lecture autour de recherches annexes. Si « La Chapelle Ajax » reprenaient le mythe du célèbre et tragique héros grec en le mêlant au destin non moins dramatique de Mark Rothko, « Ordalie » revenait sur la passion de Bergman et de Celan, son dernier livre « Aral » mêle l'opéra à la disparition de la mer d'Aral.

Au Kazakhstan, Alexeï et Zena grandissent comme deux enfants curieux et talentueux. Elle la scientifique, lui l'artiste. Leur vie auraient pu être une histoire d'amour simple et forte comme en vivent ceux qui grandissent et vieillissent ensemble. Mais au bord d'une mer absente, désertique, rien n'est si aisé.

Alexeï sombre dans la surdité à mesure que s'élabore sa passion pour la musique et l'harmonie des sons, dont il cherche à élaborer une huitième note. Zena, volontaire et intrépide, vit sur sur le son d'une autre onde, et le silence, l'absence, sépare peu à peu les amoureux. La mer d'Aral est centrale dans ce beau récit, quintessence de l'absence, du doute et du paradoxe. Quand la mer est un désert, quand le musicien est sourd, comment déceler le vrai, le son, la présence? Alexeï sombre dans le mutisme et la paranoïa, et se hasarde dans des suppositions, des doutes, des intuitions pour parer à cette réalité biaisée, brisée.

Cécile Ladjali nous plonge dans ce Kazakstan lointain, dévasté par des conflits avec l'Union Sovétique, le détournement de fleuves qui assèchent la mer d' Aral, et des expérimentations de produits toxiques sur des îles proches, sujet encore mystérieux de cette région.

Le ton du roman est doux et poétique, dans un univers résolument dévasté. Il effleure diverses réalités différentes, jusqu'à ce que le héros finisse par affronter l'essence de son doute et de son manque, et se réconcilie avec. Seul bémol de ce récit, la conceptualisation trop sophistiquée, trop pesante, d'Alexeï en tant qu'artiste sourd, qui produit un dédoublement dans son appréhension de sa propre identité quelque peu ennuyeux, une redondance narcissique qui sied peu à l'élaboration du personnage.

Mais au delà de cela, la maîtrise du langage de Cécile Ladjali est appréciable, tant du point de vue littéraire que de la sensibilité du texte. On pourra noter que l'auteur enseigne dans une école pour enfant sourd à Paris.

Un texte intéressant, précis et subtil.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
Commenter  J’apprécie          100
C'est dans un paysage apocalyptique au Kazakhstan, là où disparait peu à peu la mer d'Aral, que se déroule le roman de Cécile Ladjali.
Roman de destructions, destruction de l'homme par l'homme sous pretexte de recherches bactériologiques, destruction de perception pour Alexeï atteint de surdité à 10 ans, destruction par la jalousie de l'amour entre Alexeï et Zena...
Pourtant, tout au long de ces pages, se dégage une multitude de sensations allant de la beauté à l'effroi pour revenir à la beauté...
Commenter  J’apprécie          90
Quel magnifique roman qui se passe au bord de l'Aral. Je pensais lire un roman d'amour, une histoire impossible. Mais en fait il ne parle d'amour que dans le premier tiers. Ensuite j'ai pensé lire une quête initiatique, un alchimiste oriental, mais ce n'était pas cela non plus. Enfin, il y avait aussi de la fable écologique, et du roman de l'intime et des secrets de famille. C'était un peu tout cela à la fois et je suis très contente de l'avoir découvert. de plus, cela m'a sensibilisé à ce qui se passe au bord de l'Aral et à la catastrophe écologique réelle dont j'ignorais tout qui a inspiré ce roman. Je regrette un peu la fin et quelques longueurs, mais le tout était bien écrit.
Commenter  J’apprécie          71
J'ai aimé. Beaucoup. Je dois avouer ce n'est pas le genre de littérature que je lis habituellement, et cela m'a fait du bien du coup de changer d'univers.
L'émotion est omniprésente, elle fait mal, elle réconforte, elle tranche avec l'univers floconneux de cette mer disparue. Disparue comme un passé qu'on recompose au long du récit.
Si le passé est par bribes l'avenir est incertain, presque maudit et les sentiments si forts des deux protagonistes disparaissent comme la mer disparut auparavant, Alexeï devient sec, vidé dans un silence assourdissant au propre comme au figuré.
Le style est agréable, il est poétique mais laisse la place à notre imagination, il est aussi rigoureux qu'il est esthétique, on ressent un vrai travail fait autour de chaque phrase, une très grande rigueur pour préserver un rythme continu.
Ce récit a la qualité rare désormais de savoir lier et de mettre en parallèle, les descriptions des paysages ainsi que les descriptions des personnalités.
Le seul petit bémol mais vraiment pour faire l'exigeant, le changement de personne ( passage de la 1ère à la 2e et de la 2e à la 3e) avec des fois un décalage, cela aide à bien ressentir la surdité d'Alexeï mais cela peut désarçonner au début. Une belle découverte et une belle réussite littéraire assurément qui m'a en plus appris des choses sur cette région que je connaissais mal.
Commenter  J’apprécie          60
Très beau roman. L'écriture de Cécile Ladjali y est poétique et sensuelle. Ce qu'il reste de la mer d'Aral, ses parfums, ses couleurs, la lumière, le souffle du vent, tout y décrit avec simplicité et maîtrise. Les thèmes de l'enfance, du désir, du rêve, de la création mais aussi de l'épreuve, de la séparation, de l'isolement, de la maladie sont empreints de lucidité mais aussi de pudeur.
Il y a chez Cécile Ladjali une forme de bienveillance, de sollicitude envers ses personnages. Tout ou presque vient les opposer mais l'écriture autant que l'intrigue renoue entre eux un lien jamais rompu. On sort de la lecture de ce roman comblé, serein.
Commenter  J’apprécie          50
Magnifique livre que nous livre ici Cécile Ladjali, aux confins du Kazakhstan, au bord de la mer d'Aral agonisante.

Alexeï et Zena s'aiment depuis l'enfance. Dans leur village de Nadezjda, ils observent la mer se retirer lentement à cause du détournement de ses affluents par les communistes. Alexeï est sourd mais un musicien hors pair. Il compose, sur son violoncelle, pour Zena, l'Aral et pour la huitième note, celle qu'il cherche à travers les vibrations de son corps...

Autour de sujets tels que la création, le silence, la solitude, la nature mais l'amour aussi, Cécile Ladjali nous embarque pour un voyage au coeur du monde, celui de l'Aral, mais aussi au sein du monde particulier d'Alexeï et de sa quête personnelle.
Le style est incroyable d'intensité, et ne s'adresse pas à tous les lecteurs. Assez exigeant en effet, il ne s'agit pas de lecture "facile", mais qui donne à réfléchir et surtout qui plonge dans une ambiance très particulière. On s'y croirait, au bord de l'Aral, à regarder la mer disparaître petit à petit, bercés par le violoncelle d'Alexeï, à la fois douce et lancinante, angoissante et apaisante, vibrante.
Commenter  J’apprécie          30
un récit prenant dans une atmosphère lourde ...
une mer d'Aral qui disparait et qui revient comme l'amour passionné entre Alexeï et Zena ; la musique omniprésente et d'autant plus perceptible qu'Alexeï devient sourd; les horreurs environnementales de l'ex Empire soviétique et ses conséquences désastreuses dans la population ...
Un roman intime qui touche au plus profond de nous-même .
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (136) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1081 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}