« La lecture est pour moi un acte antérieur à l'écriture. Un positionnement originel. »
« Je cherche à comprendre le va-et-vient délicieux qui existe entre la lecture et l'écriture »
Dans un élan passionné, animée d'une grande sincérité, Cécile Adjali nous invite à la suivre dans cette recherche en nous entrainant à sa suite dans les rayonnages de sa bibliothèque où elle nous décrit la façon dont se côtoient tous les auteurs admirés, les anciens et les contemporains, unis par la passion de celle qui les a rassemblés. Elle nous en fait parcourir les strates en énumérant les titres mais sait aussi nous faire don de très belles pages comme celles sur
Virginia Woolf et son
Orlando, sur
Emily Dickinson,
Ingeborg Bachmann et
Paul Celan…. Elle nous laisse entrevoir la relation « scandaleusement décomplexée qu'elle entretient avec les
oeuvres, voire les auteurs » comme celle avec
Baudelaire lorsqu'
elle se voit Jeanne Duval lors d'une visite de l'hôtel de Lauzun
« Je me souviens de cet appartement, où tremblaient les lueurs vert-de-gris de la Seine et l'ombre vibrante des peupliers. Un lieu vide, où rien n'avait été refait depuis la rédaction des Fleurs du Mal. Je me souviens de cette porte à vantaux couverte de miroirs piqués par l'usure et la crasse. Quand j'étais Jeanne Duval, il y a plus d'un siècle, je m'y mirais pour renouer mon corset … Un jour il faudra que je publie ce livre écrit sur celui que j'ai si bien connu et qui dans une autre vie a relacé mes corsets devant la porte aux miroirs. »
Elle nous découvre ses premières amours et rend un bel hommage à son maître Georges Steiner. Elle nous parle aussi d'écrivains actuels qui font partie de ses amis comme
Marie-Hélène Lafon,
Véronique Ovaldé ou Linda lê avec laquelle elle correspond,
« Les lettres que
Linda Lê m'a écrites sont rangées dans la bibliothèque, juste à côté de ses livres. Nous ne faisons que nous écrire, je n'ai jamais eu l'audace d'aller à elle. Je la devine farouche. On verra. En son temps. Je lis ses romans comme des lettres qu'elle m'aurait envoyées et résonne étrangement cette petite phrase d'elle : « en amour il ne faut jamais rencontrer son double ».
J'ai aimé sa relation vivante au livre, qu'elle me dise et me montre que ses « personnages ne sont jamais que les enfants nés de ses lectures » mais aussi que par son intermédiaire se renouvelle mon désir de découvertes, s'alimente mon avidité de lectures. Et je termine par ce bel hommage de sa part qui résume un peu toute la richesse de ce voyage dans sa bibliothèque :
«
Tolstoï m'a appris le soleil et le souffle. Kafka l'inquiétude nécessaire.
Celan le silence éloquent.
Sylvia Plath et
Ingeborg Bachmann la poésie des jours blancs.
Shakespeare la puissance. Racine la décence.
Faulkner les
voix.
Proust et Woolf le temps. Pascal la ferveur.
Flaubert la cruauté.
Baudelaire la colère.
Montaigne l'homme. Benjamin l'intelligence du désespoir. Ainsi ma bibliothèque a de nombreux visages et, en même temps, il se pourrait bien qu'elle n'en ait qu'un, tous ses livres se condensant dans celui que je suis en train d'écrire. »