Si Goya doit beaucoup à la nature qu’il étudia avec une passion jalouse, à laquelle il recourut sans cesse, qui lui enseigna ses adresses et ses témérités; s’il doit beaucoup aussi à Rembrandt, il dit doit pas moins à Velazquez, comme non seulement il l’avoue, mais comme même il s’en fait gloire. Toutefois, s’il est un disciple très reconnaissable du peintre ordinaire de Philippe IV, c’est un disciple indépendant et peu soumis, qui s’est plu, bien souvent, à faire l’école buissonnière, écoutant assez volontiers ceux qu’il rencontrait au coin des chemins ou dans les boudoirs, quand ces derniers s'appelaient Reynolds, Gainsborough, Watteau ou Greuze. En Italie, sur les lagunes de l’Adriatique, Goya aurait bien encore trouvé un peintre avec lequel il eût eu plus d’un i)oint de contact : Gio Rattista Tiepolo; mais il n’eut pas besoin d’aller faire sa connaissance à Venise ; ce dernier vint en Espagne, âgé de plus de soixante-dix ans, et y demeura jusqu'à sa mort, survenue sept ans plus tard.
L’Espagne, après avoir étonné le monde par le nombre et le talent de ses peintres, de la fin du XVIe siècle an commencement du XVIIIe, était tombée bien bas quand apparut Goya, le dernier anneau de cette chaîne, à l’autre bout de laquelle se trouve Velazquez. Il affirma son génie en faisant revivre dans son oeuvre l'âme de son siècle ; lui disparu, les ténèbres se firent plus opaques et l’art espagnol se résigna de nouveau à la nuit et au silence.