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EAN : 9782371000971
128 pages
NOUVEL ATTILA (04/09/2020)
3.73/5   161 notes
Résumé :
Cette autofiction raconte une famille dans laquelle un père sadique et tout-puissant fait régner la terreur. Le projet est simple : décrire avec précision l’effroyable barbarie d’un homme qui roue sa fille de coups, qui la tient en laisse, qui la force à marcher à quatre pattes, à manger sous la table, sans que la mère s’interpose jamais. Personne ne s’étonnera si l’enfant, devenue grande, finit par mordre.
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
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Marie-Pier Lafontaine est une petite soeur de Chloé Delaume et Christine Angot à l'énergie très Virginie Despentes. Comme les deux premières, elle a écrit une autofiction sismique sur les souffrances vécues durant l'enfance. En l'occurence, les sévices perpétrés par un père monstrueux qui multiplient des jeux sadiques à connotation sexuelle comme promettre à la narratrice et sa soeur de les violer lorsqu'elles auront douze ans. Ou « comment agresser ses enfants sans les pénétrer », la mère a interdit le viol, mais pas le reste.

Le texte est très souvent insoutenable et profondément perturbant. Sans concession. Je l'ai cependant lu deux fois. Pour dépasser l'horreur immédiate décrite qui sidère et brouille le jugement. Pour rendre justice au remarquable travail d'écriture de l'auteure. Ce texte n'est pas un témoignage. Il s'approche du réel tout en conservant une liberté farouche. C'est une oeuvre littéraire avec des choix formels forts et une esthétique juste.

Les phrases sont travaillées, sculptées à l'extrême, incisives, regroupées en des chapitres tout aussi brefs, un par page, avec beaucoup d'espaces blancs au-dessous et au-dessus comme pour laisser le temps au lecteur à prendre une goulée d'air. Chaque phrase est une décharge, un électrochoc. Les points hachurent pour apporter un maximum de puissance sans laisser la moindre échappatoire.

« Je voudrais que ce texte décime ma famille entière. »
« La mère participe à l'inceste » répétée en anaphore.

On est dans un match de boxe. L'écriture comme réponse à la violence. Elle renverser le rapport de force en brisant la loi du père de ne pas raconter. Elle le dépossède de sa violence en le tuant symboliquement, sans chercher à s'excuser des séquelles psychologiques. Elle autorise à écrire, tant pis si les mots dérangent notre confort de lecteur et le "politiquement correct".

« Ce désir inavouable, paradoxal, que jamais je n'aille mieux. Que les douleurs ne s'éteignent pas. Que la peur persiste dans ma chair, mes os. Les crises et les colères. Les viols et les morsures. Comme autant de preuves que je n'ai rien inventé. Tout pour que je puisse continuer à lire dans les ecchymoses et les rejets les marques concrètes d'une enfance qui n'en était pas une. Je voudrais encore plus de cicatrices. Encore plus de traces de peau décolorée que jamais plus aucun rayon de soleil ne pourrait foncer. Je voudrais que l'on me croie. »

Le texte est d'une puissance rare. Irrespirable, il crie et tabasse. J'ai rarement lu un texte aussi estomaquant pour faire ressentir physiquement la terreur d'enfants martyrisés

« Je sens l'énergie se brûler, consumer ses réserves. Même un battement de cils exige une quantité démesurée d'effort. Les mouvements spontanés de déglutition s'arrêtent. Les gémissements ne sortent pas de la gorge. Ils se coincent. Ils vibrent et cognent, mais ne sortent pas du corps. Refuser de laisser la terreur assiéger ses os est épuisant."

" Ma chair a été vidée de son sacré. Mon corps a été purgé de lui-même. Ses terminaisons nerveuses ne mènent plus nulle part. »

Mais le texte ne fait pas que tabasser. Il bouleverse aussi quand on sent la petite fille derrière l'adulte résiliente, comme lorsque elle s'imagine au conditionnel une mère aimante et protectrice.

« J'aurais tellement voulu une mère stridente. Une mère à nous, pour nous, pour bercer nos cauchemars. Je l'aurais choisie iris, tympan et tambours. Elle aurait été toute en colère. Sans lignes de fuite ni fatigue. Une femme au ventre plein ? A border les nuits sans étoiles. Elle nous aurait décroché des petits matins aux croissants, des couleurs et la lune. »

Une proposition littéraire exceptionnelle qui me laissera une empreinte forte.
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Un court texte, une centaine de pages d'horreur, la vie d'une enfant maltraitée.

Des pages à moitié remplies, parfois un seul paragraphe, mais en aurait-on supporté davantage ?

Aucun contexte, on ne sait pas où et quand, aucune description de décor ou de personnes.

Une écriture trop vraie, qui distille la terreur de l'enfant.

Des phrases choc, comme dans un reportage d'un journal à sensation.

Presque qu'un haut le coeur plutôt qu'un coup de coeur.
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Ce livre est d'une grande violence, sur l'enfance maltraitée et l'inceste, sans pourtant, et étonnamment, tomber dans le patos ni l'écoeurement. L'autrice use d'un mélange équilibré dans le récit de la fille, entre les horreurs faites par ce père-monstre, ordure finie, qui jubile à la mesure des douleurs qu'il engendre, entre cette mère inexistante, à genoux, elle aussi victime de viols (la fille en veut presque davantage à sa mère qu'à son père semble-t-il), et, tous les scénarii que cette fille imagine sur la mort de ce père. Trois femmes, trois victimes, éduquées pour devenir chiennes, à quatre pattes, à ne jamais mordre ; parce qu'une chienne est fidèle même quand elle est battue ! Cette métaphore filée sur les filles-chiennes a le mérite de la précision abjecte. Livre très spécial mais excellemment écrit, parce qu'il a une vocation essentielle : tuer le père ! Commencer ce livre, c'est ne plus le lâcher tant il percute par son style. Livre majeur et pourtant premier roman ; grande écrivaine québécoise en herbe à suivre...
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Un uppercut, cette lecture !
J'en reste KO, pensive.
L'écriture de Marie Pier Lafontaine
est armée d'une force vitale
pour nous dire aussi fort
l' éffroi, la douleur, la mort qui rode.
Un batteur incestueur
une incestigatrice
deux incestuées..
Une violence, un sadisme XXL
On n'en croit pas ses yeux.
On pense mal comprendre .
La réalité dépasse la fiction
les mots choisis relèvent de la vraie vie.
L'écriture pour rester vivant, exister
témoigner, crier quand on a dû se taire.
Ce récit est fulgurant .
Une voix d'outre-tombe
car l'enfance et l'innocence
ont été assassinées à petits feux
avec une savante perversion.
Inoubliable je crois.

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Une terrible auto-fiction qui fait très très très froid dans le dos ! Forcément les faits relatés dans le roman nous glacent le sang, ça frôle la barbarie, c'est ultra-violent et surtout le père a la recette parfaite pour déshumaniser sa femme et ses deux filles.

Mais je pense que plus que les faits, c'est la construction très atypique du roman qui m'a glacé le sang ! En effet, ici le lecteur n'a pas accès à un livre structuré de façon classique avec des chapitres ou des pages de plein texte mais simplement des bribes de souvenirs, un peu dans le désordre… L'auteur déroule son auto-fiction sous forme de flashs, parfois cinq lignes sur une page, parfois une page complète… C'est très très déroutant ! Et puis, inutile de tenter de s'accrocher à un personnage ou bien de vouloir le décrypter, ici les filles n'ont pas de prénom, le père et la mère non plus ! Tout est réuni pour perturber le lecteur et le scotcher au siège, cerise sur le gâteau, on ne sait pas quand ni où nous sommes.. Bref, on a le minium d'informations mais un maximum de cruauté.

On sent que le but de Marie-Pier Lafontaine est de raconter, de dire sans se censurer. Elle n'est pas là pour ménager son lecteur, elle le tient à distance ! le style n'est pas gore, ni même pornographique, en revanche il est très brutal ! Et il soulève l'estomac…

Troublant, déroutant et dérangeant, ce livre je ne le conseille pas à tout le monde car il n'est pas facile d'accès. En revanche, je pense que la libération de la parole est nécessaire, se libérer pour se comprendre et tenter d'avancer, c'est la démarche de l'auteur. Brut, trash, cash, sans filtre, une lecture qui vous laisse des bleus sur le corps et dans l'esprit.
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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critiques presse (1)
LeDevoir
23 septembre 2019
Dans son premier livre, Marie-Pier Lafontaine mène une charge contre la violence qui persiste envers les femmes. «Chienne» arpente avec une colère froide et personnelle le territoire de la violence familiale.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
On dit qu’il est normal d’avoir peur du viol. Que son idée seule terroriserait n’importe quelle femme. Moi, le viol ne me fait plus peur du tout. J’ai reçu suffisamment de coups, de haine et de crachats pour ne plus trembler devant la possibilité d’un contact non désiré. Mon corps a été maltraité tant de fois, mes os battus, que ma chair a été vidée de son sacré. Mon corps a été purgé de lui-même. Ses terminaisons nerveuses ne mènent plus nulle part. Il est devenu un objet comme un autre. Un sac de boyaux et de tripes dans lequel les hommes peuvent piger sans que je m’en formalise. Suffisamment d’hommes sont passés sur moi, m’ont éventrée, pour que le viol ne me fasse plus peur. Je peux désormais marcher librement dans la rue.
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Il y a tout un pan de violence que je ne me résous pas à écrire. Ça en ferait trop. Trop de violence dans le même livre. On dira que j’ai exagéré ou menti. Et toutes les personnes qui me diront que j’ai exagéré ou menti seront mon père.

(Héliotrope, p.65)
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Si papa dit jappe. Je jappe. Si papa dit rapporte. Je rapporte. Si papa dit lèche ta patte. Je lèche ma patte. Si papa dit sens les fesses de ta sœur. Je sens les fesses de ma sœur. Si papa dit roule sur le dos, sale chienne. Je roule sur le dos et sale chienne, je deviens. Si papa dit gruge le soulier. Je gruge le soulier. Si papa dit mange tes excréments. Je mange mes excréments. Si papa dit tourne en rond, sale conne. Je tourne en rond et sale conne, je deviens. Si papa dit grogne. Je grogne et reçois un coup de pied ça t’apprendra à grogner après moé, sale chienne. Papa dit aussi les animaux, faut les attacher avec une chaîne. Si je refuse les rouli-roulades, les biscuits en forme d’os, les donne la papatte, il sort la laisse.
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Les hommes m’aiment, m’ont toujours aimée, comme on aime une chienne. À quatre pattes. La langue sortie. Surtout ne pas grogner, surtout ne pas mordre. Ils me l’ont dit. Leurs phalanges verrouillées autour de mon cou. Une ceinture une fois. Ils me l’ont dit des centaines de fois t’aimes ça, hein, maudite chienne. Les hommes m’aiment comme ils aiment leurs chiennes. Pour leur fidélité. Pour le besoin d’eux qu’elles expriment un peu plus chaque jour. Les chiennes restent. Elles restent malgré les coups de pied dans les côtes, les claques, les tapes. Ils savent que je reviendrai. Que je feindrai avec conviction le plaisir à chaque coup sur mes fesses tendues.
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Les gens ne savent pas que, lorsqu’on a été tuée plusieurs fois déjà, il n’y a plus rien de tragique dans la mort. Plus rien de dramatique. Peut-être qu’au moment de lui tendre la corde, moi, debout sur le plancher et elle, grimpée sur le fauteuil du salon, peut-être que dans nos chuchotements de gamines tristes et brisées, peut-être que j’aurais réussi à lui mentir, à lui dire, sans que les mots ne s’étranglent dans ma gorge, que la plus forte des vengeances serait la vie.
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Videos de Marie-Pier Lafontaine (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie-Pier Lafontaine
Marie-Pier Lafontaine lit un extrait de son premier roman "Chienne", en sortie le 04 septembre 2020.
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